« Traducir es dialogar, comunicar culturas, dar vida a nuevos textos, asumir la alteridad, leer de manera idónea, es decir entregar a los textos el amor minucioso que ellos nos piden », écrit le poète et traducteur Andrés Sánchez Robayna.
Cet atelier s’inscrit dans la réflexion que nous avons commencé à mener en 2014 lors du séminaire « Penser la traduction » (4 séances : 24/01/14, 21/02/14, 28/03/14 et 25/04/14). Il devait permettre d’aborder la traduction dans des espaces géographiques et linguistiques différents ainsi qu’à des époques diverses, dans une réflexion ouverte aux apports de l’interdisciplinarité. La traduction en tant qu’activité complexe et multiforme suscite l’intérêt de chercheurs et de spécialistes dans des domaines aussi divers que la linguistique textuelle, la psycholinguistique, l’analyse du discours, la littérature, l’histoire des idées et de la culture. Au cours des dernières décennies, les études sur la traduction en tant qu’activité (la traduction est une médiation), en tant que résultat (critique des traductions) mais aussi en tant que réflexion sur les discours qu’elle génère, occupent une position de moins en moins marginale et circonscrivent un champ d’étude à part entière. Dans ce champ de recherche, il s’agit de penser la traduction non pas en fonction de critères préétablis par une autre discipline mais en fonction de la spécificité qui est la sienne.
Il s’agit désormais d’approfondir la réflexion théorique par une approche concrète de la traduction et un échange pédagogique. C’est cette perspective que nous nous proposons d’explorer dans un atelier de traduction ouvert à des doctorants français et espagnols à L’Ecole des Hautes Etudes hispaniques et ibériques – Casa de Velázquez avec la participation de traducteurs, d’auteurs, de musiciens.
Un travail collectif sera proposé sur un ensemble de textes de la même auteure, Clara Janès, poète, essayiste et traductrice de renom, qui est intervenue lors du séminaire « Penser la traduction » au printemps 2014. Une sélection de poésies et d’extraits d’un essai, La vida callada de Federico Mompou, qui traitent des liens philosophiques et créatifs entre essai, poésie et musique, feront l’objet d’une réflexion et d’une discussion autour des différentes propositions de traduction. L’exercice proposé est le commentaire de l’original qui s’accompagne d’une analyse de sa traduction ou de ses traductions. Ce commentaire, qui implique de travailler sur l’original et sur sa traduction, donne accès à la fois à la langue de l’original et au propre travail traductif. Il implique aussi une lecture exigeante et particulière : une lecture qui implique que la traduction retrouve non seulement la pensée de la langue mais aussi celle de la littérature.
Cet atelier, au cours duquel Clara Janès sera présente, est prévu sur trois jours : les matinées seront consacrées à des conférences méthodologiques et réflexives sur la traduction et l’intermédialité (poésie, musique et essai). Les après-midi seront quant à elles dédiées à des séances de commentaires de traduction avec les étudiants (les doctorants sélectionnés auront reçu au printemps 2015 une série de textes à traduire). Un récital de piano sera également organisé à la Casa de Velázquez, grâce à la participation de la pianiste Nicole Eysseric.
Au cours des trois journées consacrées à la réflexion et à la discussion autour de textes traduits, il s’agira de montrer que les traductions ne doivent pas être l’objet d’une critique négative qui se résume trop souvent à une comptabilité dévalorisante des « pertes » et des gains » mais une critique positive qui considère résolument le texte traduit comme un texte à part entière. Dans ce cas la visée de la traduction est de conférer à l’œuvre traduite autonomie et durabilité. Comme il existe une critique des textes, il doit exister une critique des « traductions-textes » pour reprendre l’expression d’Henri Meschonnic.
Cette traduction-texte présuppose plusieurs facteurs qui accompagnent toute réflexion sur le traduire : la position traductive, c’est-à-dire la manière dont le traducteur conçoit la traduction et la réalise ; son projet de traduction qui établit la manière dont il traduit ; et l’horizon du traducteur, à savoir l’ensemble des paramètres langagiers, littéraires, culturels et historiques qui « déterminent le sentir, le penser et l’agir du traducteur » (Berman).
D’un point de vue interculturel, l’analyse de la traduction à ces trois niveaux permet de relativiser les choix et les résultats car, au sein d’une même époque, peuvent coexister plusieurs modes de traduction. La traduction-texte permet également d’envisager d’autres aspects culturels essentiels pour le travail de traduction. D’abord celui de la traduisibilité d’une œuvre. Quelle que puisse être la diversité des œuvre ou des types d’œuvres, la traduisibilité est une structure qui leur est commune à toutes. Cette traduisibilité se module infiniment et c’est ce qui nous intéresse dans le travail collectif de traduction : comment se manifestent les « résistances » à la traduction dans une œuvre ? Comment se manifestent la traduisibilité linguistique et la traduisibilité littéraire ?
Il nous semble important d’insister sur un deuxième aspect, essentiel d’un point de vue épistémologique pour nos jeunes doctorants : tout discours sur la traduction ne peut ni la régir, ni la déterminer : tout au plus l’orienter. Il existe des principes régulateurs mais ces principes ne constituent pas une méthode donnée une fois pour toutes. En effet le discours sur la traduction cesse d’être une méthode parce que se posent les questions de sa finalité (pourquoi la traduction) et de son objet (que traduit-on ou doit-on traduire ?). Il nous semble fécond à ce stade de reprendre les réflexions suscitées par l’essai de Walter Benjamin, La tâche du traducteur, et son commentaire par Antoine Berman : le discours traditionnel sur la traduction est fondamentalement méthodologique. Or il existe un écart, une tension, entre ce discours et l’expérience pratique : entre l’espace du principe et l’acte de traduire il existe « un obscur espace de choix où interviennent la subjectivité et l’inconscient. Le discours ne peut toucher ni à cet espace, ni explorer cette région où la traduction s’est accomplie dans ses mouvements essentiels » (Berman).
Il conviendra donc au cours de cet atelier de tenter de saisir de l’intérieur cette tâche de la traduction et se placer dans l’approche d’une analytique de la traduction : repérer les systèmes de déformation qui opèrent, parfois inconsciemment au niveau de ses choix linguistiques et littéraires. Ce travail d’analyse pluriel (s’exerçant sur plusieurs textes sur des traductions diverses et avec des traducteurs différents) constitue une pratique ouverte, avec une critique des traductions parallèle et complémentaire à la critique des textes. Si la critique des traductions est une forme sui generis de critique, c’est parce qu’elle rend manifestes, parce qu’elle dévoile les structures cachées du texte, en déploie tous les plis.
BULLETIN D'INSCRIPTION A TELECHARGER ET A RENVOYER AVANT LE 15 SEPTEMBRE 2015, DISPONIBLE SUR LE SITE DE LA CASA DE VELAZQUEZ :
https://www.casadevelazquez.org/accueil/calendrier-des-activites/recherche-scientifique/news/atelier-doctoral-de-traduction/
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