Nous avons la grande peine de faire part de la disparition de Michel Lafon, professeur de littérature argentine, survenue le 22 octobre.
Ancien élève de l'École Normale de Saint-Cloud, agrégé d'espagnol, il avait soutenu en 1989 une thèse d'État sur « Borges et la réécriture », aussitôt publiée au Seuil dans la collection Poétique. Toute sa carrière s'est déroulée à l'Université Stendhal de Grenoble, où il était professeur depuis 1991 et qu'il a marquée de sa personnalité exceptionnelle. Parmi de nombreuses responsabilités, il a été pendant de nombreuses années directeur de l'Institut des Langues et de Cultures d'Europe et d'Amérique (EA 613), fondateur et directeur de la revue TIGRE puis directeur de la Revue de l'ILCEA. Au sein du CERHIUS, qui regroupe les hispanistes de l'ILCEA, il a créé et animé l'axe de recherches sur le Río de la Plata, dont sont issus nombre de chercheurs argentinistes de valeur. Il a également été membre junior de l'Institut Universitaire de France et Vice-Président du Conseil Scientifique de l'Université (2001-2008). Il était membre de plusieurs sociétés savantes et de nombreux comités scientifiques ou de lecture. Depuis 2005, il était membre du Conseil d'Administration de la Maison de l'Amérique Latine.
Promoteur infatigable de la littérature argentine, il a organisé de nombreux colloques associant chercheurs du monde entier et écrivains. Il a également été le promoteur du doctorat honoris causa décerné par l'Université Stendhal à Adolfo Bioy Casares en 1993. La rencontre avec Bioy reste dans la mémoire de tous ceux qui ont eut la chance d'y assister. Les hautes compétences de Michel Lafon et son dévouement au service de la littérature argentine ont été reconnus par les membres de l'Académie Argentine des Lettres, qui l'ont élu membre correspondant de l'Académie en mai 2010.
Ses recherches portent sur la littérature argentine contemporaine, mais aussi sur la poétique, l'étude des genres, le romanesque, la traductologie littéraire, etc. Son ouvrage en collaboration avec Benoît Peeters, Nous est un autre – Enquête sur les duos d'écrivains (Flammarion, 2006), fait autorité. Comme Peeters, Michel Lafon était un grand amateur de bande dessinées, en particulier de l'œuvre d'Hergé, et il a eu à cœur de diriger des recherches dans ce domaine.
Michel Lafon était également traducteur, de César Aira, bien sûr, qu'il a amplement contribué à faire connaître en France et dans le monde, mais aussi de Cervantès (La petite Gitane, Aubier, 1994), Borges, Ricardo Piglia, Sergio Chejfec... Son talent de traducteur a été récompensé en 2001 par le Prix Rhône Alpes du Livre.
Enfin, comment oublier Une vie de Pierre Ménard (Gallimard, 2008), ce roman d'inspiration borgésienne, mais très personnel aussi, qui fait de Michel Lafon un écrivain à part entière, dialoguant avec ses maîtres.
Inutile de dire que Michel était unanimement respecté et apprécié de ses collègues et de ses étudiants. La consternation de ces derniers, à l'annonce de sa mort, laisse mesurer ce qu'il représentait pour eux. Sa vivacité d'esprit, son humour à la fois incisif et discret étaient sans égal. Il laisse un très grand vide.
À sa femme et à son fils, nous exprimons notre profonde sympathie.
Edmond Raillard
Université Stendhal Grenoble 3