Federico García Lorca, Divan du Tamarit (1931-1934) suivi de Sonnets de l'amour obscur (1935), édition bilingue - Préambule et traduction de l'espagnol par Laurence Breysse-Chanet, Rumeurs éditions, 2022.
Les deux ensembles réunis dans ce livre, Divan du Tamarit et Sonnets de l’amour obscur, sont des testaments poétiques. Tout au moins, c’est ainsi que la violence de l’histoire nous contraint à les lire. Qu’aurait ensuite écrit Lorca, sans doute le plus connu des poètes espagnols, le martyr fusillé à l’âge de trente-huit ans par les franquistes ? On souffre, on se tait. On vit dans ce qu’il nous a laissé. L’écriture des poèmes de Divan du Tamarit commence au retour du grand voyage de Lorca à New York puis à Cuba, où il fait l’expérience d’une libération, personnelle et poétique. Depuis la réinvention de la tradition arabo-andalouse, les qasidas et les gazels sont des poèmes brûlants comme le sable blanc du désert, où se désintègre le corps du moi devenu pure flamme sonore. Quant aux onze sonnets, ils expriment un déchirement amoureux d’une intensité à couper le souffle, vécu au fil de l’année 1935. Ils mènent le lecteur à faire un pas de plus dans l’énergie du malheur, quand soudain tout se retourne en pure beauté, depuis la torture amoureuse la plus radicale. Le corps de la langue, traversé par une voix basse qui racle les sons comme un couteau et pourtant les fait chanter comme les cordes d’une guitare, fait entendre ce que l’on ne peut dire que par la poésie. C’est cela que nous voudrions faire résonner, cet amour, contre la mort.
Laurence Breysse-Chanet est professeure des universités (Sorbonne Université). Publications et recherches sur la poésie en langue espagnole aux XXe et XXIe siècles, critique et traduction. Prix de Traduction de Poésie Nelly Sachs 2010.