Constructions mémorielles en Amérique latine : deux dossiers pour mieux comprendre les dynamiques entre échelles locales et nationales
En novembre 2023, le Mémorial de Caen et la MRSH de Caen ont accueilli le colloque « Politiques de mémoire locale et nationale en Amérique latine : dialogue, concurrence ou complémentarité ». Cette manifestation a été l’opportunité pour des chercheurs et chercheuses français.e.s, espagnol.e.s, italien.e.s, argentin.e.s, chilien.e.s, mexicain.e.s, brésilien.e.s et colombien.e.s d’analyser les processus de constructions mémorielles sur un temps long (XX et XXIème siècle) et surtout dans le cadre de plusieurs échelles. En effet, les travaux sur les politiques publiques et constructions de récits autour des passés traumatiques latino-américains se sont beaucoup développés depuis une trentaine d’années, mais ils ont beaucoup porté sur l’échelle nationale. On constate que si l’échelle locale -région, province, municipalité, ville, village- n’est pas absente, elle n’est pas au centre des préoccupations des chercheurs en Sciences Sociales en Amérique latine. Si cela peut s’expliquer par un champ en expansion, on peut aussi ajouter la réalité géographique de pays d’une très grande extension et des pays qui connaissent souvent leur plus longue période de stabilité politique après des régimes dictatoriaux ou des guerres civiles.
Afin de contribuer à ces débats, les organisateurs et organisatrices du colloque ont poursuivi les échanges avec les participant.e.s du colloque de novembre 2023. Ces derniers ont abouti à la publication de deux dossiers centrés deux axes. Le premier dossier publié dans la revue Nuevo Mundo, Mundos nuevos en décembre 2024 (https://journals.openedition.org/nuevomundo/95112), s’intéresse tout particulièrement aux « lieux de mémoire » au sens matériel. Ainsi, les articles portant sur la Colombie, le Chili, l’Argentine et le Brésil analysent les cas suivants : le musée de la Mémoire à Santiago du Chili (Malena Bastias Sekulovic), une statue en hommage aux victimes de l’esclavage à Rio de Janeiro (Thais Tanure), l’emblématisation de l’École de Mécanique de la Marine-ESMA à Buenos Aires (Claudia Feld), les disputes autour de l’espace de la ville de Ciénaga (Noémi Fablet) et la récupération des centres clandestins de détention en Argentine (Agustina Cinto).
Le second dossier publié en novembre 2025 dans la Revue Interdisciplinaire de Travaux sur les Amériques-RITA (http://www.revue-rita.com/), porte sur des initiatives d’acteurs et d’actrices de la société civile qui se saisissent de politiques publiques pour faire entendre leurs réclamations. Les articles de ce dossier analysent des cas du Chaco argentin (Nadia Tahir), d’archives numériques de la dictature d’Augusto Pinochet au Chili (Carolina Espinoza Cartes), de dalles mémorielles à Buenos Aires (Aurélia Gafsi), la reconnaissance et visibilité de la disparition en Colombie (Tiphaine Duriez) et la reconnaissance du statut de victimes de la dictature brésilienne pour les Aikewaras (Carolina Rezende). Ces deux dossiers permettent d’ouvrir des perspectives d’analyse, notamment d’un point de vue comparatiste, pour tenter de comprendre dans quelle mesure les échelles locales contribuent aux constructions mémorielles à l’échelle nationale, mais aussi en quoi la reconnaissance nationale permet aux échelles locales d’exister, de se développer et de s’ancrer dans des contextes politiques et sociaux divers, parfois très éloignés des réalités de la capitale.


