La lutte pour l'émancipation des femmes est un processus lent qui s'est développé en vagues successives. Le féminisme latino-américain des années 70 et 80, marqué par des influences européennes et nord-américaines, est majoritairement composé de femmes des classes moyennes, mais peu à peu ses militantes se rapprochent des mouvements populaires où les femmes sont engagées sur le plan politique, syndical, religieux. La phase révolutionnaire et radicale fait place ensuite à une professionnalisation et une institutionnalisation du féminisme dans les années 90 qui amorcent la vague « ONUsienne » du « genre », selon J. Falquet (2007), marquée par un engouement pour le concept de "genre". Parallèlement, s'organisent des rencontres féministes continentales qui témoignent d'un féminisme panaméricain, (1981, à Bogota (Colombie) ; 1983, Lima (Pérou) ; 1985, Bertioga (Brésil) ; 1987, à Taxco (Mexique) ; 1990 San Bernardo (Argentina), etc.) (Valdés, 2000 : 73 et Landa, 2016).
Depuis l'euphorie des années 70, en passant par l'institutionnalisation des années 80-90 et son essoufflement des années 2000, le féminisme latino-américain s'inscrit depuis le début du XXIe s. dans une double proposition politique, à la fois autour d'un socle commun, de questions non résolues (les droits reproductifs, une maternité et une sexualité libres, la lutte contre la violence) et de nouvelles propositions qui se déclinent selon une perspective de classe et d'ethnie, de la part des féministes indiennes et afro-descendantes, sous un angle décolonial.
L'objectif de ce dossier est d'étudier les différentes modalités d'expression (cyberféminisme, marches pacifiques, activisme public) et manifestations du féminisme latino-américain ainsi que ses représentations (arts visuels, littérature, médias) dans ses particularités actuelles, en tâchant d'évaluer les résistances qui proviennent de la société civile et/ou des institutions.
Les articles de ce dossier, tout en mettant en perspective l'histoire du féminisme latino-américain, proposent une analyse de ce qui constitue aujourd'hui son identité, sa spécificité, à l'échelle nationale ou continentale, à travers ses mobilisations et ses représentations, dans un contexte politique et économique déterminé.