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Variations sur l'outrance : esthétiques et expressions culturelles du trop aux XXème et XXIème siècles Télécharger au format iCal
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Jounées d'étude organisées par EHIC « Espaces Humains et Interactions Culturelles » (EA 1087, Université de Limoges), en partenariat avec l’École Doctorale n° 525 Lettres, Pensée, Arts et Histoire (Université de Limoges).

 

Présentation

« Rien de trop », pouvait-on lire sur le fronton du temple de Delphes, à côté de la fameuse sentence socratique « Connais-toi toi-même ». L’inscription pose le « trop », associé à l’idée de quantité, comme le dépassement répréhensible d’un degré convenable, de cette juste mesure dont Alain Brunn rappelle, dans son ouvrage Mesure et démesure, qu’elle est une vertu essentielle dans la pensée philosophique grecque. Il l’associe au concept grec d’hybris (« démesure », « violence injuste », « insolence », « absence de vergogne ») qui traduit ce qui excède l’homme : la démesure s’oppose, dans la conception sophistique, à l’honneur et à la justice, c’est-à-dire à la norme publique du comportement, puis, dans la pensée aristotélicienne, à la prudence, à la tempérance et au juste milieu. En d’autres termes, elle se définit comme une mauvaise proportion des choses, le bouleversement d’un ordre donné. L’excès et la démesure représentent par conséquent l’autre pôle d’une dialectique morale qui met en évidence le jugement négatif traditionnellement porté sur l’idée de trop-plein, de surplus : ils vont à l’encontre de la sagesse, en ce qu’ils sont la conséquence de la violence des passions humaines qui tendent naturellement à déborder l’individu. Dans un tout autre contexte, à l’époque baroque, les jugements suscités par les excès d’une esthétique opposant la profusion, l’exubérance et le mouvement à l’harmonie et à l’équilibre du classicisme, sont un autre exemple de ce regard réprobateur porté sur l’outrance : Eugenio D’Ors rappelle ainsi que de telles caractéristiques valurent au baroque d’être communément considéré comme un art décadent, « un style pathologique, une vague de monstruosité et de mauvais goût », en rupture avec la création académique, et sa recherche d’une posture stable et raisonnable.

L’ambition de la présente réflexion est précisément de débarrasser l’outrance des connotations péjoratives qui lui sont souvent attachées afin de tenter de faire apparaître sa valeur dans le champ esthétique. Difficile à saisir faute de contenu déterminé, l’outrance s’impose comme une expérience de la limite, ou – pour reprendre les mots de Magali Tirel – du « hors-limite », en ce qu’elle évoque nécessairement l’idée de transgression d’un seuil, dans le double sens physique et normatif du terme. Elle a aussi à voir avec l’excentricité, entendue dans le sens littéral d’écart, de ce qui échappe à la norme, et, par conséquent, avec la déviance et la marginalité. Le franchissement ou la déviation peuvent aller jusqu’à la subversion, voire à la destruction de l’ordre établi. C’est cette limite malmenée, outrepassée et/ou déformée, qu’il conviendra d’interroger, en tenant compte de la subjectivité inhérente à une notion qui n’a de cesse de se remodeler en fonction des époques et des publics, et constitue par là même un véritable marqueur de sensibilité. La bibliographie spécifiquement consacrée à ce sujet étant relativement réduite, notre objectif est de tenter de cerner les contours de l’outrance en la mettant en perspective, notamment, avec des notions similaires ou proches – l’excès, la démesure, le débordement, la distorsion –, mais aussi avec des concepts corollaires tels que le grotesque, la monstruosité ou l’obscène, par exemple. C’est une approche nécessairement plurielle du sujet qui s’impose, tant la variété des expériences que recouvre l’outrance est large : qu’elle soit érigée en écriture, en concept esthétique, ou bien reflète une posture sociale et/ou idéologique, individuelle ou collective, elle est une forme d’expression dont il importera d’examiner les modalités et les enjeux. Il s’agira d’explorer les multiples variations culturelles – littéraires, artistiques, linguistiques, sociales – de cette notion polymorphe en nous centrant chronologiquement sur les XXème et XXIème siècles. Le champ de la réflexion est ouvert à toutes les aires géographiques et cette dernière se nourrira de travaux menés en littérature (roman, théâtre, poésie…), en arts visuels (peinture, photographie, bande dessinée, cinéma…), en linguistique, ainsi qu’en sciences humaines et sociales. Ces échanges auront lieu dans le cadre de deux journées d’étude interdisciplinaires qui se tiendront respectivement le 29 janvier et le 8 avril 2016.

Les communications pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants :

- L’outrance comme rhétorique ou esthétique à part entière, présentant ses propres procédés et figures.

- L’outrance en tant qu’expérience du franchissement, du débordement : effacement ou réaffirmation d’une limite ?

- L’outrance en termes quantitatifs : notions de surcroît, d’excédent ; expressions de la profusion, de l’abondance ; déclinaisons de l'hyperbole.

- L’outrance comme déformation : mécanismes de l’exagération et de la caricature ; dépassement des codes de la représentation ; altération qui peut aller jusqu’au grotesque, voire au monstrueux.

- Expériences littéraires, visuelles et langagières audacieuses : bouleversement des hiérarchies et des conventions ; déconstruction de structures narratives, grammaticales, logiques ; mise à mal de systèmes normatifs dont l’outrance permet de pointer toute la relativité.

- Comportements sociaux outrepassant les limites d’une normalité qu’il conviendra d’interroger ; questions de la déviance, de la marginalité et de l’excentricité ; l’outrance comme reflet de la société ou de ses franges.

- Perturbation de l’ordre, violence : l’outrance comme instrument de contestation d’un pouvoir établi et forme de revendication.

Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive.

 

Suggestions bibliographiques

BERNAS, Steven & DAKHLIA, Jamil (dir.), Obscène, obscénités, Paris, L’Harmattan, 2008.

BRUNN, Alain (éd.), Mesure et démesure, Paris, Flammarion, 2003.

CLAIR, Jean, Hubris. La fabrique du monstre dans l’art moderne : homoncules, géants et acéphales, Paris, Gallimard, 2012.

HANICOT-BOURDIER, Sylvie, FOURTANÉ, Nicole & GUIRAUD, Michèle (dir.), Normes et déviances dans le monde luso-hispanophone, Nancy, Éditions Universitaires de Lorraine, Presses Universitaires de Nancy, 2013.

JIMÉNEZ, Marc (dir.), L’art dans tous ses extrêmes, Paris, Klincksieck, 2012.

KITAYAMA, Kenji, L’art, excès & frontières, Paris, L’Harmattan, 2014.

KRISTEVA, Julia, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection, Paris, Seuil, 1980.

PENJON, Jacqueline (dir.), Débordements : études sur l’excès, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, coll. « Cahier – Centre de recherche sur les pays lusophones », 2006.

ROSEN, Elisheva, Sur le grotesque : l’ancien et le nouveau dans la réflexion esthétique, Saint-Denis, Presses Universitaires de Saint-Denis, 1991.

ROSENKRANZ, Karl, Esthétique du laid (1853), Belval, Circé, 2004.

SAMOYAULT, Tiphaine, Excès du roman, Paris, M. Nadeau, 1999.

SEGUIN, Jean-Claude (dir.), L’Obscène, Université Lyon 2, Grimh-LCE-Grimia, 2006.

TIREL, Magali (sous la direction de François Dastur), Excès : points de vue sur l’énigme du hors-limite, thèse de doctorat en philosophie, Université Nice Sophia-Antipolis, 2003.

 

Envoi des propositions

Rédigées en français, les propositions de communication de 300 mots maximum comporteront un titre et seront accompagnées de mots-clés, de quelques références bibliographiques, ainsi que d’une présentation de l’auteur(e) de 5 à 10 lignes. Elles seront envoyées à , avant le 1er novembre 2015.

Acceptation des communications : 15 décembre 2015.

Une publication des actes de ces journées d’étude est envisagée.

Organisatrices :

Rocío González Naranjo, docteure de l'Université de Limoges et de la Universidad de Huelva, chercheuse associée à EHIC (EA 1087).

Diane Bracco, docteure de l’Université Paris 8, membre du Laboratoire d’Études Romanes (EA 4385).

Lieu Université de Limoges, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
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