Événements

Événements

Les langues du conservatisme dans les Amériques : une approche par l’histoire des concepts (XVIIIe-XXIe siècles) Télécharger au format iCal
 

Journée d’études

Les langues du conservatisme dans les Amériques : une approche par l’histoire des concepts (XVIIIe-XXIe siècles)

27 mars 2026

Université Marie et Louis Pasteur (UMLP), Besançon

Organisée par Alexis Medina (UMLP, CRIT EA 3224), Éric Rouby (UMLP, CRIT EA 3224) et Tatiana Salazar Cortez (Université Paris Nanterre, EA 369 Études romanes-CRIIA-Centre d’Études Équatoriennes)

Le développement de nouvelles formes de conservatisme aux Amériques, marqué par l’élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016, celle de Jair Bolsonaro au Brésil en 2018 et l’ascension politique de Javier Milei en Argentine, a nourri de nouvelles recherches sur le langage conservateur. Des travaux récents analysent la manière dont les forces conservatrices ont construit au cours des dernières années un langage qu’elles présentent comme subversif et antisystème, en rupture avec la « correction politique » associée au progressisme (Stefanoni, 2022 ; Viala-Gaudefroy, 2024).

Dans ce contexte, cette journée d’études est conçue comme une invitation à aborder le conservatisme sur le continent américain à l’aune de l’histoire conceptuelle du politique, en analysant les langages et les concepts utilisés par les conservateurs eux-mêmes, dans une perspective diachronique couvrant la période contemporaine, de la fin du XVIIIe siècle au XXIe siècle.

Pionnier de l’histoire des concepts, l’historien allemand Reinhart Koselleck a analysé la naissance d’un langage politique moderne en Allemagne pendant la période charnière comprise entre 1750 et 1850, la Sattelzeit, période de transition vers la modernité. Ses travaux montrent la manière dont les concepts politiques se transforment pour nommer une réalité en mutation (Guilhaumou, 2000). Koselleck propose donc une sémantique du temps historique : il s’agit d’analyser l’outillage conceptuel utilisé par les acteurs historiques, individuels et collectifs, pour désigner la réalité. Pour Koselleck, analyser les évolutions sémantiques des concepts permet une compréhension plus fine de la réalité historique, car le langage et la réalité sont intimement liés. Les concepts politiques ne sont pas seulement le reflet de l’expérience des acteurs historiques, mais ont une incidence sur la réalité car ils cristallisent aussi des horizons d’attente : « L’histoire des concepts […] nous rappelle que les mots et l’usage que l’on en fait sont plus importants pour la politique que toute autre arme » (Koselleck, 1990, p. 77).

 

L’historiographie récente s’est saisie de la méthodologie proposée par Koselleck pour analyser la même période charnière, 1750-1850, dans le monde ibéro-américain, de la mise en œuvre des réformes bourboniennes aux reformas de medio siglo, en passant par les révolutions d’indépendance. En témoigne le projet Iberconceptos, qui a abouti à la publication de plusieurs dictionnaires de concepts politiques dans le monde ibéro-américain (Fernández Sebastián, 2009). Ces travaux cherchent à retracer les évolutions sémantiques de concepts tels que « libéralisme », « république » ou « communauté » (Fernández Sebastián, 2012 ; Goldman et Lomné, 2024 ; Entin et Myers, 2024). L’approche conceptuelle a surtout été exploitée pour analyser la période 1750-1850, mais moins pour le XXe siècle latino-américain, hormis, par exemple, un ouvrage sur le concept de « Révolution » en Amérique latine, principalement au XXe siècle (González et Palieraki, 2003). Par ailleurs, les travaux d’histoire conceptuelle tendent à s’attarder sur les concepts utilisés par les acteurs de l’ensemble du spectre politique, mais plus rarement de manière spécifique sur le langage politique conservateur. Toutefois, certains chercheurs se sont attelés à analyser le conservatisme sous ce prisme, comme Carlos Espinosa pour le cas de l’Équateur entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle (Espinosa et Aljovín, 2015 ; Espinosa, 2018).

Aux États-Unis, la réception de l’œuvre de Koselleck et son utilisation semblent marquées par des incompréhensions et des rencontres manquées au moins pour ce qui est de la fin du XXe siècle (Hoffman, 2017) malgré l’augmentation de l’intérêt scientifique pour des concepts comme le langage et la temporalité, eux-mêmes centraux à l’œuvre de l’historien allemand. Or l’histoire conceptuelle invite à étudier le conservatisme américain non seulement sous l’angle de ses mutations idéologiques, mais également celles de ses répertoires sémantiques. Le projet permettrait une analyse collective des concepts satellites du conservatisme comme « freedom », « tradition » ou encore « founding ». Ces termes, définis et investis d’un horizon d’attente propre par les acteurs conservateurs, articulent, à leur tour, la lutte politique contre les liberals et les progressistes américains.

Les contributions s’inscriront en priorité dans l’un des axes suivants :

  1. Elles pourront s’attacher à explorer la polysémie et les stratifications internes des différents conservatismes à travers les Amériques, en mettant en lumière les périodes de cristallisation ou de diversification des significations (transition à la modernité, indépendances, guerres civiles, révolutions, Guerre froide).
  2. Elles pourront également interroger les « concepts satellites » et les notions centrales du conservatisme : de l’idée de « révolution » à celle de « liberté », en passant par « identité » ou encore « tradition ».
  3. Il sera aussi pertinent d’examiner l’importance des régimes d’historicité et la temporalité propre aux divers développements du conservatisme. D’un passé mythifié, comme celui invoqué par des dirigeants conservateurs comme Mauricio Macri (Adamovsky, 2017) ou par des mouvements tels que le Tea Party (Lepore, 2011), aux formes que prend la méfiance envers la modernité politique ou sociale, jusqu’aux logiques de « reconquête » revendiquées par certains mouvements (à l’instar du mot d’ordre « Take America Back »), la journée d’étude permettra de mieux comprendre la distinction entre l’espace d’expérience (Erfahrungsraum) et l’horizon d’attente (Erwartungshorizont), et ce qu’elle implique pour les conservatismes dans leur rapport au temps et à l’action politique.
  4. Enfin, ce cadre d’analyse offrira la possibilité de mieux saisir les expressions les plus récentes du conservatisme dans les Amériques, telles qu’elles se manifestent à travers des figures comme Donald Trump, Jair Bolsonaro ou Javier Milei.

La journée d’étude compte avec le soutien du Centre de Recherches Interdisciplinaires et Transculturelles-EA 3224 (UMLP), du Centre d’Études Équatoriennes-EA 369-Études romanes-CRIIA (Université Paris Nanterre) et de l’Institut Français d’Études Andines (IFEA). Elle se tiendra à la Maison des Sciences de l’Homme et de l’Environnement (Besançon) le 27 mars 2026.

Les propositions de communications d’environ 500 mots sont à envoyer à l’adresse avant le 30 novembre 2025. Chaque proposition devra inclure les nom(s) et prénom(s) du·de la participant·e, ses coordonnées électroniques, son organisme de rattachement, une liste de cinq mots-clefs et une brève notice bio-bibliographique. Le comité d’organisation se prononcera sur les propositions au plus tard le 15 décembre 2025.

Bibliographie indicative:

  • Adamovsky, Ezequiel. El cambio y la impostura: la derrota del kirchnerismo, Macri y la ilusión PRO. Buenos Aires, Planeta, 2017.
  • Bohoslavsky , Ernesto et Boisard, Stéphane. (Dossier) « Les droites latino-américaine pendant la guerre foirde (1959-1990) ». Cahiers des Amériques latines, nº 79, 2015.
  • Bohoslavsky, Ernesto et Franco, Marina. Fantasmas rojos. El anticomunismo en la Argentina del siglo XX. Buenos Aires, UNSAM Edita, 2024.
  • Bohoslavsky, Ernesto et Vayssière, Bertrand. (Dossier). « Cent ans d’anticommunisme en Europe et dans les Amériques ». Les Cahiers de Framespa, nº 36, 2021.
  • Boisard, Stéphane. « Del totalitarismo al populismo: el enemigo antiliberal en el discurso de derecha ». Debate entre o público e o privado, 10 (24), 2020, pp. 24-48.
  • Boisard, Stéphane et Reali, María Laura. (Dossier). « Derechas en el Cono sur latinoamericano. Circulaciones, redes, propuestas y miradas en los siglos XX y XXI », Anuario IEHS, 32 (2), 2017.
  • Entin, Gabriel et Myers, Jorge (éds.). (Dossier). « Itinerarios de un metaconcepto. La comunidad en el siglo XIX latinoamericano », Estudios de Historia latinoamericana. AHILA, 2024, n°17.
  • Escudier, Alexandre, « “Temporalisation” et modernité politique : penser avec Koselleck ». Annales, 64 (6), 2009, pp. 1269-1301.
  • Espinosa Fernández de Córdova, Carlos. « Repensar la derecha: democracia cristiana, corporativismo e integralismo en Ecuador en la entreguerra (1918-1943) ». Historia 396, 8 (2), juillet-décembre 2018, pp. 55-90.
  • Espinosa Fernández de Córdova, Carlos y Aljovín de Losada, Cristóbal. « Conceptos clave del conservadurismo en Ecuador, 1875-1900 », ACHSC, 42 (1), janvier-juin 2015, pp. 179-212.
  • Fernández Sebastián, Javier (dir.). Diccionario político y social del mundo iberoamericano, Madrid, Fundación Carolina, 2009.
  • Fernández Sebastián, Javier (coord.). La aurora de la libertad. Los primeros liberalismo en el mundo iberoamericano. Madrid, Marcial Pons, 2012.
  • González Alemán, Marianne et Palieraki, Eugenia (comps.). Revoluciones imaginadas. Itinerarios de la idea revolucionaria en América latina contemporánea. Santiago du Chili, RIL editores, 2003.
  • Guilhaumou, Jacques. « Reinhart Koselleck et le temps historique », in Régis Bertrand, Maryline Crivello et Jean-Marie Guillon (dir.), Les historiens et l’avenir. Comment les hommes du passé imaginaient leur futur. Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2014, pp. 27-36.
  • Guilhaumou, Jacques. « De l'histoire des concepts à l'histoire linguistique des usages conceptuels ». Genèse, 38 (1), 2000, pp. 105-118.
  • Himmelstein, Jerome L. To the Right. The Transformation of American Conservatism. Berkeley, University of California Press, 1990
  • Hoffmann, Stefan-Ludwig. « Koselleck in America » New German Critique. vol. 44 (132), 2017, pp. 167–88.
  • Kolar, Fabio et Mücker, Ulriche (éds.). El pensamiento conservador y derechistas en América latina, España y Portugal, siglos XIX XX. Madrid, Iberoamericana-Vervuert, 2018.
  • Koselleck, Reinhart. Le futur du passé. Contribution à la sémantique des temps historiques. Paris, Éditions de l’EHESS, 1990.
  • Lee, Michael J. Creating Conservatism: Postwar Words That Made an American Movement. East Lansig, Michigan State University Press, 2014.
  • Lepore, Jill. The White of their Eyes: The Tea Party’s Revolution and the Battle over American History. Princeton, Princeton University Press, 2011
  • Micklethwait, John et Wooldridge, Adrian. The Right Nation : Why America is Different. New York, Pinguin Books, 2004.
  • Robin, Corry. The Reactionary Mind: Conservatism from Edmund Burke to Donald Trump. New York, Oxford University Press, 2017
  • Soler, Lorena. « Combatir el comunismo con humor. El diario Patria en el marco de la celebración del XIIº congreso anual de la Liga Anticomunista Mundial en Paraguay (1979) ». Anuario IEHS, 32 (2), 20117, pp. 193-220.
  • Stefanoni, Pablo, La rébellion est-elle passée à droite? Dans le laboratoire mondial des contre-cultures néoréactionnaires. Paris, Éditions la Découverte, 2022.
  • Viala-Gaudefroy, Jérôme. Les mots de Trump, Paris, Dalloz, 2024.
Lieu Besançon
Contact 

En ligne

Nous avons aucun invité et aucun membre en ligne

Agenda

Septembre 2025
L Ma Me J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30 1 2 3 4 5

Congrès, colloques et journées d'étude

Aucun évènement

Séminaires

Aucun évènement

Bureau de la SoFHIA

Caroline Lepage

Présidente de la SoFHIA

Thomas FAYE

Vice-président aire hispanique

Graça DOS SANTOS

Vice-Présidente aire lusophone

Marion GAUTEAU

Vice-Présidente aire latino-américaine

Immaculada FÀBREGAS

Vice-Présidente aire catalanophone

Carole FILLIÈRE

Vice-Présidente Bourses SoFHIA

Judite RODRIGUES BALBUENA

Trésorière

Davy DESMAS-LOUBARESSE

Secrétaire général

Diane BRACCO

Secrétaire générale

Marina RUIZ CANO

Responsable du site

Marta LÓPEZ IZQUIERDO

Co-rédactrice en chef HispanismeS

Eva TOUBOUL

Vice-Présidente en charge des relations avec l’enseignement secondaire

Fabrice CORRONS

Responsable Correspondant·e·s et réseaux

Julie FINTZEL

Responsable Correspondant·e·s et réseaux

hispanismes-btn

galet-groupement-des-associations-de-langues-etrangeres

REAH (Réseau Européen d'Associations d'Hispanistes)