Ailleurs : dans un autre lieu. L’endroit où l’on n’est pas –d’où l’on n’est pas- trouve à se représenter en fonction de la perception d’un écart. Qu’elle précède ou non le déplacement « réel » vers un lieu étranger, la seule perspective de l’ailleurs confronte déjà celui qui l’évoque à l’espace de l’autre.
Mais l’histoire des hommes n’est pas faite que de voyages rêvés, projetés, recherchés. Des images d’actualité bouleversantes nous rendent de plus en plus présente cette réalité du départ obligé qui oriente les existences individuelles et détermine les destins collectifs. Ces déplacés ont en commun avec ceux qui dans divers âges de l’humanité ont vécu la proscription, la fuite obligée hors de leur lieu d’origine ou la détention au loin, de devoir faire l’expérience de l’ailleurs sans y avoir aspiré.
Comment se déroule dans ces conditions cette confrontation ? Nous nous proposons d’interroger les représentations du passage vers l’ailleurs, de la rencontre avec l’altérité, quand l’appréhension de cet ailleurs est indissociable, pour celui qui en rend compte, d’une réalité intimement douloureuse (fût-ce à cause d’une nécessité intériorisée), celle du départ malgré soi.
Dans la perspective de Paul Ricœur, le sujet qui se raconte lui-même se construit à l’épreuve de l’autre, à la fois par la distanciation que suppose le récit de soi et dans les multiples identifications/différenciations par lesquelles il se détermine. A travers cette notion d’« identité narrative » se rejoignent ainsi récit historique et récit fictionnel : « récits littéraires et histoires de vie, loin de s'exclure, se complètent, en dépit ou à la faveur de leur contraste. […] le récit fait partie de la vie avant de s'exiler de la vie dans l'écriture. » (Soi-même comme un autre, 1990).
L’étude pourra donc porter sur des témoignages d’exilés, de réfugiés, d’émigrés, des récits de captifs – récits de captivité historiques du XVIe au XVIIIe s., de part et d’autre de la Méditerranée ou en Amérique, relations de prisonniers de guerre aux XIXe-XX s. -, mais aussi sur des textes littéraires (roman, théâtre, voire poésie ou autres genres), empruntés à une large période, dans lesquels par le récit autobiographique d’un départ forcé, un individu entreprend de rendre compte de cette confrontation avec l’ailleurs et l’altérité.
On essaiera d’approcher les processus par lesquels l’ailleurs que l’on n’a pas forcément cherché, dans la douleur de l’éloignement contraint devient malgré tout constitutif de l’expérience de l’altérité ; également, de mettre en évidence ce qui se dit, dans ces récits, de la façon dont l’inévitable « déplacement de notre humanité » (Pierre Ouellet, L’esprit migrateur, 2003) peut ouvrir sur la nouvelle définition d’une identité toujours en mouvement, essentiellement plurielle.
Nous souhaitons que les échanges de cette journée puissent être mis en regard d’une autre séance d’études qui serait organisée en 2017 autour des « Discours de l’accueil –Paroles sur l’ ‘étrange étranger’ ».
Les propositions de communications (15 à 20 lignes accompagnées d’un titre et d’une brève présentation de l’auteur) sont à adresser pour le 15 juillet 2016 à Florence Clerc ().
http://celis.univ-bpclermont.fr/spip.php?article1305
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