« Menaces à la démocratie. Regards croisés sur la corruption, France-Espagne, XIXe-XXIe siècles. » |
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Menaces à la démocratie. Regards croisés sur la corruption, France-Espagne, XIXe-XXIe siècles.
Colloque international, 9 et 10 novembre 2023 Université Jean-Moulin Lyon 3 Ce colloque a pour objectif d’interroger la notion de corruption depuis une perspective pluridisciplinaire et comparée en mettant en regard des méthodologies, des approches et des expériences distinctes en France et en Espagne entre le XIXe et le XXIe siècle. Alors que l’Union Européenne est secouée par les scandales du Qatar et du Marocgate, la réflexion sur la corruption et les pratiques frauduleuses qui l’accompagnent sont d’une actualité brûlante. Et si la corruption est un phénomène permanent, son étude l’est tout autant, que l’on pense aux innombrables travaux publiés sur la question, comme aux récents actes du 1er Congreso Internacional sobre Historia de la Corrupción Política en la España contemporánea, publiées en 2018 (Ed. Marcial Pons), ou encore aux Cahiers Jaurès consacrés à la corruption en 2013 (n°209, 2013). Comme le rappellent Éric Alt et Élise Van Beneden, le Conseil de l’Europe estime que la corruption « constitue une menace pour la bonne gouvernance, pour un système judiciaire juste et social, elle fausse les cartes de la concurrence, met un frein au développement économique et elle met en danger la stabilité des institutions démocratiques et fondamentaux moraux de la société. » (GRECO, Conseil de l’Europe). Mais le seul terme de corruption ne peut suffire à englober sa réalité et les différents types de notions et délits qui s’y rattachent (Engels, 2019). Et qu’il s’agisse de corruption, de conflits d’intérêt, de trafic d’influence, détournements de fonds publics et autres abus de fonctions ou de biens publics, les « affaires » portées à la connaissance de l’opinion publique montrent bien à quel point les personnes qui occupent un poste à responsabilité ont tendance à abuser de leurs fonctions. Montesquieu l’évoquait déjà au XVIIIe siècle : « La démocratie et l’aristocratie ne sont point des États libres par leur nature. La liberté politique […] n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir ; mais c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. […] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Néanmoins, malgré les résolutions du Conseil de l’Europe, on ne peut que constater la facilité avec laquelle les élites dirigeantes contournent les normes, quand elles ne sont pas elles-mêmes à l’origine de normes dont elles sont les principales bénéficiaires (Pierre Lascoumes, 2022). Au XIXe siècle, les cas de corruption ont accompagné l’évolution de l’État moderne (Monier, 2016). La monarchie espagnole de l’époque n’était pas exempte de ce genre de pratiques comme en témoigne le scandale qui avait mis en lumière les pratiques de corruption et de trafic d’influence de la régente María Cristina de Borbón Dos Sicilias, veuve du roi Ferdinand VII, à des fins d’enrichissement personnel (López-Morell, 2022). Si la corruption politique et financière peut apparaître comme un épiphénomène dans l’Espagne de la Restauration (1875-1923) (M. Gemma Rubí i Casals, 2008), elle est structurelle sous le régime de Franco, comme en témoigne, par exemple, le scandale de Matesa en 1969. Pour le XXIe siècle, Manuel Villoria, de son côté, considère que la corruption en Espagne se produit surtout à l’échelle locale (Villoria, 2015), bien que les affaires qui paraissent dans la presse éclaboussent l’élite politique nationale, et jusqu’à la Maison du Roi. On pourra citer parmi tant d’autres les affaires Gürtel (2009), Bárcenas (2013) qui ont concerné le financement du Parti Populaire, ou encore l’affaire Noos (2010), dans laquelle était impliqué Iñaki Urdangarín, gendre du roi Juan Carlos I. En France, de nombreux travaux ont également montré la centralité de l’argent dans les affaires et la prédominance de la réussite sur toute autre considération d’ordre moral, comme en témoigne la phrase d’Octave Mirbeau : « Les affaires sont les affaires. » (Farouz-Chopin, 2003). Malgré l’essor de l’exigence de transparence depuis les années 1970, le secret reste de mise et la révélation d’ affaires de corruption, de trafic d’influence ou de détournements de fonds publics continuent d’apparaître dans la presse. Les affaires Bygmalion (2012), Kholer (2019) ou Dupont-Moretti (2021) en attestent, malgré la loi pour la confiance dans la vie politique de décembre 2017. Le secret, légitimé par le secret des affaires, une transparence de façade et un sentiment d’impunité allié à la faiblesse des sanctions participent également à la délégitimation et la décrédibilisation d’une classe politique qui peine à mobiliser une société méfiante. Si le taux d’abstention aux élections dans les deux pays illustre cruellement cette méfiance, les mobilisations de mai 2011 en Espagne autour du mouvement des Indignés, ont cristallisé cet éloignement des citoyens vis-à-vis de la classe politique, ce dont témoignent également les indices de perception de la corruption : en 2022, la France et l’Espagne se situaient respectivement à la 21ème et 35ème place du classement annuel mondial réalisé par l’ONG Transparency International. La défiance citoyenne, la transparence superficielle ainsi que la multiplication des affaires incitent à penser de nouvelles modalités de l’action politique citoyenne dans le cadre d’une contre-démocratie, telle que l’envisageait déjà Pierre Rosanvallon, en 2006. Parce que la corruption, et les délits qui y sont liés, constituent une violation de l’ordonnancement juridique et une atteinte à l’éthique et à la probité, elle remet en question et fragilise le système de valeurs sur lequel est fondée la démocratie. Penser la corruption implique donc nécessairement une réflexion sur des questions qui se trouvent au fondement de la démocratie contemporaine. Si au XIXème la littérature s’emparait du phénomène en faisant de l’argent mal acquis le moteur de l’action, tout au plus la corruption apparaît-elle au XXème siècle comme un thème transversal du roman noir et plus largement policier. En Espagne il faudra attendre la crise économique de 2008 pour que des romans prenant véritablement pour objet une corruption systémique et séculaire, bénéficient d’une couverture médiatique nationale. C’est le cas par exemple de Crematorio (2007), puis En la orilla (2013), de Rafael Chirbes, et de El Dorado (2008) de Juan Robert Cantavella, dans lesquels les descriptions du Levant espagnol portent les traces d’une corruption immobilière ordinaire qui affecte la construction et la transformation du paysage urbain. Néanmoins on pourrait relever que la corruption dans ces romans et les suivants se bornent le plus souvent aux frontières de la communauté Valencienne, des Baléares et de la principauté d’Andorre, comme s’il s’agissait d’un phénomène périphérique voire marginal. Enfin, du côté du journalisme, bien que les enquêtes, les chroniques, les articles d’opinion et les caricatures n’en finissent pas d’exposer les affaires les plus récentes et d’en dévoiler certains rouages, le nombre de médias qui dépendent d’intérêts industriels ou financiers ainsi que la mainmise de quelques groupes de presse sur l’information, interrogent sur le traitement médiatique des cas de corruption, à l’heure de la simplification et de l’uniformisation des contenus. L’idée n’est pas, loin de là, d’établir un recensement exhaustif des cas de corruption marquants sur la période et dans nos deux pays, mais plutôt de nourrir une réflexion historique, littéraire, journalistique, politique, juridique, sociologique, géographique ou philosophique. Les contributions pourront aussi bien s’inscrire dans une perspective diachronique ou synchronique, au sein de chaque pays, que dans une approche comparée entre les deux voisins pyrénéens, et ce autour des pistes de réflexion suivantes :
Modalités de soumission des propositions d’articles Les propositions de communication (titre, résumé et références bibliographiques) ne pourront excéder une page et seront accompagnées d’une brève bio-bibliographie comprenant le statut, l’établissement, le laboratoire de recherche ainsi que les principales publications récentes. Les propositions sont à adresser au plus tard le 15 mai 2023 à l’adresse : Les langues du colloque seront le français et l’espagnol. Coordination
Virginie Sudre, MCF, Université Lyon 3, IHRIM Marina Lesouef, professeure agrégée, docteure en études ibériques. Jules Rodrigues, professeur agrégé, docteur en études ibériques, ATER, Université Paul-Valéry Montpellier 3. Comité scientifique Florence Belmonte (Université Paul-Valéry, Montpellier) Pierre-Paul Grégorio (Université de Bourgogne, Dijon) Jacobo Llamas Martínez (Université de León) Oriol Luján Feliu (Université Autónoma, Barcelone) Frédéric Monier (Université d’Avignon) Alice Pantel-Cassagnaud (Université Jean-Moulin, Lyon) Manuelle Peloille (Université d’Angers) Maria Gemma Rubí i Casals (Université Autónoma, Barcelone) Denis Rodrigues (émérite, Université de Rennes) Nathalie Sagnes-Alem (Université Paul-Valéry, Montpellier) |
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Lieu Université Jean Moulin Lyon 3 | ||||||
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