BALUTET, Nicolas, Christophe Colomb et la Corse. La « possibilité d’une île » ?, Paris, Classiques Garnier, 2021, 252 pp.
La vie de Christophe Colomb est nimbée de nombreux mystères. Dans cette nébuleuse, l’origine, l’enfance et la jeunesse du navigateur constituent les points les plus obscurs, ceux qui ont suscité les débats les plus enflammés, les hypothèses les plus fantaisistes et controversées. Depuis la fin du XIXe siècle et la publication en Italie de volumineux recueils de documents censés dresser la généalogie du « découvreur » de l’Amérique, l’histoire officielle fait de Christophe Colomb un plébéien de Gênes, tisserand ou marchand. Néanmoins, l’ensemble s’avère très confus pour expliquer comment un jeune homme sans expérience maritime aurait pu conduire en si peu d’années une entreprise navale d’une aussi grande envergure et épouser auparavant une dame de la noblesse portugaise. Par ailleurs, pourquoi n’a-t-il jamais revendiqué la République de Gênes, pourtant florissante et puissante, comme son berceau et sa patrie ? Serait-ce en raison de ses longues années passées au Portugal et en Espagne, ce dernier pays l’ayant en quelque sorte adopté ? Ou bien parce que la notion de la nationalité est encore floue au tournant du Moyen-Âge et de la Renaissance ? Par son mutisme, l’Amiral de la merOcéane tenterait-il de cacher des activités hétérodoxes ou un passé inavouable ? Pourquoi les sources sont-elles si rares et certains documents falsifiés ? Pourquoi la ville de Gênes n’a-t-elle revendiqué son illustre ressortissant putatif que fort tardivement, au XIXe siècle ? Voici quelques-unes des nombreuses interrogations qui, depuis plusieurs siècles, hantent et fascinent les chercheurs. Au fil du temps, la figure de Christophe Colomb, déjà originellement énigmatique, s’est complexifiée. Les louables hypothèses de certains auteurs ont été prises par d’autres pour des faits avérés, des fables ont comblé les vides, des mensonges ont sciemment été proférés afin d’asseoir telle ou telle théorie. Ainsi, loin de dissiper les ombres, l’historiographie colombine a engendré un volumineux palimpseste dans lequel, sans discernement, le vrai côtoie le faux, l’incontestable l’incertain. Si le navigateur, par ses silences, est responsable en partie de cette situation, la faute incombe davantage à tous ceux qui, loin d’employer une démarche scientifique, ont souvent répondu aux sirènes d’un patriotisme de mauvais aloi. Outre la capitale de la Ligurie, une quinzaine de villes italiennes revendiquent (ou l’ont fait à une certaine époque) d’être le berceau de Colomb, mais aussi des territoires espagnols comme la Galice, la Catalogne et les Baléares, sans compter les présomptions portugaise, grecque, anglaise, écossaise, norvégienne, croate… ou bien corse. L’examen de cette dernière hypothèse constitue l’objet du présent ouvrage. À partir du cas de Calvi, il s’agit de retracer le débat qui, depuis la fin du XIXe siècle, suscite les passions les plus explosives entre partisans et détracteurs de l’origine insulaire du « découvreur » de l’Amérique.