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Appel à articles : "Textes, images, symboles : construire les légitimités politiques dans l’Espagne du XIXe siècle" Télécharger au format iCal
 
« Textes, images, symboles : construire les légitimités politiques dans l’Espagne du XIXe siècle »
Coordination : Maud LE GUELLEC (Université de Lille, CECILLE ULR 4074)
 
D’un régime absolutiste en perte de vitesse à une monarchie libérale déstabilisée par la perte de son empire, l’Espagne du XIXe siècle est traversée par de multiples crises de légitimité politique. Les formules de l’Ancien Régime sont contestées par le constitutionnalisme, le libéralisme modéré veut maintenir le cap face aux impatiences progressistes, le traditionalisme carliste s’oppose durablement et violemment au système en place, le républicanisme et l’anarchisme prétendent réinventer les fondements de la société : les idéologies, en temps de guerre ou de révolution comme en temps de paix, se répondent et s’affrontent.
Ainsi, au cours des six années que dure la guerre d’Indépendance, afrancesamiento et patriotisme, légitimisme et libéralisme sont brandis par les uns et les autres comme la clé de l’avenir du pays. Puis, de la montée effective de Ferdinand VII sur le trône à son décès, l’absolutisme prétend régner en maître et étouffer toute autre conception du pouvoir. Il y parvient, en grande partie, mais les élans libéraux subsistent et s’imposent, même, pendant les trois ans qui suivent le pronunciamiento de Rafael del Riego. À partir de 1833 – sous la régence de Marie Christine puis sous le règne d’Isabelle II –, la monarchie est contrainte d’évoluer et de se construire une nouvelle identité politique. Mais la mue du régime absolutiste est loin de faire l’unanimité. Les carlistes, qui considèrent ce virage comme une inadmissible trahison vis-à-vis des valeurs traditionnelles de l’Espagne, n’auront de cesse de tenter de l’annuler. Les progressistes de tous bords, eux, n’y verront qu’un simple vernis libéral et orchestreront publications, pétitions et grèves, et ce avec un poids croissant au fil des décennies. D’ailleurs la révolution de 1868 est la preuve incontestable que l’Espagne se retrouve dans une impasse politique : la monarchie d’Isabelle II n’a plus d’appuis, mais les options alternatives n’en ont pas beaucoup plus. Ainsi, pendant le Sexenio, le pouvoir prendra de multiples formes, sans qu’aucune ne parvienne à s’imposer. Après l’échec du règne d’Amédée Ier, après celui de la Première République, c’est donc de nouveau un Bourbon, Alphonse XII, qui prend la tête de l’Espagne. Mais si la Restauration réussit à réinstaurer une certaine stabilité de façade, elle n’en est pas moins confrontée à la montée des mécontentements sociaux et à la perte du poids de l’Espagne sur l’échiquier international.
Ces idéologies qui se côtoient ou se succèdent tout au long du siècle, donc, s’opposent en tout. Elles s’opposent quant aux conceptions qu’elles ont de l’Espagne, qu’elles veulent traditionnelle ou au contraire moderne. Elles s’opposent quant aux modes d’action qu’elles adoptent : un large spectre qui va des élections et promulgations de nouvelles lois aux soulèvements armés, en passant par l’incitation aux mouvements de protestation dans les villes et les campagnes. Elles s’opposent, aussi, quant au degré de succès et de pérennité dont elles jouissent. Et pourtant, au-delà de ces clivages, ces mouvements ont deux points communs. Le premier, c’est qu’ils prétendent tous incarner la seule et véritable solution aux problèmes de l’Espagne. Le second est que, pour convaincre la population de leur légitimité, ils vont tous mettre en place leur propre arsenal conceptuel et culturel.
Et c’est précisément sous l’angle de la construction des cultures politiques que ce numéro des Cahiers de civilisation espagnole contemporaine se propose d’aborder les idéologies qui ont vertébré le XIXe siècle espagnol. Il s’agira d’analyser comment chacun des différents mouvements en lice a élaboré un système de symboles et de valeurs, de représentations et de rituels : un système destiné à incarner des identités politiques différenciées et à tenter de conquérir les esprits, afin de s’imposer face aux courants de pensée concurrents. La réflexion collective visera à percer à jour les mythologies politiques ainsi constituées, à travers une approche globale de ces stratégies de persuasion et au-delà des cloisonnements entre les différents canaux de transmission employés (textuels, visuels, oraux, etc.).
Parmi les nombreuses questions qui pourront être soulevées par les contributeurs, on peut envisager que soient étudiés :
- la rhétorique adoptée : langage politique au lexique spécifique, métaphores, allégories, etc. ;
- les productions artistiques et culturelles de toute nature qui voient le jour : presse, théâtre, poésie, hymnes, monuments, etc. ;
- les concepts, codes et emblèmes qui sous-tendent l’ensemble de ces productions ;
- les voies de diffusion privilégiées, avec peut-être une préférence pour des formes de communication simples et persuasives ;
- les réussites et les échecs des forces politiques en présence, dans leur tentative de convaincre et de perdurer ;
- les phénomènes d’héritages, nationaux et internationaux, dont témoignent les cultures politiques traditionnelles comme les cultures politiques émergentes ;
- les rapports entre les différents imaginaires politiques mis en avant. Le répertoire symbolique auquel les rivaux font appel n’est en effet pas uniquement fait d’oppositions, contrairement à ce que l’on pourrait croire, mais également de parentés et de résurgences.
Dans ce travail de décryptage des tentatives d’endoctrinement qui se succèdent ou se superposent, les études pourront porter sur une idéologie et une période spécifiques mais elles pourront, aussi, interroger les variations du positionnement d’un groupe politique au fil des décennies, ou bien encore analyser les rapports de contradiction ou de surenchère entre les représentations issues des différents mouvements politiques.
Les propositions d’article (entre 200 et 300 mots), en français ou en espagnol, ainsi qu’une courte notice bio-bibliographique de l’auteur.e, devront être envoyées par courriel avant le 30 avril 2022 à l’adresse suivante :
Une fois la proposition acceptée, les articles devront être envoyés à la même adresse au plus tard le 1er septembre 2022. Ils devront se conformer aux normes de présentation des Cahiers de civilisation espagnole contemporaine, et seront soumis à évaluation.
Lieu "Cahiers de civilisation espagnole contemporaine"
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