Journée d’Etude interdisciplinaire
« Le flamenco dans tous ses états : de la scène à la page, du pas à l’image »
21 novembre 2019 – Université Littoral Côte d’Opale – Boulogne-sur-Mer
Le flamenco, connu pour se rattacher au folklore andalou et à la culture gitane, et dont l’origine du mot serait arabe ou germanique, rappelant le côté « flamboyant » selon Manuel García Matos ou « errant » selon Blas Infante (Orígenes de lo Flamenco y Secreto del Cante Jondo, 1929-1933), est à envisager comme « la superación musical del folklore andaluz, por lo que se considera un arte compuesto de cante, baile y música, y poseedor de una deslumbrante cantidad de vertientes o estilos, que lo hacen único y sorpresivo » (Manuel Rios Ruiz, Historia del flamenco, vol. 1, p. 7).
Le flamenco comporte toute une gestuelle qui représente un véritable cri du corps entier. Dans le flamenco, « le risque prend figure de rythme » (Didi-Huberman, p. 36) car la danse est aussi une lutte selon Federico García Lorca, qui consacra poèmes et conférences au flamenco et à la corrida (nous pouvons citer, par exemple, le Poema del cante jondo lu en partie par lui-même en 1922 lors du Concours de Cante Jondo de Grenade qu’il organisa avec Manuel de Falla ou son élégie à Ignacio Sánchez Mejías).
Ainsi que le souligne José Bergamín dans La música callada del toreo : « La danse et le chant andalous semblent s’unir dans la figure lumineuse et obscure du torero et du taureau […] pour, en définitive, jouer le tout à pile ou face, le tout pour le tout » (cité par Didi-Huberman, p. 60). En effet, tout comme il existe un roman tauromachique cher à Hemingway ou à Michel Leiris (Miroir de la tauromachie), certains romanciers actuels tels que Roberto Montero Glez s’identifient au flamenco dans leur écriture et n’hésitent pas à faire du flamenco une « invocation métaphorique », « la raison poétique la plus profonde de [leur] propre travail – de [leur] propre jeu – d’écriture » (Didi-Huberman, p. 65). On peut ainsi interroger comment le baile et le cante jondo s’invitent tant dans les pages que sur les toiles, les pellicules ou les écrans pour y insuffler un rythme, une musicalité, une poésie, un duende, une intensité, depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours ?
Le flamenco ne se cantonne pas à la seule aire de la péninsule ibérique mais est un art qui s’exporte facilement, dépassant aisément les frontières, non seulement génériques, mais culturelles et géographiques. L’ancrage du flamenco en Amérique latine est particulièrement notable puisqu’il a influencé grandement le développement des danses latines, de leurs rythmes et de leurs mouvements (pensons au tango par exemple). De plus, il y est décrit aussi bien dans les chroniques du début du XXe siècle du Nicaraguayen Rubén Darío, de l’Argentin Jorge Luis Borges, du Péruvien Félix del Valle ou du Mexicain Alfonso Reyes racontant leur voyage en Andalousie, que dans les tablaos peints par le Colombien Fernando Botero célébrant et la musique et la danse andalouse à la fin du siècle passé. Aujourd’hui, les artistes latino-américains qui résident en Andalousie comme le Péruvien Fernando Iwasaki ou le Cubain Alexis Díaz Pimienta incluent le flamenco à leur production littéraire. Doit-on y voir une simple observation exotique du folklore local (car ils sont étrangers) ou une réflexion identitaire sur leurs propres origines (car ils y trouvent – à travers la langue et la musicalité – des traces de leurs racines culturelles communes avec l’Espagne) ?
Il serait également intéressant de se pencher sur la projection de la culture et du style flamenco dans d’autres pays pas forcément hispanophones : nous pouvons ainsi penser aux œuvres de l’écrivain britannique Arthur Symons (1865-1945), particulièrement sensible à cet art, et, de même, dans un autre registre, au Festival de danse de Düsseldorf en Allemagne où chaque année, depuis 25 ans, le flamenco est mis à l’honneur.
Pourront être envisagés les axes d’étude suivants (sans que cela soit limitatif) :
-Histoire du flamenco : les différentes formes de flamenco, de cante jondo, le « chant profond », cette « nuit du langage » (José Bergamín, La Décadence de l’anaphabétisme) ; ses grandes figures, ses interprètes (voix – cantaores –, danse – bailaores – et guitare – tocaor –), son vocabulaire (chufla, jabera, martinete, saeta, siguiriya, soleá, etc.), ses lieux (cafés, cabarets, tablaos) ; Antonio Machado y Álvarez (Demófilo), etc.
-Chorégraphie ou scénographie du flamenco : guitare, voix et gestuel ; flamenco et tauromachie, danse et corrida (« Les remates de la danse flamenca [sont] comme des passes tauromachiques », Didi-Huberman, p.117) ; le chorégraphe Israel Galván dans Arena (2004), etc.
-Rapport avec la littérature européenne et internationale (le flamenco en tant que thème et source d’inspiration ; prose et poésie), avec les Arts (représentations en peinture, dans la gravure, dans la photographie et au cinéma ; Darío de Regoyos, Julio Romero de Torres, John Singer Sargent, etc. ; Edgar Neville, Tony Gatlif ou Carlos Saura), avec le théâtre.
-Les anti-flamenco : le flamenco n’a pas que des admirateurs. Des auteurs tels qu’Armando Palacio Valdés, Leopoldo Alas Clarín, Azorín, Pío Baroja, Eugenio Noel se sont clairement positionnés contre cet art.
Cette journée d’étude se proposera ainsi, non seulement de revenir sur l’histoire de cet art, dans toutes ses spécificités, ses styles et ses subtilités et sur ses grandes figures passées et présentes (Silverio Franconetti Aguilar, Manuel Soto Loreto « Manuel Torre », Juan Breva, « La Niña de los Peines », La Argentinita, Manuel de los Santos Pastor « Agujetas », Blanca del Rey, Paco de Lucia, Camarón de la Isla, Sara Baras, Juan Manuel Hernández Montoya, Felix Conde…) mais d’en apprécier également les transferts esthétiques dans l’art et la littérature entre tradition et modernité.
Envoi des propositions jusqu’au 30 juin 2019 à : , ,
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