Appel à communication : colloque "Des génocides dans le monde hispanique contemporain ?" |
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DES GENOCIDES DANS LE MONDE HISPANIQUE CONTEMPORAIN ? REALITES ET REPRESENTATIONS. Télécharger l’appel à communication en français ou en espagnol http://til.u-bourgogne.fr/manifestations/colloques-a-venir.html Le terme « génocide » a fait très récemment irruption dans les études sur l’histoire du XXe siècle espagnol et latino-américain marquées par l’instauration de dictatures militaires et par la mise en place de politiques répressives d’une grande violence. Mais, dans ce contexte, l’utilisation de ce terme ne va pas de soi. En effet le terme « Génocide » est créé en 1943, par un juif d’origine polonaise (Raphael Lemkin) pour se référer à la destruction, d’une race, d’un groupe national ou ethnique. En 1946 le terme est étendu aux groupes religieux. Une définition est ensuite intégrée à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 (entrée en vigueur le 12 janvier 1951). L’article 2 de cette Convention propose la définition suivante : « Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : a) Meurtre de membres du groupe; b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ». Or, dans le contexte hispanique le terme s’applique à des politiques de destruction qui visent des groupes non pas ethniques ou religieux, mais politiques, acception que le veto des Anglais ne permit pas d’intégrer à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Parfois même il ne s’agit pas de personnes, puisque l’expression de « génocide culturel » a été utilisée aussi bien en Catalogne qu’en Galice, par exemple. Il s’agira donc d’entrer dans ce débat polémique en essayant de comprendre les raisons qui font qu’il existe, plusieurs décennies après les faits, une demande sociale pour qualifier certains événements historiques de « génocide ». Ce terme fait, en effet, une apparition tardive dans le champ des études sur les répressions violentes qui concernent les aires géographiques hispanophones. Au cours de ces dernières années, des livres paraissent intégrant le terme de « génocide » dès le titre. El genocidio franquista en Valencia: las fosas silenciadas del cementerio (2008); des tribunes de journaux comme celle d’Antonio Elorza dans El País en septembre 2008 intitulée « El genocidio franquista ». Il y parle aussi d’un génocide culturel. En 1998 le juge Garzón inculpe Pinochet de génocide. En 2013, au Guatemala, le général Ríos Montt est également inculpé de génocide pour sa violente répression contre les Mayas Ixiles en 1982-83. En même temps, des textes paraissent dans le pays réfutant l’idée de l’existence d’un génocide au Guatemala. Nous nous demanderons donc si le terme est réellement adapté à l’histoire des aires hispaniques concernées où la répression et la volonté d’extermination ont visé des groupes non plus ethniques mais politiques, des langues et des cultures ( catalanes, basques, galiciennes, méso-américaines…). L’appropriation du terme « génocide » pour les répressions violentes dans le monde hispanique n’engendre-t-elle pas des risques, notamment par rapport au référent de la Shoah ? Y-a-t-il risque de banalisation ou, au contraire, ce terme devient-il le synonyme de l’horreur absolue ? Poser ces questions permettra de mieux délimiter les contours qui séparent le cadre où il est acceptable de celui où il perd son sens. Qu’il soit bien clair que ce colloque ne porte pas sur la répression en tant que telle. Nous analyserons également les productions artistiques des XXe et XXIe siècles qui rendent compte de ces violences en termes de génocide ou de pratiques génocidaires, qu’elles soient contemporaines des faits ou postérieures, voire extrêmement distanciées. Il ne serait pas inintéressant de se pencher également sur les modes de vie que la crainte du « génocide » a pu susciter. Nous serons attentifs en particulier aux témoignages ou aux représentations construites par le biais de l’historiographie, de la littérature, du cinéma, de la peinture, la photographie mais aussi, s’il y a lieu, de la danse ou de la musique. Nous pourrons également nous demander si ces représentations sont uniquement le fait des écrivains, cinéastes, peintres… du monde hispanique ou si des échos sont venus d’autres pays. Enfin, et de façon liminaire, il serait très utile que les linguistes s’intéressent à l’apparition lexicale des termes mêmes de « génocide » et de « génocidaire », de même qu’à l’évolution sémantique de leur contenu au fil du temps et des événements historiques relevant de ce champ. Ils pourront penser ensuite aux enjeux de la représentation, tels qu’ils apparaissent dans ce qui peut être considéré comme un défi : - Comment dire ou écrire l’anormalité absolue, quelles ressources discursives convoquer pour représenter une violence hyper-réelle ? Comment surmonter la contradiction entre un récit de fiction — qui a toujours tendance à mettre à distance les fait en les fictionnalisant — et les référents factuels ? - Quelles scénographies discursives (Maingueneau) déployer ? Les ressources traditionnelles du tragique et du drame, ou bien celles du témoignage, sont-elles les seules à être présentes au sein de la littérature génocidaire ? Y a-t-il une compétition entre le discours documentaire et le discours fictionnel pour explorer cet univers si spécifique ? Quelles sont les transactions sémiotiques opérées par les diverses formes discursives entre ces deux scénographies fondamentales ? D’une manière plus technique, la réflexion pourra également s’orienter vers les voix narratives et l’énonciation. Ces dernières se répartissent-elles uniquement en « testis » (celui qui se pose en tiers entre deux partis dans un procès ou un litige) et « supertestes » (celui qui a vécu quelque chose, a traversé de bout en bout un événement et peut donc en témoigner) [cf. Jean-Pierre Karegeye, Le témoin hérétique. Victime et martyr. Malentendu chrétien et déni du génocide.] ? Y a-t-il des prédominances selon les événements qualifiés de génocides, selon les lieux et/ou les époques ? Au sein des discours génocidaires, quelles sont les stratégies mises en oeuvre pour à la fois satisfaire au devoir de mémoire et restaurer un lien communautaire sur les cendres de l’irréparable ? Enfin, on pourra aborder la question centrale de la responsabilité en s’interrogeant sur les façons dont elle est argumentée en discours. Comment et selon quelles stratégies est-elle imputée, esquivée, assumée ?
Le colloque aura lieu à l’Université de Bourgogne les 19 et 20 novembre 2015. Nous rappelons que la participation aux colloques d’Hispanistica XX est réservée aux adhérents à jour de leur cotisation. Pour devenir membre de l’association, contacter . Les propositions de communication devront parvenir à et à avant le 25 avril 2015. Les réponses seront communiquées courant mai. |
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Lieu Université de Bourgogne | ||||||
Contact ; ; | ||||||