In memoriam - Hommage à Arcadio Pardo (1928-2021)
Arcadio PARDO (1928-2021)
Esa será la voz final:
la naciente, la estante, la brotante.
Efectos de la contigüidad de las cosas (2005)
Nous avons appris avec la plus vive tristesse qu'Arcadio Pardo nous a quittés au cœur de la nuit du vendredi 5 au samedi 6 novembre. C'est dans une claire lueur d'aube que sa voix s'installe maintenant de façon définitive, à jamais présente à nos oreilles, où elle vient résonner depuis la veille tranquille d'un guetteur installé dans la langue française, depuis sa volonté de vivre en France par amour, tandis que sa voix poétique s'est toujours développée depuis son espace originel espagnol. Nul drame entre ces deux langues, une tension qui disait les choix d'une vie, où la poésie, sans se fondre à la vie, est cette force qui la traverse, et creuse un autre espace, irréductible, où la voix invente sa langue, par-delà de toute grammaire.
L'Espagne a annoncé dès ce dimanche 7 novembre la disparition d'un des grands poètes actuels, que ce soit dans El Norte de Castilla, ou dans ABC. Il faut ici rappeler la naissance d'Arcadio Pardo à Beasáin, au Pays Basque, en 1928, puis l'installation de ses parents à Madrid et à Valladolid, dont sa mère était originaire, tandis que son père était de Burgos. Les études d'Arcadio Pardo à l'Université de Valladolid lui valent en 1951 un Prix Extraordinaire de Licence. À partir de cette année-là jusqu'en 1955, il est Lecteur d'espagnol au lycée Corneille de Rouen, avant de l'être à l'Université d'Aix-en-Provence. Durant quatre ans, il exerce à l'Institut d'Études ibériques et latino-américaines de l'Université Paris IV, à la suite des grands lecteurs-poètes qu'y furent aussi Pedro Salinas et Jorge Guillén.
En 1962, il participe à la fondation du Lycée espagnol de Paris, à Neuilly-sur-Seine, où il enseigne durant douze ans, tout en donnant des cours à l'Université Paris X-Nanterre, comme Madeleine Pardo, que nous regrettons tant elle aussi. C'est en 1981 qu'il soutient à l’Université de Valladolid sa thèse de doctorat en Histoire de l'Art, sur la vision de l'art espagnol chez les voyageurs français du XIXe siècle. Il fonde et dirige ensuite la Section espagnole du Lycée International de Saint Germain-en-Laye, de 1980 à 1986. Puis il devient Maître de conférences à l'Université Paris X-Nanterre, jusqu'à sa retraite en 1994. Il entre en 1998 à l'Academia Castellano-Leonesa de la Poesía.
L'Université de Paris X-Nanterre lui a rendu un hommage en 2008. À son tour, dans le cadre des Célébrations du Centenaire de l'Institut Hispanique, dirigées par Nancy Berthier, l'Université de la Sorbonne organise le 20 octobre 2017 une Journée d'étude consacrée à son œuvre (CRIMIC-CLEA), où ont été invités Olvido García Valdés, Alfredo Saldaña, María Eugenia Matía Amor, Miguel Casado, Marie-Claire Zimmermann et Isabel Paraíso, en présence du poète, qui donne lecture de plusieurs de ses derniers poèmes, encore inédits. L'on pourra consulter les interventions de cet hommage dans la revue en ligne du CRIMIC, Iberic@l, ainsi que quelques poèmes qu'Arcadio Pardo a bien voulu nous confier, pour leur publication et leur traduction.
Nous célébrions alors tout particulièrement la publication par Carlos Ruta d'Ardimientos, ajenidades y lejanías. Poesía, la poésie réunie d'Arcadio Pardo, à l'UNSAM, Universidad Nacional de San Martín, à Buenos Aires. Le livre a été présenté peu après, le 9 avril 2018, à la BNE à Madrid, avec des lectures du poète, présenté par la Directrice du Livre, la poète et critique Olvido García Valdés, et par la spécialiste espagnole de son œuvre, María Eugenia Matía Amor.
Nos lecteurs pourront retrouver plusieurs poèmes et une poétique d'Arcadio Pardo dans le numéro 13 de la revue HispanismeS, « Voix d'Espagne (XXe-XXIe siècles). Résonances contemporaines de la poésie espagnole : Poèmes, poétiques et critiques ».
Comment oublier l'étonnante grammaire de cette voix si unique, déroutante comme toutes les grandes voix, qui savent créer des possibles à l'infini. La force douce de l'évidence : « nada más que porque sí ». C'est depuis les ombres portées de ce « sí », sur ses ondes aussi bien, que nous disons à Arcadio Pardo notre reconnaissance à jamais, pour ses poèmes, pour sa présence, au fil de tant d'années en poésie, qui s'ouvrent sur la certitude que la vitre ne se brisera pas, que si le jour passe, nous continuerons à passer dans le rythme de sa voix.
Laurence Breysse-Chanet
Directrice du CRIMIC
Sorbonne Université
Solo es válido aquello que perdura:
la piedra, por ejemplo.
Me estremece
pensar –saber– que una mano, los siglos venideros,
superpondrá su tacto ahí en la misma su-
perficie que ahora toco.
Como, inversa,
una vez en Esmirna, en un tambor de una columna
malhadada, superpuse los dedos en las huellas
de un alfarero antiguo.
O como a hurtadillas, he rozado rugosa
la superficie de los mosaicos, o he ido las sendas
desparecidas en Palenque, y otras.
No la hojarasca ni la lluvia ni los fríos,
ni los estruendos de la trilla,
ni cuanto peregrino, sino lo solo,
lo permanente y nunca
transeúnte.
Por ejemplo:
los tactos que perduran más allende
de hoy.
Poème d'Arcadio Pardo dont la première version a été publiée en 2018 dans la revue Iberic@l et la version définitive dans Presente y cercanías del presente, Valladolid, 2020, p. 34.