Hommage d'Augustin Redondo à André Labertit

In Memoriam
André LABERTIT

C'est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès d'André Labertit le 23 juin 2025.

Il était né à Bayonne en 1929, mais il appartenait à une famille landaise. Son père était cheminot mécanicien, de sorte que ses parents avaient souhaité que leur fils puisse avoir une formation plus poussée, même si leurs moyens financiers étaient limités. Il avait d'abord fait des études au lycée de Bayonne, avant de passer par l'École Normale d'Instituteurs de Lescar puis d'intégrer l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud en 1952, en même temps que Joseph Pérez. Agrégé d'espagnol en 1960 (après un séjour en Espagne et une participation à la guerre d'Algérie en tant qu'appelé), il avait d'abord exercé dans l'Enseignement Secondaire, au renommé lycée Kléber de Strasbourg, pendant deux ans. Il est bon de rappeler que les troisième et quatrième républiques ont voulu que Strasbourg fût un des pôles forts de l'Enseignement, notamment de l'Enseignements Secondaire et de l'Enseignement Supérieur, face à l'Allemagne. Il ne faut pas oublier en effet que l'Alsace et la Lorraine avaient été annexées par cette dernière après la guerre de 1870 et jusqu'en 1919; à nouveau, après la défaite française de 1939, l'Alsace et la Moselle avaient été intégrées dans le Reich entre 1940 et 1944. C'était une façon de contrecarrer l'attrait des centres universitaires allemands. Pour ce qui est plus directement de l'Enseignement Supérieur, il était donc nécessaire de maintenir à Strasbourg une équipe de professeurs réputés.


A la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg enseignaient alors Georges Straka, qui était directeur du Centre de Philologie et de Littératures romanes et Bernard Pottier qui dirigeait l'Institut d'Espagnol. Ce dernier repéra André Labertit et lui proposa de venir occuper un poste d'assistant d'espagnol. Dès lors, il gravit les divers échelons de la carrière universitaire sans quitter l'Université alsacienne, jusqu'au grade de professeur. Après le départ de Bernard Pottier pour Paris, puis de Jacques Lafaye, André Labertit devint vers la fin de la décennie 1960-1970 le responsable de l'Institut d'Espagnol et quand Georges Straka partit à la retraite en 1979, il assuma la direction du Centre de Philologie et de Littératures romanes. Il mit ainsi tout en œuvre pour maintenir l'audience que ces diverses institutions avaient acquise et pour arriver à étendre la portée des études hispaniques dans ce grand Est tourné vers les études germaniques. Ainsi, Il organisa, à plusieurs reprises, des journées d'étude dans le cadre du Centre de Philologie, comme celle qui portait sur Amour tragique, amour comique, de Bandello à Molière (1987). De même, malgré les difficultés financières, il s'efforça de maintenir à flot la revue Travaux de l'Institut d'Études ibériques et Latino-Américaines de l'Université des Sciences Humaines de Strasbourg (TILAS) et, pour donner plus de visibilité aux études hispaniques, il fut le maître d'oeuvre en 1987 d'un Hommage à Manuel de Falla, de Don Quichotte aux marionnettes de Maître Pierre, dans le cadre de journées franco-espagnoles. Parallèlement, il accepta, à plusieurs reprises, de faire partie du jury de l'Agrégation d'Espagnol et d'offrir des outils de travail aux étudiants en participant à des ouvrages comme cette Introduction à l'étude critique : textes espagnols (Paris, Armand Colin, 1972). D'autre part, après la chute du franquisme, et en vue de donner un plus grand impact aux études hispaniques par le développement d'activités coordonnées, il établit des liens avec José Luis Mesías, ambassadeur d'Espagne auprès du Conseil de l'Europe. Cela devait lui valoir plus tard d'être nommé Commandeur de l'Ordre d'Isabelle la Catholique, en reconnaissance de son action en faveur du développement de l'espagnol sous toutes ses formes. De la même façon, il deviendrait Académicien correspondant de l'Académie espagnole.

Par ailleurs, André Labertit était un spécialiste reconnu du Siècle d'Or et il a publié plusieurs travaux qui vont du Lazarillo à Gongora. Dans sa thèse de doctorat d'État, en accord avec les orientations de la revue créée par Straka, Travaux de Linguistique et de Littérature, il avait décidé de jeter des ponts entre ces deux disciplines puisqu'elle s'intitulait significativement : Études philologiques et stylistiques de littérature espagnole: le chantier classique. Dirigée par Maxime Chevalier, elle fut soutenue à Bordeaux en 1979. Dès lors, ayant accédé au professorat, il put lui-même diriger des thèses avec cette orientation, qui allaient de recherches sur l'emblématique à des études de linguistique différentielle. Il était en effet apprécié par ses étudiants et il avait su attirer à lui plusieurs doctorants qui, même après avoir soutenu leur thèse, lui restèrent très attachés. Mais ses horizons de recherche allaient au-delà des XVIe et XVIIe siècles. C'est ainsi qu'avec un de ses collègues espagnols, Manuel Losada Goya, professeur à l'Université Complutense de Madrid, il a fait paraître en 2014 un livre sur Victor Hugo et l'Espagne : l'imaginaire hispanique dans l'œuvre poétique (Paris, Honoré Champion).


En 1994 vint pour lui l'heure de la retraite. Il se retira dans ce pays landais si cher à son cœur, plus précisément à Soustons, où il possédait une maison. Dès lors, sans oublier sa vocation d'hispaniste -il publia par exemple le livre sur Victor Hugo et l'Espagne et suggéra à une de ses petites-filles, conservatrice du Petit Palais à Paris, d'organiser une grande exposition sur le peintre José Ribera, ce qui eut lieu effectivement du 5 novembre 2024 au 23 février 2025-, il se tourna vers des recherches liées à son terroir et plus directement à Soustons, publiant plusieurs fascicules et préfaçant divers travaux.


Sa fibre sociale se manifesta aussi en présidant pendant plusieurs années la Maison d'enfants "Chez Nous" à Vieux-Boucau, qui accueillait des jeunes en grande difficulté, cependant que sa maison familiale était toujours ouverte aux amis et anciens étudiants. Il s'est éteint à 96 ans, entouré de son épouse Jeanne, avec laquelle il avait vécu pendant 73 ans, et du reste de sa famille.


Tous ceux qui l'ont connu et apprécié conserveront un souvenir vivant et ému de cet ami fidèle, de cet enseignant-chercheur ouvert et généreux, de cet hispaniste de qualité toujours prêt à défendre notre discipline et à aider les autres.


Augustin Redondo


Université Sorbonne Nouvelle

En ligne

Nous avons aucun invité et aucun membre en ligne

Agenda

Novembre 2025
L Ma Me J V S D
27 28 29 30 31 1 2
3 4 5 6 7 8 9
10 11 12 13 14 15 16
17 18 19 20 21 22 23
24 25 26 27 28 29 30

Séminaires

Aucun évènement

Bureau de la SoFHIA

Caroline Lepage

Présidente de la SoFHIA

Thomas FAYE

Vice-président aire hispanique

Graça DOS SANTOS

Vice-Présidente aire lusophone

Marion GAUTEAU

Vice-Présidente aire latino-américaine

Immaculada FÀBREGAS

Vice-Présidente aire catalanophone

Carole FILLIÈRE

Vice-Présidente Bourses SoFHIA

Judite RODRIGUES BALBUENA

Trésorière

Davy DESMAS-LOUBARESSE

Secrétaire général

Diane BRACCO

Secrétaire générale

Marina RUIZ CANO

Responsable du site

Marta LÓPEZ IZQUIERDO

Co-rédactrice en chef HispanismeS

Eva TOUBOUL

Vice-Présidente en charge des relations avec l’enseignement secondaire

Fabrice CORRONS

Responsable Correspondant·e·s et réseaux

Julie FINTZEL

Responsable Correspondant·e·s et réseaux

hispanismes-btn

galet-groupement-des-associations-de-langues-etrangeres

REAH (Réseau Européen d'Associations d'Hispanistes)