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L’espace marginal dans les manuscrits, incunables et imprimés (royaumes de la péninsule ibérique médiévale et Espagne moderne, XIIe-XVIIIe siècles) Télécharger au format iCal
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L’espace marginal dans les manuscrits, incunables et imprimés (royaumes de la péninsule ibérique médiévale et Espagne moderne, XIIe-XVIIIe siècles)

À la fin d'un exemplaire des Essais de Montaigne, un lecteur anonyme a précisé «  J'ai annoté les Essais de Michel de Montaigne en sachant comment on doit annoter, ce que j'ignorais quand je le faisais sur Tacite1  ». Celui qui confessait, dans l’adresse au lecteur rédigée en 1580, «  Je suis moi-même la matière de mon livre  », ne s’était pas privé d’investir également les marges de la première version imprimée de son œuvre en y entassant des variantes et des ajouts appelés à alimenter les trois strates qui constituent désormais la vulgate des Essais. Ces deux témoignages montrent combien pour l’auteur et pour le lecteur la jouissance de l’espace qui jouxte le texte fait partie intégrante de la pratique d’écriture comme de la pratique de la lecture. Ils soulignent ainsi une ambivalence consubstantielle à la marge, espace liminaire qui est aussi bien celui où l’auteur peut s’extraire de son texte pour le prolonger et celui par lequel le lecteur va y faire son entrée (sous la conduite de l’auteur ou non) et apposer, ensuite, les marques de son appropriation du discours d’autrui.

Mais l’espace marginal ne se résume pas à un pré carré de l’auteur ou du lecteur. Qu’il s’agisse de la marge typographique des imprimés du XVIe ou du XVIIe siècle ou de celle, soumise à d’autres codes, des manuscrits médiévaux et modernes2, les marges ont toujours été un riche espace transactionnel, où se rencontrent art d’écrire et art de lire (ou de se lire soi-même), et où se joue, en partie, l’intelligence du texte qu’elles entourent. On sait, par exemple, l’importance capitale des notes marginales des Medidas del romano de Diego de Sagredo (1526) dans l’économie de ce dialogue puisqu’elles en soulignent les enchaînements3. Les marges et les annotations qu’elles contiennent possèdent donc un statut complexe et rendent possibles des pratiques variées qui sont autant de techniques intellectuelles visibles dans les marques dont elles sont porteuses. Ana Vian Herrero a montré, pour le Crotalón, la richesse de l’étude de deux manuscrits rédigés par un seule et même copiste et porteurs d’annotations et de corrections marginales sans aucun doute effectuées sous le contrôle de l’auteur du texte4. Les marginalia de lecture mettent donc au jour cette même lecture et participent de «  la fabrique de la lisibilité5  ». Ce qu’on peut y voir et y lire balaie un large spectre qui intéresse l’intelligence du texte et qui s’étend depuis la genèse de son écriture et sa «  mise en livre6  » jusqu’aux degrés les plus subtils de sa lecture par autrui.

Les annotations diverses qui peuvent être apposées dans les marges instaurent, par conséquent, une tension herméneutique extrêmement variable. Elle peut procéder du geste de l’auteur ou être le fruit d’une lecture qui, par définition, est infinie  : en effet, un ou plusieurs lecteurs peuvent lire les mêmes annotations manuscrites ou imprimées de l’auteur, de même que les lecteurs entre les mains desquels circulent les manuscrits et les imprimés annotés peuvent amplifier leur lecture de leurs propres apostilles. Corrections ou repentirs manuscrits de l’auteur (qui se substituent à des fragments caviardés ou coexistent avec des passages conservés), mention des autorités citées dans le texte, gloses, commentaires lacunaires ou développés, marques diverses de la réception du texte, éléments iconographiques, etc.  : les échanges qui ont lieu en marge des textes sont placés sous le signe de la richesse, de la liberté, de l’ouverture… ou au contraire de la volonté de contrôler ou brider la lecture du texte central. Naturellement, la place occupée par ces éléments dans la marge est elle-même signifiante. Une des grandes révolutions à ce propos reste, entre le XVe et le XVIIIe siècle, le passage de la glose à la note, autrement dit la substitution d’«  une liaison analytique à une proximité spatiale7.  »

Les réflexions autour de l’espace marginal sur les manuscrits et incunables du Moyen Âge et sur les manuscrits et imprimés de l’époque moderne en langue vernaculaire pourront s’articuler autour des trois axes suivants  :

  • les marges et leur fonctionnement dans la «  mise en livre  ». Il s’agira de réfléchir à l’élaboration d’une typologie des marges à partir des instruments d’analyse adéquats, tant d’un point de vue spatial (et donc esthétique) que dans la nature et les modalités de relation entre les annotations marginales et le texte principal.

  • les marges et l’acte de lecture. Il ne s’agira pas d’interroger seulement la réception des textes à la lumière des éléments paratextuels mais bien de questionner les interactions entre deux espaces (le texte au centre de la page et les marges) et les infléchissements qu’ils produisent l’un sur l’autre. On cherchera, en somme, à dépasser la prééminence de fait du texte central pour considérer les marges comme un espace d’entrée et de sortie du texte valant également pour lui-même et pouvant même tenir, dans certains cas, un discours parallèle.

  • autorité du texte/autorité des annotations marginales. On se penchera sur les conflits herméneutiques que peuvent créer la coexistence de ces deux espaces sur la page, qu’ils émanent de la même main ou qu’ils attestent la lecture d’autrui.

Les contributions pourront porter sur le Moyen Âge et/ou sur la période moderne, envisager un ouvrage, un genre en particulier (discours royaux médiévaux, traductions, littérature épique, prose d’idée, manuscrits poétiques, etc.), ou adopter une approche comparatiste. Les propositions de contribution accompagnées de quelques éléments biographiques sont à envoyer par voie électronique aux adresses suivantes et avant le 20 décembre 2013. La date de remise des articles est fixée au 23 mai 2014.

1 L'exemplaire en question date de 1595 et aurait été annoté aux plus tard dans les premières années du XVIIe siècle.

2 Fernando Bouza a souligné l’importance et les particularités de leur circulation, notamment dans Hétérographies. Formes de l’écrit au Siècle d’or espagnol.

3 Rafael Malpartida Tirado, Varia lección de plática áurea. Un estudio sobre el diálogo renacentista español, Málaga, Analecta Malacitana, 2005, p.  27.

4 Cf., entre autres articles, «  El yo creador y su proceso de elaboración artística  : la génesis de El Crotalón  », Compás de Letras, I (1992), págs. 13 - 28.

5 Christian Jacob, Des Alexandries, t.  2, «  Les métamorphoses du lecteur  », Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2003, p.  125.

6 Roger Chartier, Pratiques de la lecture.

7 Ibid.

 

 

El espacio marginal en los manuscritos, incunables e impresos

(reinos de la Península ibérica medieval y España moderna, siglos XII-XVIII)

 

 

Al final de uno de los ejemplares de los Ensayos de Montaigne, un lector anónimo subrayó: «  Anoté los Ensayos de Michel de Montaigne sabiendo cómo se debe anotar, lo que no sabía hacer cuando lo hacía en la obra de Tácito1  ». El que admitía, cuando se dirigía al lector en 1580, «  Yo mismo soy la materia de mi libro  », tampoco había dudado en ocupar los márgenes de la primera versión impresa de su obra, llenándolos de variantes y añadidos cuyo propósito era alimentar los tres estratos que constituyen ahora la vulgata de los Ensayos. Ambos testimonios muestran cómo el gozo del espacio que linda con el texto, forma parte, tanto para el lector como para el autor, de la práctica de la escritura y de la lectura. De esta forma, se subraya la ambivalencia intrínseca del margen, espacio liminar donde el autor puede ir más allá de su propio texto y prolongarlo, por donde el lector puede penetrar en el mismo –guiado o no por el autor– y dejar luego las señales de su apropiación del discurso ajeno.

 

Pero el espacio marginal no es sólo el coto reservado del autor o del lector. Que se trate de los impresos de los siglos XVI-XVII o de los manuscritos medievales y modernos2, los márgenes siempre han sido un interesante espacio transaccional, donde coinciden el arte de escribir y el de leer – o de leerse a sí mismo –, y donde está en juego, en gran medida, la inteligencia del texto que rodean. Conocemos, por ejemplo, la trascendencia de las indicaciones marginales en las Medidas del romano de Diego de Sagredo (1526) ya que sirven para subrayar su trabazón3. Así, los márgenes y las anotaciones que contienen poseen un estatuto complejo y hacen posibles prácticas variadas. Más aún, la diversidad de las marcas que llevan es el signo de otras tantas técnicas intelectuales. Ana Vian Herrero mostró, para el Crotalón, la riqueza del estudio comparativo de dos manuscritos redactados por un sólo copista, en los que figuran anotaciones y correcciones marginales efectuadas, sin lugar a dudas, bajo el control del autor4. Las marginalia de lectura enseñan pues este peculiar acto de leer y participan de la «  fábrica de la lisibilidad5    ». Lo que podemos ver y leer permite abarcar la inteligencia del texto, la cual se extiende desde su escritura y «  mise en livre6  » hasta los grados más sutiles de la lectura ajena.

 

Las anotaciones que uno inscribe en los márgenes instauran, por consiguiente, una tensión hermenéutica eminentemente variable. Pueden resultar de la mano del autor o ser el fruto de una lectura que, por definición, es infinita: uno o más lectores pueden leer las mismas anotaciones manuscritas o impresas del autor; de la misma manera, los lectores de los manuscritos y de los impresos anotados pueden amplificar su lectura con sus propias apostillas. Correcciones o arrepentimientos manuscritos del autor –que sustituyen a fragmentos censurados o coexisten con partes conservadas–, menciones de las autoridades citadas en el texto, glosas, comentarios incompletos o desarrollados, testimonios de la recepción del texto, elementos iconográficos, etc.: todos los intercambios que tienen lugar en el margen de los textos son muestras de riqueza, libertad y apertura… o, al contrario, testimonian la voluntad de controlar o restringir la lectura central. Por supuesto, el lugar ocupado por estos elementos en el margen es, de por sí, significativo. Una de las grandes revoluciones a este respecto, entre los siglos XV y XVIII, fue la sustitución de la glosa por la nota, es decir, el paso de «  un vínculo analítico a una proximidad espacial7  ».

 

Las reflexiones alrededor del espacio marginal en los manuscritos e incunables de la Edad Media y en los manuscritos e impresos de la Moderna en lengua vernácula podrán articularse alrededor de tres ejes:

 

- Los márgenes y su funcionamiento en la «  mise en livre  ». Se tratará de reflexionar sobre la elaboración de una tipología de los márgenes, a partir de los instrumentos de análisis adecuados, tanto desde un punto de vista espacial –es decir estético– como contemplando la naturaleza y las modalidades de la vinculación entre las anotaciones marginales y el texto principal.

- Los márgenes y el acto de la lectura. No se tratará tan sólo de la recepción de los textos a la luz de los elementos paratextuales, sino también de cuestionar las interacciones entre dos espacios –el texto en el centro de la página y los márgenes– y las inflexiones que producen el uno sobre el otro. Se pretende, así, cuestionar la preeminencia del texto central para considerar los márgenes como un espacio de entrada y salida del texto, con valor propio, capaz de crear, en ciertos casos, un discurso paralelo.

- Autoridad del texto/autoridad de las anotaciones marginales. Se estudiarán en particular los conflictos hermenéuticos que puede acarrear la coexistencia de estos dos espacios en la página, procedan del propio autor o atestiguen la lectura ajena.

 

Las contribuciones podrán abordar la Edad Media y/o el periodo moderno, contemplar una obra, un género en particular –discursos reales medievales, traducciones, literatura épica, prosa de idea, manuscritos poéticos, etc.– o adoptar un enfoque comparativo. Las propuestas, acompañadas de una breve referencia biográfica, se mandarán por correo electrónico, antes del 20 de diciembre de 2013, a las siguientes direcciones: y . Los artículos seleccionados se entregarán antes del 23 de mayo de 2014.

1 El ejemplar aludido es de 1595 y habría sido anotado como más tarde en los primeros años del siglo XVII.

2 Fernando Bouza subrayó la importancia y las particularidades de su circulación, en conreto en Hétérographies. Formes de l’écrit au Siècle d’or espagnol.

3 Rafael Malpartida Tirado, Varia lección de plática áurea. Un estudio sobre el diálogo renacentista español, Málaga, Analecta Malacitana, 2005, p.  27.

4 Cf., entre otros artículos, « El yo creador y su proceso de elaboración artística: la génesis de El Crotalón  », Compás de Letras, I (1992), págs. 13 - 28.

5 Christian Jacob, Des Alexandries, t. 2, «  Les métamorphoses du lecteur  », Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2003, p. 125.

6 Roger Chartier, Pratiques de la lecture.

7 Ibid.

 

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