Les Cahiers Alhim (Amérique latine Histoire et Mémoire), de l’Université de Paris 8, viennent de publier :
« La nation en fête en Amérique latine, XX-XXI siècles », n°33, 2017, sous la direction de Dalila Chine et Natalia Molinaro
Dans ce numéro 33 des Cahiers Alhim (Amérique latine Histoire et Mémoire), nous invitons le lecteur à penser la Nation en Amérique latine à partir des fêtes et célébrations nationales. Pensées comme des récits créés de toute pièce par les institutions et/ou les différents groupes sociaux pour rassembler les citoyens autour d’un socle commun, ces pratiques collectives renferment des tensions déterminées par les enjeux du présent. À vocation principalement pédagogique et éducatrice, elles servent à “cimenter” la communauté (Ozouf, 1989), à entretenir la flamme patriotique lorsque le récit national ne fait plus autorité, à re-construire la mémoire et à réactualiser la conscience collective.
Par ailleurs, ces fêtes “sont inscrites dans l’orbite du sacré” (Paz, 1972) : elles consacrent l'ordre institué en le mettant en scène autour d'une thématique qui lui est propre (mythologique, politique, sociale, culturelle, etc.). La nation se pare alors de ses plus beaux atours (cortèges, symboles, chants) pour obtenir l'assentiment des participants et des spectateurs (Durkheim, 2008). Plus que de simples moments, elles deviennent des espaces-temps qui, par des va-et-vient, se régénèrent en puisant dans le passé (Eliade, 1989) pour créer un imaginaire, pour organiser un ordre, pour s’emparer des lieux, pour “re-présenter” le corps national. Les fêtes nationales ne sont rien d'autre que des fictions, de véritables jeux symboliques et théâtralisés.
Elles sont de l'ordre de l'émotion, un moment « saturé de surexistence, de surabondance, dans lequel un groupe effervescent magnifie les moments heureux de sa pratique et se magnifie en lui” (Corbin, Gerôme, Tartakowski, 1994 : 425). Les fêtes nationales “mettent en jeu” le sentiment d'appartenance collective : elles convoquent, elles englobent, elles excluent tout comme elles défient. Polymorphes, elles n'en sont pas moins singulières. C'est en somme cette complexité qui fera l'objet de ce volume, fruit d'une réflexion qui croise différentes approches disciplinaires. Il portera tout particulièrement sur l'étude de la mise en scène du national par les différents groupes sociaux (État et/ou institutions officielles, mouvements indigènes, association carnavalesque, culturelle) en interrogeant la diversité de modalités et de formes de certaines célébrations nationales en Amérique latine (Argentine, Brésil, Chili, Équateur, Mexique, Uruguay). [...]