Auteur mondialement connu de La Révolte des masses, José Ortega y Gasset (1883-1955) n’avait à ce jour étrangement pas bénéficié en France d’une biographie ou d’une monographie substantielle. Voici qui est désormais chose faite avec cette somme magistrale soigneusement contextualisée et documentée de première main par Béatrice Fonck.
Tout en retraçant la généalogie des concepts majeurs de l’oeoeuvre abondante du grand philosophe espagnol, elle établit combien son itinéraire intellectuel a eu pour principe fédérateur un précoce, constant et plein engagement en faveur d’une unité européenne. Et tout spécialement d’une Europe nourrie de son irréductible diversité culturelle, au sein d’un « concert des nations » et sous l’égide de l’humanisme libéral qui la caractérise fondamentalement. Convaincu que l’avenir de l’Espagne passait nécessairement par son intégration à cette Europe, et lui-même intimement « européanisé », Ortega y Gasset s’est toujours d’abord voulu en lien avec les autres grands penseurs européens de son temps, de Bergson à Heidegger et Einstein.
Alors que le « vieux continent » est durement confronté aux doutes internes sur son identité et à des rejets ou agressions venus de l’extérieur, penser ou repenser l’Europe avec Ortega, c’est cheminer sur une voie royale permettant de conjurer les impasses du nationalisme, de la construction bureaucratique, du fédéralisme supra-national et d’une dissolution mondialisée.