XVe Colloque international du CRICCAL
Récits mémoriels et politiques contemporaines de la mémoire
en Amérique latine (1990-2015)
Fiction, non-fiction et pratiques politiques
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
17, 18 et 19 novembre 2016
Il semblerait que l'on puisse dater, approximativement, de la fin des années 80 ou du début des années 90, un certain changement de paradigme dans les rapports qu'entretient le sous-continent avec les événements qui en ont, de façon souvent tragique, marqué l'Histoire. Ces rapports avec l'Histoire ont donné et donnent lieu à des récits qui témoignent d'un intérêt mémoriel, autant de la part des institutions que de celle des individus ou des communautés. Nous considérerons comme récit toute construction mémorielle, toute « syntaxe » qui articule un discours en rapport avec des événements pouvant être considérés comme des marqueurs collectifs, quel qu'en soit le support ou les formes (du parcours muséal au témoignage ou à l'autofiction, sous forme écrite ou visuelle).
Si l'intérêt mémoriel semble s'étendre, à peu près à la même période, bien au-delà de l'Amérique latine (on se souviendra ainsi, pour la France, des travaux de Pierre Nora, de Paul Ricoeur, ou des controverses suscitées par la commémoration de la Révolution de 1789), depuis la fin des dictatures, dans le Cône sud, par exemple, peut-être aussi sous l'effet d'un certain reflux idéologique et de l'arrivée de nouvelles générations susceptibles de prendre en charge une mémoire, familiale ou nationale, émergent de nouveaux récits. Ces récits peuvent aussi bien emprunter de nouvelles voies, intégrer de nouveaux supports, rendus disponibles par les technologies actuelles.
Cette inquiétude mémorielle peut être mesurée à l'aune de l'époque qui l'a vue et la voit naître, en ce que celle-ci nous en apprend autant sur son propre rapport à la mémoire et à l'Histoire, qu'aux faits auxquels elle se réfère. La fin des grands récits, scandée par le post-modernisme, ou des futurs utopiques (Huyssen), n'a-t-il pas aussi une incidence sur ces constructions de la mémoire, la rendant moins injonctive, plus soumise aux aléas d'une identité morcelée ? Ou bien l'institutionnalisation de la mémoire, comme impératif, ne produit-elle pas des concrétions mémorielles qui, au delà d'un possible consensus civique, obligent aux déplacements des discours qui veulent continuer l'exploration d'un champ dont ils soutiendraient la conflictivité ou l'irréductibilité ?
C'est à l'analyse de ces stratégies mémorielles contemporaines qu'invite notre colloque, qui se place au carrefour même de l'historiographie et des expressions littéraires et artistiques. Quelles formes adoptent les récits mémoriels, quelles dynamiques les emportent, quel serait leur horizon éthique, quelles structures sociales ou psychiques y président ? Telles pourraient être quelques unes des questions posées par l'énoncé « Récits mémoriels et politiques contemporaines de la mémoire en Amérique latine ».
Parmi les axes qui pourraient être développés, nous vous proposons les suivants :
- 1- Les récits mémoriels : nous pourrions en explorer les frontières génériques (entre fiction et non fiction, autobiographie et autofiction, témoignage...), les régimes d'écriture, les figures énonciatives (comme celle de l'archiviste).
- 2-Discours et institutions : nous avons dit que la notion de « récit » engageait toute syntaxe mémorielle, aussi les « lieux de mémoire », les constructions urbaines ou muséales, par exemple, ou des textes comme ceux de la Comisión verdad y reconciliación, au Pérou ou au Chili, constitueront des objets d'observation privilégiés pour analyser les politiques mémorielles et les (contre)discours qu'elles engendrent.
- 3-Actes pour mémoire : dans le prolongement de l'axe antérieur, il s'agira de voir comment, en particulier dans l'espace public, des agents tentent de « faire mémoire », en particulier à travers de gestes artistiques-politiques.
- 4-Fonctions de la mémoire, éthique et politique : il s'agit de considérer une dimension essentielle du récit mémoriel, dans son incidence dans le champ du politique, par sa transmission, sa capacité « exemplaire » (Todorov). Les notions de justice et de réparation, mais aussi de fragilité (« trou de mémoire ») peuvent être convoquées dans cette interrogation sur les horizons politiques, sociaux, historiques et éthiques des récit mémoriels.
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