| La sorcière réinventée : reconfigurations contemporaines, entre réhabilitation et connexion au sensible |
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Appel à communication La sorcière réinventée : reconfigurations contemporaines entre réhabilitation et connexion au sensible Pau, les jeudi 26 et vendredi 27 février 2026 Université de Pau et des pays de l’Adour Journées d’étude organisées par l’UR ALTER « La figure de la sorcière moderne connaît un renouveau qui englobe des motivations très diverses, parfois opposées, selon les groupes et les individus : vision de la femme par essence proche de la nature, croyance authentique en des pouvoirs magiques, mais aussi simple amusement à l’image des sorcières d’Halloween, prétexte à la vente de produits ésotériques et new age ». Yann Kindo et Jean-Paul Krivine, Sorcières, de l'histoire aux mythes modernes, Afis Science - Association française pour l’information scientifique, 2025. Argumentaire L’objectif de ces journées d’étude est d’appréhender les reconfigurations actuelles de la sorcière comme symbole d’une connexion renouvelée avec l’environnement, comme vecteur de reliance sociale et de valorisation du territoire, au-delà des discriminations et des fractures de genre néanmoins persistantes. Ce projet s’appuie sur un phénomène contemporain notable : le retour en force, depuis une vingtaine d’années, de la figure de la sorcière dans la littérature, le cinéma et les arts visuels, aussi bien en France qu’au Royaume-Uni, en Suisse, en Espagne ou en Italie, mais aussi dans l’espace public à travers son exploitation dans des festivals, des musées et des centres d’interprétation (grottes de Zugarramurdi en Navarre, Semaine des Sorcières de Villanúa en Aragon, etc.). Issue de mythes et de légendes antiques, la sorcière porte indéniablement une ambivalence intrinsèque, entre fascination et répulsion, exclusion et puissance. Longtemps marginalisée et historiquement persécutée lors de chasses aux sorcières, elle devient à partir du XIXe siècle - dans le sillage de La Sorcière (1862) de Michelet - l’étendard de générations de militantes féministes et écoféministes, dans des constructions souvent plus politiques qu’historiques. Dès les années 1970-1980, des ouvrages comme ceux de Susan Griffin (La Femme et la Nature. Le rugissement en son sein, 1978) ou de Carolyn Merchant (La mort de la nature. Les femmes, l’écologie et la révolution scientifique, 1980), soulignent l’analogie symbolique entre « femme et nature », que la pensée rationnelle occidentale aurait mise en avant pour légitimer un double système de réification et d’exploitation. Merchant consacre ainsi tout un chapitre (« La nature comme désordre, les femmes et les sorcières »), à la dévaluation progressive des femmes, dont le caractère supposé incontrôlable et sauvage aurait permis de justifier leur accusation et leur condamnation pour sorcellerie. Sur ce socle conceptuel se développe le courant écoféminisme, marqué, entre autres, par le succès éditorial de Caliban et la sorcière (2006) de Silvia Federici, puis, quelques années plus tard, par celui de l’ouvrage de Mona Chollet, Sorcières : La puissance invaincue des femmes (2018), qui fait de la sorcière une figure de « femme puissante », inspirant les féminismes contemporains. De toute évidence, les évolutions de l’imaginaire sorcellaire - dont nous ne rappelons ici qu’une infime partie -, laissent entrevoir le caractère poreux de cette figure mythique, sa capacité à cristalliser des représentations variées voire contradictoires, à incarner les crises, les craintes, les fantasmes et désirs qui traversent les sociétés au fil des siècles. S’il est une problématique majeure qui s’impose aujourd’hui, c’est bien celle de la crise environnementale, que Baptiste Morizot et d’autres penseurs interprètent comme une crise du sensible, c’est-à-dire une crise de nos relations au vivant : « Par “crise de la sensibilité”, j’entends un appauvrissement de tout ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre, et tisser comme relations à l’égard du vivant. Une réduction de la gamme d’affects, de percepts, de concepts et de pratiques nous reliant à lui[1] ». Dans ce contexte troublé, quelle figure mieux que la sorcière pourrait symboliser des liens renouvelés avec notre environnement ? Associée à la vie isolée dans des milieux ruraux ou montagnards, réputée pour sa connaissance des plantes et de leurs vertus curatives, pour son rôle de guérisseuse ou d’accoucheuse, la sorcière est au croisement :
Ainsi, les mêmes caractéristiques qui ont conduit à sa marginalisation puis à sa condamnation deviennent aujourd’hui des ressources symboliques et politiques pour repenser notre rapport au vivant. Dans quelle mesure la réhabilitation de cette figure permet-elle de fédérer des communautés autour d’une histoire partagée, de renforcer des identités territoriales, de valoriser des patrimoines immatériels et des savoirs ancestraux (herboristerie, rituels, contes, pratiques de soin, etc.) ? Cette journée d’étude entend analyser la manière dont l’époque contemporaine se réapproprie la figure de la sorcière, potentiellement porteuse de nouveaux liens sensibles à la nature comme à la société, en examinant d’une part les mécanismes de déconstruction des stéréotypes sorcellaires (la vieille laide, malveillante, isolée, irrationnelle) ; d’autre part, la production d’imaginaires et de contre‑discours émancipateurs, où la sorcière devient médiatrice avec le vivant, figure de résistance (au patriarcat et au capitalisme extractiviste), catalyseur de pratiques artistiques et pédagogiques. Cet enrichissement des émotions, des imaginaires et des savoirs implique également une conception de la nature qui outrepasse son statut d’objet d’inspiration pour lui conférer celui de partenaire intime dans l’invention et la création de formes. Dans nombre d’œuvres contemporaines, la sorcière est précisément la médiatrice de ce déplacement : figure située à l’interface entre humain et non‑humain, elle permet d’expérimenter des façons nouvelles d’entrer en relation avec le vivant. Autant de voies possibles d’enrichissement imaginaire, symbolique et cognitif de notre rapport à la nature, permettant de regarder le monde à travers les yeux d’autres êtres vivants, de relativiser la place de l’humain dans les écosystèmes, et de rappeler qu’il n’est qu’un maillon de la chaîne du vivant. Axes d’étude proposés Nous privilégierons les contributions qui abordent la figure de la sorcière, dans les littératures et dans les arts, selon les axes suivants :
Les approches méthodologiques pourront relever, par exemple, des perspectives sociocritique, écopoétique et écocritique, de l’anthropologie, de la philosophie ou des études de genre. Informations générales Ces journées d’étude se tiendront sur le campus de Pau (Université de Pau et des Pays de l’Adour). Elles constituent un volet du projet : « Sorcières : de la Marginalisation à la Réconciliation et à la Cohésion. Carrefour entre l'histoire sociale, la littérature, les arts et l'environnement » (2025-2026) - Alliance UNITA, Starting Grant « Sociétés inclusives ». Elles accueilleront notamment la photographe Judith Prat pour la projection de son documentaire Decían que era bruja (On disait d’elle que c’était une sorcière, 2023). Modalités de soumission Les propositions de communication, comportant un titre, un résumé (environ 400 mots) et une liste de 5 mots-clefs, sont à envoyer avant le 15 janvier 2026 à l’adresse : Merci de bien vouloir indiquer vos nom(s), prénom(s), coordonnées postales et électroniques, ainsi que votre institution de rattachement et de joindre une brève notice bio-bibliographique (6 à 8 lignes maximum) Les interventions pourront se faire en français, espagnol, anglais. Comité organisateur
Pour nourrir vos réflexions…
[1] Baptiste Morizot, Manières d'être vivant : Enquêtes sur la vie à travers nous, Paris, Actes Sud, Nature Mondes sauvages, 2020, p. 21. |
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| Lieu Université de Pau et des Pays de l'Adour | ||||||
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