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Écrire la frontière (journée d’étude) Télécharger au format iCal
 

 

Appel à contribution 
Écrire la frontière (journée d’étude) 
Aix-Marseille Université 
Vendredi 27 novembre 2020, IMéRA, Marseille 
 
Écrire la frontière est une journée d’étude organisée par des jeunes chercheur·e·s de l’Université d’Aix-Marseille et de l’ED 354. Cette manifestation est labellisée par la fédération interdisciplinaire CRISIS (Corpus, Représentations, Identités, Santé et Interactions Sociales), en partenariat avec l’IMéRA (Institut Méditerranéen d’études et de recherches avancées) et le Collège doctoral franco-allemand Conflits de culture – cultures de conflit
Texte de présentation 
Selon le dictionnaire historique de la langue française, la frontière est « un dérivé de front (faire front), [...] un lieu gardé par une armée, une place forte qui fait front à un ennemi ». Le terme que nous employons aujourd’hui, et qui renvoie à la limite qui sépare deux États ou détermine l’étendue d’un territoire, remonte à 1360. Peu à peu, la frontière revêt ainsi une dimension géopolitique, dont peuvent découler des processus de surveillance, de fermeture et de contrôle, allant jusqu’aux politiques migratoires et à la création d’« effets frontières ». Aussi, émergent des « frontiérisations », consolidant la limite entre les territoires. Par ailleurs, le concept de frontière est investi dès le XVIIIe siècle d’un sens figuré pour marquer des limites, des séparations, dans des champs aussi bien concrets qu’abstraits ; on parle par exemple de « frontières d’une région » ou de « frontières linguistiques ». 
L’espace frontalier que figure la Méditerranée est révélateur de la polysémie que le concept déploie. Elle constitue une rupture entre différentes aires culturelles et territoires qui se sont rencontrés dans la violence et les rapports conflictuels. Marqué par les conséquences du colonialisme, le « Mur Méditerranée » (Dalembert, 2019) est infranchissable pour certain·e·s, ou traversé au péril des existences ; même une fois la frontière franchie, la « condition de l’exilé » (Nouss, 2015) reste empreinte de cette limite, qui le maintient à la lisière socioculturelle du continent d’arrivée. Toutefois, la Méditerranée peut aussi être appréhendée comme un « tiers-espace » (Bhabha, 1994), où les cultures environnantes convergent pour finalement former une entité composite. En témoigne par exemple la lingua franca (Dakhlia, 2008), langue véhiculaire utilisée du Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle par des populations de diverses origines (commerçants, négociants, esclaves, prisonniers, nomades, marins, voyageurs, etc.) circulant au sein du bassin méditerranéen. Ainsi, la frontière peut être pensée comme un espace de rencontres et de liens entre des entités a priori séparées, surtout à une époque où les personnes, les biens et les informations connaissent une circulation globalisée. Peut-on néanmoins parler de « dématérialisation des frontières » ? 
Stéphane Rosière affirme que « nous ne vivons pas un processus de dématérialisation des frontières comme les libéraux des années 1990 l’avaient rêvé mais un processus concomitant de matérialisation/dématérialisation des frontières internationales ». En effet, « l’effacement (et la dématérialisation) de la frontière se fait par une sorte d’étalement de la fonction frontalière qui s’en trouve délinéarisée ». Les frontières obéiraient alors davantage à une logique réticulaire, et pourraient à ce titre être qualifiées de mouvantes, notamment en vertu du déplacement des contrôles au-delà de la ligne frontalière, facilité par les technologies de tracking des individus. Cette dématérialisation dépend en effet d’une mise en réseau de divers systèmes de contrôle qui visent à produire les documents de la surveillance. Il s’agit donc d’une véritable matérialité, celle des data centers qui, s’ils sont déconnectés de la frontière linéaire, concrétisent une frontière disséminée. 2 
 
Cette mutation de la notion de frontière a trouvé, entre transgression et célébration, un écho important dans les pratiques littéraires et artistiques contemporaines (arts plastiques, arts visuels, arts de la scène, entre autres). À travers les démarches de délimitation d’un médium, ou celles revendiquant, au contraire, une hybridité constitutive du geste artistique, un véritable espace de croisements et de « contaminations » est édifié. Depuis les années 1960, les travaux sur la dématérialisation ont nourri sans précédent la réflexion artistique (McLuhan, 1964 ; Lippard & Chandler, 1968 ; Michaud, 2003), depuis les débats entre fiction et documentaire jusqu’aux multiples déplacements des frontières entre les arts, notamment via des pratiques hybrides telles que les livres d’artiste, les installations multimédia, la coprésence du numérique et de l’analogique, les rapports art-science. L’hybridation des pratiques artistiques, prise dans un double mouvement de dématérialisation/rematérialisation de ces frontières, ouvre de nouvelles questions autour de l’esthétique, du geste formel de l’acte de création et des dynamiques de réception. Aussi, les frontières entre artiste et public sont redessinées, rendant poreuse la délimitation traditionnelle entre la scène et les spectateurs, et plus largement entre l’espace de la fiction et celui du réel / entre « monde du texte » et « monde du lecteur », ou au contraire en se traçant sur de nouveaux supports. 
Aux côtés de la notion de « frontière » en tant qu’objet représenté, se manifeste de plus en plus le désir de composer directement in situ et « sur le fil ténu des frontières » (Pliya, 2011). Les écrivains, les artistes et les penseurs contemporains ont prolongé leurs réflexions autour de la problématique frontalière et des différentes présences possibles au monde qu’elle sous-tend. Il s’agirait donc moins de s’intéresser à la frontière comme objet de création que de la considérer à travers son caractère liminaire, c’est-à-dire, comme « seuil » (Agier, 2013) vers la création. Les pratiques scripturales et artistiques investissent cet espace-frontière en tant que lieu de vie tissé d’un ensemble de relations et de liens, afin de dire son hétérogénéité et la richesse des échanges qu’il génère. En ce sens, la frontière devient notamment performative pour les identités hybrides ; c’est ainsi que la conçoit Léonora Miano, écrivaine qui dit « habiter la frontière ». Cette dernière se décline au sein de ses créations à travers le mélange des influences et des langages artistiques, ou encore dans sa perception des catégories sociales. Aussi, même si « ces identités frontalières sont nées de la douleur » et qu’elles « habitent, au fond, un espace cicatriciel », « la cicatrice n’est pas la plaie. Elle est la nouvelle ligne de vie qui s’est créée par-dessus. Elle est le champ des possibles les plus insoupçonnés » (Miano, 2012). 
Axes 
Plusieurs dimensions de la frontière seront abordées, parmi lesquelles figurent (liste non exhaustive) : 
1. Choix esthétiques et mélanges génériques, intermédialité, interdisciplinarité, extra-disciplinarité, hybridation artistique et linguistique. 
2. Reconfiguration de l’espace de création et des expériences de réception : frontière artiste/public, réel/fiction, altérité/corporalité. 
3. Pratiques et enjeux de l’écriture et de la création en lien avec la distanciation physique et / ou sociale : espace privé et espace public, privation des libertés, situations d’isolement, confinement, création en exil ou sous la censure. 
4. Repenser les espaces humains et les relations culturelles et identitaires ; approches géocritique, géopoétique, écopoétique. 
 
Déroulement de la manifestation 
Cette journée d’étude, Écrire la frontière se veut internationale et interdisciplinaire. 
Elle sera consacrée à des communications de jeunes chercheur·e·s ayant répondu à l’appel à contributions, qui seront inaugurées par l’intervention de Patrick Suter, Professeur de littérature française à l’Université de Berne et auteur du théâtre-essai Frontières. Il s’agira de problématiser et circonscrire les divers points de vue interdisciplinaires sur la question des traces frontalières : « Frontières ? Si nombreuses sur la surface de la terre ! Si diverses ! Ne cessant de changer, de se recomposer, de naître, de disparaître ! (…) et certes, Frontières, le texte que tu lis, lecteur, ne contient 3 que quelques variations parmi une infinité possible » (Suter, 2014). La manifestation sera clôturée par une table-ronde réunissant des écrivain·e·s et des artistes de différents territoires géographiques et artistiques, qui discuteront les usages littéraires, artistiques et historiques de la frontière. Ces artistes du « Tout-Monde » (Glissant, 1997) seront invité·e·s à s’exprimer sur la présence/absence et la résonance des frontières au sein de leurs oeuvres. 
Nous souhaitons que la journée d’étude se tienne en présentiel. Toutefois, si des participant·e·s préfèrent communiquer à distance, ils·elles peuvent nous le signifier dans leur proposition de communication ; nous pourrions, à titre indicatif, en accepter deux, sous la forme, par exemple, d’un enregistrement à reproduire lors de la manifestation. Par ailleurs, si la situation liée à la pandémie du Covid-19 nous oblige à un nouveau confinement, la JE se fera entièrement à distance, via l’application zoom. Un message sera envoyé aux participant·e·s fin septembre pour faire le point sur la situation. 
 
Date limite et modalités de soumission 
L’appel à contribution s’adresse à des doctorant·e·s et à des jeunes chercheur·e·s (ayant soutenu leur thèse il y a moins de 4 ans) issu·e·s de diverses disciplines en sciences humaines et sociales, notamment en arts, littératures, philosophie, esthétique, histoire, sciences du langage, anthropologie, sociologie, langues et cultures étrangères. 
Les propositions de communication sont à envoyer à l’adresse mail : au plus tard le 25 août 2020 ; nous vous prions d’y faire figurer un titre, un résumé de 400 mots maximum, l’(es) axe(s) retenue(s), ainsi qu’une courte bio-bibliographie. Les réponses seront envoyées au plus tard le 21 septembre 2020. 
La langue française sera privilégiée pour nos échanges, mais les communications en anglais sont également acceptées. Par ailleurs, les communications à deux et en dialogue interdisciplinaire sont les bienvenues. 
Les communications donneront lieu à un projet de publication numérique. 
Nous nous tenons à disposition des intéressé·e·s et des participant·e·s retenu·e·s pour toutes questions logistiques. 
Pour plus d’informations : https://frontieresamu.hypotheses.org/appel-a-contribution-journee-detude-ecrire-la-frontiere 
Membres de l’équipe organisatrice 
- Johanna CARVAJAL GONZALEZ (CAER) 
- Marianne DE CAMBIAIRE (LESA) 
- Laëtitia DELEUZE (CIELAM) 
- Sabine GAMBA (CIELAM) 
- Mounir TAIRI (LERMA) 
- Marjolaine UNTER ECKER (CIELAM) 
Membres supplémentaires du conseil scientifique 
- Dante BARRIENTOS-TECUN, Professeur en Études latino-américaines, CAER, AMU. 
- Nicole COLIN, Professeure en Études germaniques, ECHANGES, AMU ; directrice du collège doctoral franco-allemand, Conflits de culture – cultures de conflit. 
- Matthew GRAVES, Maître de conférences HDR en Études anglophones, LERMA, AMU. 
- Anna GUILLÓ, Professeure en Arts plastiques et sciences de l’art, LESA, AMU. 
- Catherine MAZAURIC, Professeure de Littérature contemporaine d’expression française, directrice du CIELAM, AMU. 
 
Bibliographie indicative 
Agier, Michel, La condition cosmopolite, L’anthropologie à l’épreuve du piège identitaire, Paris, La Découverte, 2013. 4
Amilhat Szary, Anne-Laure, « Le Border Art fait le mur », De ligne en ligne n°18, 2015. 
Assmann, H.-D., Baasner, F., Wertheimer, J., (dir.), Grenzen, Baden-Baden, Nomos, 2014. 
Augé, Marc, Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992. 
Berthet, Dominique (dir.), Vers une esthétique du métissage ?, Paris, L’Harmattan, 2002. 
Bhabha, Homi K., Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot, 2007. 
Chamayou-Kuhn, C., Iglesias, S., Quéva, C., Richter, A., et Vilain, Y., « Frontières en question », Trajectoires n°2/2008, [http://journals.openedition.org/trajectoires/111]. 
Cristofol, Jean, « L’art aux frontières », antiAtlas Journal, [https://www.antiatlas.net/jean-cristofol-lart-aux-frontieres/]. 
Dakhlia, Jocelyne, Lingua franca - Histoire d’une langue métisse en Méditerranée, Actes Sud, 2008. 
Dufoulon, S., Rostekova, M., Migrations, mobilités, frontières et voisinages, Paris, L’Harmattan, 2011. 
Glissant, Édouard, Traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1997. 
Gómez-Pena, G., et Sifuentes, R., Exercises for Rebel Artists : radical Performance Pedagogy, Londres, Routledge, 2011. 
Guilló, Anna, « Border art et frontières de l’art », antiAtlas Journal, 1, 2016, [https://www.antiatlas-journal.net/01-border-art-et-frontieres-de-l-art/] 
Harmon, Katharine, The Map as Art, Contemporary artists explore cartography, New York, Princeton Architectural Press, 2009. 
Holmes, Brian, « L’extra-disciplinaire. Pour une nouvelle critique institutionnelle », Multitudes n°28, 2007, [https://doi.org/10.3917/mult.028.0011]. 
Ivekovic, Rada, 2012, « Conditions d’une dénationalisation et décolonisation des savoirs », Mouvements n°72, p. 35-41. 
Le Bris, M., Rouaud, J. (dir.), Pour une littérature-monde, Paris, Gallimard, 2007. 
Lippard Lucy & Chandler, John, « The Dematerialization of Art », Art International vol.12, n°2, févr. 1968, p. 31-36. 
Mazauric, Catherine, Mobilités d’Afrique en Europe, Récits et figures de l’aventure, Karthala, Lettres du Sud, 2012. 
Mezzadra, S., Neilson, B., La frontière comme méthode ou la multiplication du travail, Toulouse, L’asymétrie, 2019. 
Kantuta Quirós et Aliocha Imhoff (dir.), Géo-esthétique, Paris, B42, 2014. 
Miano, Léonora, Habiter la frontière, Paris, L’Arche, 2012. 
Michaud, Yves, L’art à l’état gazeux : essai sur le triomphe de l’esthétique, Paris, Stock, 2003 
Mignolo, Walter, La Désobéissance épistémique : rhétorique de la modernité, logique de la colonialité et grammaire de la décolonialité, Berne, Peter Lang, 2015. 
Pliya, José, Écrire sur le fil ténu des Frontières, Carnières-Morlanwelz, Lansman, 2011. 
Rosière, Stéphane, “Les frontières internationales entre matérialisation et dématérialisation”, antiAtlas Journal, 2, 2017,[https://www.antiatlas-journal.net/02-les-frontieres-internationales-entre-materialisation-et-dematerialisation/] 
Suter, Patrick, Frontières, Paris, Passages d’encres, 2014.
Lieu  IMéRA, Marseille
Contact 
L’appel à contribution s’adresse à des doctorant·e·s et à des jeunes chercheur·e·s (ayant soutenu leur thèse il y a moins de 4 ans) issu·e·s de diverses disciplines en sciences humaines et sociales, notamment en arts, littératures, philosophie, esthétique, histoire, sciences du langage, anthropologie, sociologie, langues et cultures étrangères.
La langue française sera privilégiée pour nos échanges, mais les communications en anglais sont également acceptées. Par ailleurs, les communications à deux et en dialogue interdisciplinaire sont les bienvenues.
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