La SoFHIA remercie le Professeur Christophe Couderc pour ce texte d'hommage au Professeur Jean Canavaggio.
Chères et chers collègues,
C’est avec une infinie tristesse que nous avons appris le décès de Jean Canavaggio, survenu le 20 août à Paris.
Ancien élève de l’École Normale Supérieure (Ulm, promotion 1956), agrégé d’espagnol, docteur ès-lettres, Jean Canavaggio avait commencé sa carrière dans l’enseignement supérieur comme assistant à la Sorbonne avant de devenir chargé d’enseignement à l’université de Caen. Il y sera élu professeur après la soutenance de sa thèse de doctorat d’État en 1975 (Cervantès dramaturge, PUF, 1977) avant de rejoindre en 1991 l’université de Paris X-Nanterre jusqu’à sa retraite en 2006.
Auteur en 1986 d’une biographie de Cervantès, plusieurs fois remaniée et rééditée, traduite en six langues, Jean Canavaggio laisse une œuvre d’une richesse exceptionnelle dans laquelle on relèvera d’importants projets collectifs, tels que l’Histoire de la Littérature espagnole qu’il coordonna en 1993-1994 (Fayard, traduction espagnole en 1995) ou la nouvelle traduction des œuvres de Cervantès qu’il dirigea pour la Pléiade (2001). Il avait déjà été le maître d’œuvre, dans la même collection, des deux volumes du Théâtre espagnol du XVIIe siècle (1984, 1999). Plus récemment, il avait coordonné, toujours dans la Pléiade, la publication d’une sélection d’Œuvres de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix (2012).
Son intérêt pour l’œuvre et la vie du ‘Manchot de Lépante’ l’a accompagné sa vie durant, comme en témoignent ses ouvrages récents : Don Quichotte, du livre au mythe : quatre siècles d’errance (Fayard, 2005, traduction espagnole en 2006) Retornos a Cervantes (2014) et son ultime opus, Dictionnaire Cervantès (Bertillat, 2020, publié également en espagnol dans un format différent). Ses travaux ne se limitaient pas à l’univers, si vaste soit-il, de l’auteur du Quichotte, comme le montrèrent ces dernières années le numéro de la revue Europe dont il assura la coordination (« Le théâtre espagnol du Siècle d’or », 2012) ou son essai sur un auteur dont il était grand connaisseur : Les Espagnes de Mérimée (2016).
Son parcours d’universitaire l’avait amené à assumer de multiples responsabilités collectives, au sein de la Société des Hispanistes Français, de l’Association Française pour la Diffusion de l’Espagnol, comme président du jury de l’agrégation d’espagnol ou encore comme directeur de la Casa de Velázquez (Madrid) qu’il dirigea de 1996 à 2001. Un parcours jalonné de distinctions prestigieuses à l’étranger : membre correspondant de la Real Academia de la Lengua, de la Real Academia de la Historia, Honorary Fellow of The Hispanic Society of America. Il était grand-croix dans l’ordre d’Alphonse X le Sage, commandeur dans l’ordre d’Isabelle la Catholique. Il avait été fait chevalier de la Légion d’Honneur en 2002. L’importance de ses travaux sur Cervantès et, plus généralement, sur le Siècle d’or espagnol, l’exposaient à des invitations multiples et prestigieuses, mais Jean Canavaggio, devenu émérite, a toujours tâché de se rendre disponible lorsque ses collègues nanterrois le sollicitaient pour qu’il participe aux travaux du Centre de Recherche Ibérique et Ibéro-Américaine (CRIIA) de notre université.
Ceux qui l’ont côtoyé à Nanterre, collègues, thésards ou anciens étudiants, pleurent aujourd’hui un maître, dont ils n’oublieront pas les talents exceptionnels de professeur et de chercheur, mais non plus les qualités personnelles qui lui valaient l’affection et le respect de tous : celles d’un homme doté d’une autorité naturelle mais qui ne se départait jamais d’une affabilité exquise, spirituel, d’une immense culture, disponible et impliqué, mais ne perdant jamais de vue la possibilité d’un trait d’humour. Toutes celles et tous ceux qui l’ont rencontré garderont le souvenir d’un homme charmant.
Les obsèques seront célébrées vendredi 25 août à 10h en l’église Saint-Charles-de-Monceau, rue Legendre (Paris 17e).
Les enseignants du département d’Études hispaniques et hispano-américaines de l’Université Paris Nanterre ainsi que l’ensemble des membres de la Société Française des Hispanistes et Ibéro-Américanistes s’associent à la douleur de sa famille et lui adressent toutes leurs condoléances.