Les hispanistes du monde entier ont appris avec émotion la disparition d’Isaías Lerner, le 9 janvier dernier, à NewYork. Professeur de littérature du Siècle d’Or à l’Université CUNY, Isaías Lerner était non seulement un de nos plus grands cervantistes mais aussi, et au-delà, un humaniste dans le plein sens du terme et un spécialiste de la langue espagnole d’une ouverture d’esprit et d’une culture éblouissantes.
Né à Buenos Aires en 1932 dans une famille émigrée de Russie, Isaías Lerner s’était formé auprès des plus grands universitaires argentins de la période. Après le coup d’état militaire de 1966, il dut abandonner la chaire qu’il occupait au Colegio Nacional de Buenos Aires, quitta son pays natal pour les Etats-Unis où il acheva un doctorat et enseigna tour à tour à l’Université de l’Illinois, à Darmouth College puis au Graduate Center de la City University of New York à partir de 1971. Il a ainsi formé avec intelligence et passion des générations d’étudiants et de chercheurs. Parmi bien d’autres, ses travaux et publications sur le Quichotte, la Araucana d’Alonso de Ercilla ou la Silva de varia lección de Pedro Mexía sont aujourd’hui des références en matière d’érudition et de rigueur philologique mais aussi des modèles d’approche critique à la fois subtile et suggestive.
Isaías Lerner avait exercé avec talent de grandes responsabilités comme celle de président de la Asociación Internacional Siglo de Oro, vice-président de la Asociación Internacional de Hispanistas, membre du directoire de la Asociación de Cervantistas et de multiples instituts et sociétés savantes.
Fin connaisseur de notre culture, il aimait la France et adorait Paris. Nous avions retrouvé son généreux sourire à l’occasion du congrès de l’AISO qui s’est tenu à Poitiers en juillet 2011 et qu’il avait honoré de sa présence en compagnie de son épouse, Lía Schwartz. Tous ceux qui ont eu le bonheur de le connaître, d’écouter une de ses lumineuses conférences, de partager avec lui un débat d’idées ou une conversation amicale gardent au cœur et à l’esprit le souvenir de son ironie toute cervantine et de sa remarquable élégance intellectuelle.
Pierre Civil
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