Souvent invisibles, souvent cantonnées au rôle de muses ou de modèles, souvent ignorées comme le fut longtemps Camille Claudel, les femmes peinent à s’insérer dans un univers créatif résolument masculin. Cependant, au cours du XXème siècle, l’artiste féminine sort de l’ombre, se donne à voir, mais donne surtout à voir ses créations, en s’installant définitivement comme une et entière dans le paysage artistique. Appel scopique ? Revendication d’une identité longtemps bafouée et aujourd’hui encore malmenée ou fragmentée? L’image ou la mise en image du corps à travers la performance filmée ou éphémère sont les mediums souvent utilisés par la femme pour lui permettre de prendre forme, d’exercer sa voix et de faire sens.
Dès lors, les femmes s’imposent sur une scène artistique qu’elles s’approprient et bouleversent. Le regard esthétique, ontologique, politique qu’elles portent sur le monde qui les entoure trouve son expression dans la courbe énergique d’une sculpture ou l’impact d’une vidéo. Les femmes artistes déconstruisent et fragmentent avec finesse, et le plus souvent avec humour, - comme Esther Ferrer avec la photographie, la performance, les installations -, un quotidien dans lequel elles ont trop longtemps été reléguées. De la France à l’Espagne, de Cuba à la Chine, pour lutter contre le cloisonnement artistique et une forme d’enfermement, les femmes envahissent l’espace public par le biais du street art (Bastardilla, BToy, Nuria Mora) ou de performances. Elles se réapproprient le corps, comme Ana Mendieta, dans un désir de réflexion sur la vie, la mort, les traditions. Elles détournent et exposent cet objet du désir (ainsi que le font Regina José Galindo ou Diana Juana Torres) en une provocation non pas outrancière mais porteuse de sens : donner à voir ce qui est caché, exposer la sexualité pour forcer à regarder, dans un acte de sur-visibilité, ce qui a été trop longtemps nié ou réprouvé.
De l’invisibilité à la sur-visibilité, comment donc appréhender, non pas un art féminin, mais une création au féminin ? Comment l’image statique ou mouvante, pérenne ou éphémère permet-elle de fixer la beauté et la violence, de construire une acceptation ou un rejet, de faire entendre une voix trop longtemps étouffée?
PROGRAMME
9h00 : Accueil des participants et ouverture de la journée
Image de soi, image de l’art
9h15 : Anne-Laure Vernet, université de Lorraine : Des femmes en art : forces et écueils d’une illégitimité subversive
9h40 : Martine Heredia, Crimic Paris-IV : Image de soi et métamorphoses : les portraits revisités d’Esther Ferrer
10h05 : Jacques Terrasa, université de Paris-IV : La part des anges, installation d’Esther Ferrer : quand l’œuvre ne tient qu’à un fil
10 :25-11 :00: Discussion suivie d’une pause
Autour d’Esther Ferrer
11h00-12h00 : Rencontre et entretien avec Esther Ferrer (table ronde animée par Martine Heredia, Isabelle Prat et Jacques Terrasa)
S’approprier l’espace public
14h00 : Anne Puech, université d’Angers : Projections picturales du féminin sur les murs de l'espace public. Le travail de rue de Bastardilla (Bogotá), de Btoy (Barcelone) et de Nuria Mora (Madrid).
14h25 : Renée Clémentine Lucien, université de Paris-IV : Les performances d'Ana Mendieta, variations autour d'un / de mon corps.
14h50 : Juan Carlos Baeza Soto, université de Cergy-Pontoise : Regina José Galindo (Guatemala, 1974), performance et nettoyage social : la plaie et le couteau de l'Histoire
15h15-15h45 : Discussion suivie d’une pause
Faire prendre corps au politique
15h45 : Shiyan Li, université d’Aix-Marseille : À partir de deux coups de feu historiques – la performance féminine dans l’art contemporain chinois
16h10 : Karine Bergès, université de Cergy-Pontoise : Sexualités dissidentes et performance transféministe: le "pornoterrorisme" de Diana J. Torres
16h35 : Discussion
17h00 : Clôture de la journée par Isabelle Prat et Jacques Terrasa
Cette journée d’étude du Réseau d’études visuelles hispaniques (Universités de Cergy-Pontoise, Paris-Sorbonne, Paris 8-Vincennes-Saint-Denis), en partenariat avec le musée Rodin, s’inscrit dans le cadre du séminaire « Image Complexe et Culture Visuelle » de l’axe « Patrimoines » du laboratoire AGORA (Université de Cergy Pontoise) et de l’axe Arts Visuels de l’équipe d’accueil CRIMIC (Université Paris-Sorbonne). Elle a reçu le soutien de la Fondation des Sciences du Patrimoine (LabEx Patrima).
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