Voir l'histoire et la donner à voir dans trois dialogues de l'Espagne impériale. Diálogo de Mercurio y Carón, Viaje de Turquía et Crotalón
Fabrice Quero, Voir l'histoire et la donner à voir dans trois dialogues de l'Espagne impériale. Diálogo de Mercurio y Carón, Viaje de Turquía et Crotalón, Paris, Éditions hispaniques, 2020, 227 p.
Genre prisé des humanistes qui découvrent en lui un instrument de choix et à l’héritage antique prestigieux pour exprimer leur pensée, le dialogue séduit plusieurs disciples espagnols d’Érasme durant le règne de Charles Quint. La richesse de cette forme, notamment dans sa déclinaison lucianesque, leur offre un espace littéraire où les pouvoirs de l’énonciation, les trésors de la rhétorique et les ressorts de l’ironie sont mis au service de l’expression d’une pensée polémique. Les auteurs qui suivent le chemin du rhéteur de Samosate et de la ménippée trouvent en l’histoire tourmentée des trois décennies qui séparent le victoire de Pavie (1525) des abdications de l’empereur (1555-1556) la matière idéale pour se prononcer sur les grands choix idéologiques de cette époque. Dans le Diálogo de Mercurio y Carón, le secrétaire de la chancellerie impériale, Alfonso de Valdés, met en conversation la défense de de l’action impériale sur la scène européenne et la promotion de la Philosophia Christi avec une arrogance à laquelle les événements récents apportent une justification supplémentaire. Près de vingt ans plus tard, c’est le chant du cygne de l’érasmisme espagnol qui se fait entendre dans les anonymes Viaje de Turquía et Crotalón qui, d’un point de vue analogue, portent un regard désabusé sur une histoire dans laquelle auteurs et personnages sont emportés malgré eux.