Événements

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Journée d'études "Voix silenciées, voix marginalisées : existence, dissidence et expressions des marges en Amérique Latine et en Espagne." Télécharger au format iCal
 
Laboratoire junior ¡Silencio! – École Normale Supérieure de Lyon – 01 octobre 2021
Ouvert aux doctorant·e·s, aux jeunes chercheur·euse·s, et enseignant·e·s chercheur·euse·s.
Date limite d’envoi des propositions : 05 mai 2021
Présentation
Cette première journée d’études du laboratoire junior ¡Silencio! vise à explorer le concept de marginalité dans le champ de la production artistique et littéraire en Amérique Latine et en Espagne. En particulier, elle se propose de cerner et de questionner les enjeux sociaux, politiques, littéraires, historiographiques ou encore ontologiques de ce concept dans les arts et les lettres de l’espace ibérique et ibéro-américain. 
Il s’agira d’étudier les voix en tant qu’instruments de paroles et formes alternatives du discours. En effet, la voix renvoie tout d’abord à la capacité à émettre des sons, ce qui nous pousse à nous interroger sur le rôle des bruits, des cris et bien sûr du chant, c’est-à-dire de ces paroles désarticulées ou réélaborées par l’art. La voix est aussi le discours et la parole d’une personne ou d’un groupe. C’est ainsi la liberté d’expression et l’affirmation d’une identité qui sont entendues. Or, ce pouvoir de la parole semble menacé par l’oxymore « voix silenciées » puisque cette voix passive nous laisse d’abord concevoir le silence comme imposition. Antinomie de la voix, le silence est cette absence de sons ou cette injonction à se taire qui semble contredire l’essence même de la voix. 
Il s’agira ici de penser les mécanismes de censure ou d’oppression en tant qu’entraves propres au sujet qui s’exprime et en tant que bâillons imposés par une autre puissance. Nous réfléchirons également au rôle de l’intermédiaire, notamment dans la littérature de témoignage, puisque le témoin accepte de se taire et de transmettre sa parole à un porte-voix. L’on pense, par exemple, à la coopération entre Rigoberta Menchú et l’anthropologue Elizabeth Burgos ou encore à celle entre Josefina Bórquez et la romancière Elena Poniatowska. Mais le silence est aussi un mode de communication alternatif (et c’est d’ailleurs ce que l’on comprend des expressions « silence éloquent » ou « silence glacial » que rapporte le Trésor de la Langue Française). Cette idée met en évidence le rôle de l’écriture et des arts plastiques dans l’expression d’une voix que l’on n’entend pas.
La juxtaposition « voix silenciées, voix marginalisées » semble impliquer que le passage sous silence de ces voix conduit à leur marginalisation. Cependant, c’est ce constat même que les intervenant·e·s débattront. En effet, le sens commun nous amène à penser que l’impossibilité à se faire entendre mène à l’exclusion du sujet ou du groupe. Il nous faut donc étudier les rapports de force dans la dynamique centre-périphérie, les ressorts d’une hiérarchisation sociale ainsi que la fragmentation de la société. Le Trésor de la Langue Française définit « marginal » comme ce qui a « une faible importance quantitative ou qui n’est pas essentiel dans un système donné » et comme « personne vivant ou se situant en marge d’un groupe social déterminé ou plus généralement de la société dans laquelle il vit », ce qui laisse entendre une discrimination. Mais le dictionnaire rappelle également qu’il s’agit aussi de « ce qui est en marge de ou n’est pas conforme aux normes, aux critères admis ou retenus dans un système donné ». Cette dernière acception nous invite à considérer la marge en tant qu’écart et « marge de liberté » qui confèrent une originalité à ces voix marginalisées qui pourraient s’imposer comme des forces dissidentes capables d’apporter un regard nouveau sur la société. Ces formes de marginalisation sont diverses. L’analyse pourra ainsi explorer la marginalisation linguistique des langues minoritaires en Amérique Latine ou en Espagne.
L’étude se portera également sur la marginalisation littéraire des auteur·ice·s exclu·e·s de l’historiographie ainsi que la marginalisation politique qui passe sous silence le discours d’un groupe d’opposition. S’intéresser aux voix marginalisées et silenciées nous amènera à considérer les logiques propres à l’élaboration d’un système centre-périphérie qui structure la production littéraire et artistique hiérarchisée par des institutions. Les voix marginalisées, privées des outils discursifs essentiels à la formation et diffusion de sa parole, seraient reléguées hors de l’Histoire dont la constitution serait idéologiquement orientée : les dynamiques d’institutionnalisation ne serviraient pas tant à récupérer le passé qu’à aider à construire et justifier le présent (Talens, Spadaccini, 1989). Ces réflexions soulèvent un enjeu épistémologique et historiographique que l’on pourra examiner : comment l’analyse des voix marginalisées questionne la construction même de l’histoire littéraire et artistique ? Face à cette exclusion de la mémoire historique, artistique, politique, les voix marginalisées ne restent pas inertes. On pourra également s’interroger sur le dynamisme et la créativité hors normes des marges, mais aussi sur les stratégies de visibilisation mises en place par ces sujets marginalisés afin d’exister dans le champ littéraire et artistique.
Modalité d’organisation de la journée d’études et condition de soumission
La journée d’études se tiendra le 01 octobre 2021 à l’École Normale Supérieure de Lyon si les conditions sanitaires le permettent. Dans le cas contraire, d’autres modalités seront envisagées afin de nous adapter à la situation.
Chaque exposé durera 20 minutes et sera suivi d’un temps de discussion. Les propositions de 300 mots maximum, en espagnol ou en français, accompagnées d’une notice bio-bibliographique sont à envoyer à Manon Naro () et à Aurore Sasportes () au plus tard pour le 05 mai 2021. L’annonce des propositions retenues aura lieu mi-juin.
Organisatrices
Manon Naro – Laboratoire junior ¡Silencio!, Univ. Bordeaux Montaigne, AMERIBER (EA3656)
Aurore Sasportes – Laboratoire junior ¡Silencio!, Univ. Bordeaux Montaigne, AMERIBER (EA3656)
Le laboratoire junior ¡Silencio! hébergé à l’ENS de Lyon regroupe des doctorant·e·s et des étudiant·e·s autour de l’étude du silence dans les territoires hispanophones, toutes périodes historiques et tous domaines disciplinaires confondus. Les membres du laboratoire junior ¡Silencio! partent du constat que le verbe « silenciar » en espagnol, –mot qui n’a pas de traduction littérale en français–, revêt deux sens opposés qui révèlent une contradiction inhérente à l’étude du silence : c’est l’action d’un sujet qui choisit de taire quelque chose, mais c’est aussi la soumission d’un sujet par autrui, autrement dit, l’exercice d’une contrainte sur autrui. À partir de cette contradiction, et en regroupant des doctorant·e·s et des étudiant·e·s de disciplines variées, nous nous proposons de nous pencher sur l’étude des formes qu’adopte le silence, sur son rapport avec le pouvoir, et sur les ruptures observables du silence.
Mail :
 
Bibliographie indicative
Avelar, Idelber, « La construcción del canon y la cuestión del valor literario », in Aisthesis: Revista chilena de investigaciones estéticas, n°46, 2009, p. 213-221.
Bourdieu, Pierre, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001
De Swann, Abraham, A Political Sociology of the World Language System (1): The Dynamics of Language Spread, Language Problems and Language Planning, 22.1, printemps 1998, pp. 63-75 ; et (2), « The unequal exchange of texts », LPLP.
Forrest, Philippe, Szkilnik Michelle (éd.), Théorie des marges littéraires, Nantes, Éditions Cécile Defaut, 2005.
Fowler, Alastair, « Género y canon literario », in Teoría de los géneros literarios, Garrido Gallardo, Miguel Angel (coord.), 1988, p. 95-128.
Fraisse, Luc (éd.), Pour une esthétique de la littérature mineure, actes du colloque « Littérature majeure, littérature mineure », Strasbourg, 16-18 janvier 1997, Paris, Honoré Champion, 2000.
Gambarte, Eduardo, El concepto de generación literaria, Teoría de la literatura y literatura comparada (coll.), Miguel Angel Garrido (dir.), Editorial Síntesis, Madrid, 1996.
Gonnard, Catherine et Lebovici, Élisabeth, Femmes artistes, artistes femmes : Paris, de 1880 à nos jours, Paris, Hazan, 2007.
Mignolo, Walter, The darker side of the Renaissance: literacy, territoriality, and colonization, London, Duke University Press, 2011.
Nochlin, Linda, Femmes, art et pouvoir et autres essais, Paris, Éditions Jacqueline Chambion, 1993.
Pozuelo Yvancos, José María, Aradara Sánchez, Rosa María, Teoría del canon y literatura española, Madrid, Cátedra, 2000.
Spivak, Gayatri Chakravorty, Les subalternes peuvent-elles parler?, traduit par Jérôme Vidal, Paris, Éditions Amsterdam, 2009 [1988].
Talens, Janero, Spadaccini, Nicolas, Romanticism and the Writing of Modernity: Espronceda and the Collapse of Literature as Institutionalized Discourse, Minneapolis, Hispanic Issues, 1989.
Lieu ENS de Lyon
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