Congrès, colloques et journées

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Mémoires et imaginaires de l’événement dans les littératures hispano-américaines

 Jeudi 20 et vendredi 21 novembre 2025  -  Université de Strasbourg

L’événement n’est pas ce qu’on peut voir ou savoir de lui, mais ce qu’il devient (et d’abord pour nous).

Michel de Certeau

 

​​Proposer de faire le lien entre mémoire et imaginaire peut sembler contradictoire a priori dans la mesure où la mémoire suppose un ancrage au réel et au passé qui se manifeste par des actions concrètes telles que la commémoration d’événements historiques et la remémoration personnelle et intime des faits (Déchaux 1997). Toutefois, la littérature et les arts racontent l’événement en entremêlant la mémoire — références historiques, témoignage, biographie, etc. — à l’imaginaire qui fictionnalise cette réalité.

Si l’on considère la définition de l’événement, la première acception est, selon le dictionnaire de l’Académie française, un « fait auquel aboutit une situation », un fait acté au passé comme conséquence d’une succession d’actions. De façon plus générale, l’événement serait « tout ce qui se produit », dans le sillage de l’étymologie latine evenire : « arriver, se produire ». Dans le cadre des littératures hispano-américaines, la définition qui nous intéresse est l’événement en tant que fait passé pensé et repensé comme cause du présent, de même que la dernière acception : « fait d’une importance notable pour un individu ou une communauté humaine », car elles impliquent la mémoire, les mémoires individuelles et collectives qui vont représenter l’événement, souvent traumatique en Amérique latine ainsi qu’en témoignent les désastres qui se sont déroulés dans les années 1970 et 1980 (dictatures, guerres civiles, génocide au Guatemala, etc.) et qui inspirent d’ailleurs les littératures et les arts contemporains : dans les littératures hispano-américaines, qui empruntent bien souvent au contexte historique ou sociopolitique, les ouvrages proposant à leur façon une mémoire de l’événement ne manquent pas.

Mais, nous le savons, la mémoire est incomplète, sélective et subjective, constituée de trouées et elle tend à oublier les traumas, dans une tentative d’auto-préservation qui nie ou déforme l’événement. En se basant sur la théorie psychanalytique, Mark Fisher explique que l’inconscient permet à l’être humain de se cacher des choses à lui-même, de sorte que l’homme est en même temps sujet qui cache et objet à qui quelque chose est caché (2018 : 88). Le « trou de mémoire » faisant partie de la psyché humaine, la mémoire devient une « représentation mentale » du passé, « reconstruite ou reconstituée » (Rousso 1998 : 16-17). En d’autres termes, le souvenir est un récit, ce qui explique peut-être que l’imaginaire serve d’outil à l’écriture et à la mémoire partagée, et qu’il produise un « effet cathartique » (Dornier et Dulong 2005, XVII).

La littérature crée un pacte entre l’écrivain et le lecteur, le destinateur et un destinataire disposé à lire le récit proposé, et si l’événement est éloigné de la réalité du lecteur, c’est l’imaginaire de ce dernier qui lui permet de s’immerger dans le récit de l’écrivain. « Pour savoir, il faut s’imaginer », écrit Georges Didi-Huberman à propos d’une exposition de photographies d’Auschwitz (2003 : 11). Il rejette l’idée d’événement inimaginable, car s’imaginer est un devoir aussi nécessaire que celui du « devoir de mémoire » (Ricœur 2000) qui répond au besoin de résister et d’informer. Raconter l’événement en littérature revient à exprimer (comme la photographie) une mémoire qui, quoique “figée” dans le passé, fait retour dans le présent au moyen de l’imaginaire.

Dans le contexte post-dictatorial chilien, par exemple, le gouvernement de la transition démocratique a favorisé une politique de l’oubli, justifiant la censure des mémoires individuelles par une prétendue volonté de pardonner afin d’avancer. L’absence de témoignages, empêchés par les instances au pouvoir, a entravé la transmission d’informations officielles aux nouvelles générations ayant hérité d’un passé traumatique que Marianne Hirsch nomme la « postmémoire » (2014 : 205). Ces nouvelles générations en « mal de vérité » (Coquio 2015), victimes du silence étatique, ont cherché à retrouver ces mémoires de la dictature absentes des instances officielles dans le but de reconfigurer et de recréer une mémoire collective.

Recréer une mémoire de l’événement, absente mais non oubliée, revient donc, pour les générations qui n’ont pas vécu l’horreur mais qui reçoivent ces souvenirs épars partagés par les victimes, à introduire une part d’imaginaire. Cette « mise en récit » de l’histoire (Ricœur 1985) dans la littérature écrite par ces générations de la postmémoire laisse voir une volonté politique de changement – combat contre la politique de l’oubli, récupération d’une mémoire, demande de justice pour les victimes de la dictature. L’utilisation du témoignage, notamment dans le théâtre actuel hispano-américain, influencé par les théories de Peter Weiss sur le théâtre documentaire (2000), n’implique pas seulement un travail de documentation historique ou la parole d’anciennes victimes, mais également un jeu avec la fiction dramatique, qui devient alors, à sa manière, un véritable lieu de mémoire.

Cela a pour objectif d’émouvoir le lecteur et/ou le spectateur, de solliciter son imaginaire pour le replonger dans les souffrances des victimes et lui faire parvenir ainsi un message de politique du changement qui favoriserait une mémoire collective et nationale reconnaissant les horreurs de la dictature. Cet héritage d’une mémoire ou d’un traumatisme gardé sous silence – on songe à la « crypte » de Torok et Abraham (1978 : 266) – suppose d’analyser également la relation qu’entretiennent le partage de cette mémoire dans la sphère familiale et la perception qu’en a le destinataire, puisque, comme l’explique Régine Robin dans La mémoire saturée, il est impossible de distinguer la fiction et la réalité dans les souvenirs partagés par son père, tant les histoires qu’il racontait sur son passé ont construit le mythe du père qu’elle connaît et qu’elle imagine aujourd’hui : « Cette histoire, je l’ai entendue cent fois, mille fois. Elle appartient à mon légendaire familial. Quand j’étais petite, je l’avais cependant remaniée à ma façon – à moins que, déjà, les récits de mon père… » (2003 : 10) ; on a là une mythification ou une héroïsation connues des récits partagés dans les familles.

Le trauma, même refoulé ou tu, s’immisce dans le quotidien de celui ou ceux qui en souffrent, que ce soit de façon individuelle ou collective. Face à l’événement, la crise sociale se reflète également dans la sphère privée. L’incommunication, le tabou et l’héritage tronqué peuvent donner lieu à des littératures explorant la crise de la famille. C’est ainsi que des « manchas temáticas » (thématiques ou tâches récurrentes) imprègnent les récits. La théoricienne Elsa Drucaroff affirme, par exemple, que les productions littéraires écrites en Argentine par les nouvelles générations de la post-dictature (la génération Hijos) tournent souvent autour d’un noyau commun : le trauma de la dernière dictature argentine. Les pages sont alors habitées par des personnages incapables d’entrer en relation avec les autres, soumis à l’immobilisme et à l’apathie, ayant des relations familiales conflictuelles ou concevant même un imaginaire infanticide. L’espace de la maison, lieu de l’intimité qui « gard[e] les trésors des jours anciens » (Bachelard 1961 : 33), devient épicentre de la crise : la maison n’est plus réceptacle du souvenir mais peut se transformer en espace menaçant.

 C’est ainsi qu’une esthétique de la terreur peut apparaître, qui propose des outils intéressants pour exprimer l’horreur et le trauma : la maison hantée comme symbole des centres clandestins de détention dans les récits de Mariana Enriquez est un des exemples illustrant la manière dont l’imaginaire offre de puissants symboles pour remémorer ou réécrire l’événement, et lui faire face. À cet égard, Enriquez rapporte un besoin saisissant chez les écrivains et écrivaines hispano-américains actuels, de « encontrar otra poética, de tocar nuestras realidades, ya que los géneros más tradicionales y hegemónicos no nos alcanzan, no nos sirven » (2021 s.p.).

Il est clair qu’une tendance actuelle se profile parmi ces écrivains qui, en opposition aux écrits davantage “solennels” qui suivent les fins des dictatures, explorent et proposent des poétiques éloignées du réalisme, les considérant plus efficaces pour dire le trauma (Gatti 2011). Ainsi les narrations hispano-américaines des dernières décennies font-elles la part belle aux littératures de l’imaginaire tout en questionnant l’histoire, exploitant les nombreuses possibilités des genres non mimétiques (le fantastique, la terreur, l’insolite, le merveilleux…) et du langage qui les caractérise, souvent mystérieux, “silencieux”, fragmentaire, désobéissant.  

Rappelons-nous des mots de Maurice Blanchot : « Quand tout est dit, ce qui reste à dire est le désastre, ruine de parole, défaillance par l’écriture, rumeur qui murmure : ce qui reste sans reste » (1980 : 58). Si cet écrivain explique que, face à l’impossibilité de dire, l’écriture du désastre abandonne le souhait de témoigner pour n’être plus que le lieu où le désastre se manifeste, cette exploration au sein de l’imaginaire et du langage ne serait-elle pas précisément l’exploration du désastre même ?

Si les auteurs ne délaissent aucunement l’autobiographie et les récits réalistes, ou quoique les littératures de l’imaginaire ne se détournent pas d’une forme de dénonciation politique – nombre d’écrivains en témoignent tout au long du XXe siècle en Amérique latine – , on pourra toutefois questionner les tendances et étudier les tensions entre les générations d’écrivains, certains privilégiant des outils différents, dans le but de contester des modes d’expression qu’ils considèrent dépassés ou avec l’intention de récupérer des codes de la tradition pour mieux réélaborer l’expérience – directe ou indirecte – de l’événement.  

Axes possibles :

  • Approches théoriques sur le lien entre l’imaginaire et l’événement dans les littératures hispano-américaines
  • Nouvelles tonalités, nouveaux langages pour explorer le lien avec la mémoire : l’ironie, le silence, l’illisibilité, l’irreprésentable, l’inimaginable…
  • Réutilisation ou rénovation d’esthétiques non réalistes pour élaborer des écrits en lien avec l’événement (fantastique, terreur, gothique, merveilleux, fantasy…)
  • Thématiques récurrentes ou communes à plusieurs écrivains
  • Mise en fiction de la crise comme conséquence de l’événement : famille en crise, crise du langage, crise de l’identité…
  • Lieux de mémoire, l’événement au travers de l’espace (la maison, l’école, la campagne, etc.)
  • Écriture de l’événement depuis une perspective politique, féministe, etc.
  • Études comparatives : chronologies de l’écriture de l’événement

Les propositions de communications inédites porteront sur le roman, la nouvelle, la poésie, le théâtre, voire l’autofiction, avec un intérêt particulier, mais pas exclusif, pour les écrits contemporains.

Le résumé, d’une dizaine de lignes environ, en français ou en espagnol, sera adressé avant le 31 mars 2025 à Nathalie Besse, Clara Siminiani et Julie Martz : , ,

Le résumé sera accompagné de :

  • 4-5 mots-clef
  • l’établissement de rattachement et le mail professionnel
  • une notice bio-bibliographique de 5 lignes

Une réponse sera donnée fin avril.

Frais d’inscription : 20 euros

Les frais de transport et d’hébergement seront assumés par les participants.

Bibliographie

Abraham, Nicolas et Torok, Maria, (1978), L’écorce et le noyau, Paris, Flammarion.

Bachelard, Gaston (1961), La poétique de l’espace, Paris, Presses Universitaires de France.

Blanchot, Maurice (1980), L’ écriture du désastre, Paris, Gallimard.

Coquiot, Catherine (2015), Le mal de vérité ou l’utopie de la mémoire, Paris, Armand Colin.

De Certeau, Michel (1994), La prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Le Seuil.

Déchaux, Jean-Hugues (1997), Le souvenir des morts : essai sur le lien de filiation, Paris, Presses Universitaires de France.

Didi-Huberman, Georges (2003), Images malgré tout, Paris, Minuit.

Dornier, Carole et Dulong, Renaud (dir.) (2005), L’Esthétique du témoignage, Actes du colloque tenu à la Maison de la Recherche en Sciences humaines de Caen du 18 au 21 mars 2004, Caen, Editions de la Maison des sciences de l’homme.

Drucaroff, Elsa (2011), Los prisioneros de la torre: política, relatos y jóvenes en la postdictadura, Buenos Aires, Emecé.

Enriquez, Mariana (2021), Mariana Enriquez. Visiones del horror en la literatura hispanoamericana, interview réalisé par le Seminario de Investigación Poéticas de lo Inquietante.

Fisher, Mark (2018), Lo raro y lo espeluznante, Barcelona, Alpha Decay.

Gatti, Gabriel (2011), Identidades desaparecidas. Peleas por el sentido en los mundos de la desaparición forzada, Buenos Aires, Prometeo Libros.

Hirsch, Marianne (2014), “Postmémoire”, Témoigner. Entre histoire et mémoire, n°118.

Jelín, Elizabeth (2012), Los trabajos de la memoria, 2002, segunda edición: Instituto de Estudios Peruanos, Lima.

Nora, Pierre (1984), Les lieux de mémoire, I, La République, Gallimard.

Ricœur, Paul (1985), Temps et Récit, Paris, Seuil.

--------------- (2000), La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil.

Robin, Régine (2003), La mémoire saturée, Stock.

Rousso, Henri (1998), La hantise du passé, Les éditions Textuel, Paris.

Weiss, Peter (2000), L’Instruction, 1965, L’Arche, traduction de l’allemand par Jean Baudrillard.

 

Memorias e imaginarios del acontecimiento en las literaturas hispanoamericanas

Jueves 20 y viernes 21 de noviembre de 2025  -  Universidad de Estrasburgo

L’événement n’est pas ce qu’on peut voir ou savoir de lui, mais ce qu’il devient (et d’abord pour nous).

Michel de Certeau

 

Proponer un vínculo entre memoria e imaginario puede parecer a priori contradictorio, en la medida en que la memoria presupone un anclaje en la realidad y el pasado, que se manifiesta en acciones concretas como la conmemoración de acontecimientos históricos y el recuerdo personal e íntimo de los hechos (Déchaux 1997). Sin embargo, la literatura y las artes narran el acontecimiento entrelazando la memoria –referencias históricas, testimonios, biografía, etc.– con lo imaginario, que ficcionaliza el acontecimiento.

Si nos atenemos a la definición del acontecimiento, la primera acepción es, según el diccionario de la Academia Francesa, la de un «hecho al que conduce una situación»; un suceso del pasado que es consecuencia de una sucesión de acciones. De forma más general, un acontecimiento es «cualquier cosa que sucede», en la estela de la etimología latina evenire: «suceder, producirse». En el contexto de la literatura hispanoamericana, la definición que nos interesa es la de acontecimiento como hecho pasado en tanto que causa del presente, así como «hecho o suceso, especialmente cuando reviste cierta importancia». Este enfoque implica la intervención de la memoria, así como de los recuerdos individuales y colectivos que representan el acontecimiento, a menudo traumático en América Latina, como lo demuestran las catástrofes que se desarrollaron en los años setenta y ochenta (dictaduras, guerras civiles, genocidio en Guatemala, etc.) y que también han inspirado la literatura y el arte contemporáneos.

Pero, como es bien sabido, la memoria es incompleta, selectiva y subjetiva, está llena de lagunas y tiende a olvidar los traumas en un constante intento de auto-conservación que niega o distorsiona el acontecimiento. Basándose en la teoría psicoanalítica, Mark Fisher explica que el inconsciente permite a los seres humanos ocultarse cosas a sí mismos, de modo que los humanos son tanto sujetos que ocultan como objetos a los que se les oculta algo (2018: 88). Dado que el «trou de mémoire» forma parte de la psique humana, la memoria se convierte en una representación mental del pasado, reconstruida o reconstituida (Rousso 1998: 16-17). En otras palabras, la memoria es un relato, lo que quizá explique por qué el imaginario sirve de herramienta para la escritura y la memoria compartida, y por qué produce un «efecto catártico» (Dornier y Dulong 2005: XVII).

La literatura crea un pacto entre el escritor y el lector, el emisor y un destinatario dispuesto a entrar en la narración propuesta; la imaginación del lector será la encargada de sumergirlo en la historia, por muy alejada que esté de su realidad. «Pour savoir, il faut s’imaginer», escribe Georges Didi-Huberman a propósito de una exposición de fotografías de Auschwitz (2003: 11). Rechaza la idea de un acontecimiento inimaginable, porque imaginar es un deber tan necesario como el deber de memoria (Ricœur 2000), que responde a la necesidad de resistir e informar. Narrar el acontecimiento es expresar un recuerdo traído de vuelta al presente a través del imaginario.

En el contexto de la postdictadura en Chile, por ejemplo, el gobierno de la transición democrática fomentó una política del olvido, justificando la censura de los recuerdos individuales debido a una supuesta voluntad de perdonar para seguir adelante. La ausencia de testimonios, impedidos por los gobernantes, dificultó la transmisión de información a las nuevas generaciones herederas de un pasado traumático que Marianne Hirsch denomina «posmemoria» (2014: 205). Estas nuevas generaciones «en mal de vérité» (Coquio 2015), víctimas del silencio estatal, intentaron desenterrar estos recuerdos ausentes con el objetivo de reconfigurar y recrear una memoria colectiva.

Recrear una memoria del acontecimiento, ausente pero no olvidada, implica introducir elementos del imaginario para las generaciones que no vivieron el horror pero que reciben estos recuerdos dispersos compartidos por las víctimas. Esta «puesta en relato» de la historia (Ricœur 1985) en la literatura escrita por estas generaciones de la posmemoria demuestra una voluntad política de cambio: se trata de luchar contra la política del olvido, de recuperar de una memoria, de exigir justicia para las víctimas de la dictadura.

La utilización de testimonios, en particular en el teatro hispanoamericano contemporáneo – influenciado por las teorías de Peter Weiss sobre el teatro documental (2000)– implica no solo cierta documentación histórica o la intervención del recuerdo de las víctimas, sino también un juego con la ficción dramática, que se convierte entonces, a su manera, en un verdadero espacio de memoria.

El objetivo es conmover al lector y/o espectador, estimular su imaginación y sumergirlo de nuevo en el sufrimiento de las víctimas, conformando un mensaje subversivo que fomente la memoria colectiva al reconocer los horrores de la dictadura. Esta herencia de un recuerdo traumático secreto –pensemos en la cripta de Torok y Abraham (1978: 266)– también supone analizar la relación entre la puesta en común de este recuerdo en el ámbito familiar y la percepción que de él tiene el destinatario. Como explica Régine Robin en La mémoire saturée, a la autora le es imposible distinguir entre ficción y realidad en los recuerdos compartidos por su padre, hasta el punto de que las historias que contaba sobre su pasado formaron el mito del padre que ella conoce e imagina hoy: «Cette histoire, je l’ai entendue cent fois, mille fois. Elle appartient à mon légendaire familial. Quand j’étais petite, je l’avais cependant remaniée à ma façon – à moins que, déjà, les récits de mon père… (2003: 10)».

El trauma, incluso reprimido o silenciado, pasa entonces a formar parte de la vida cotidiana de quienes lo sufren, ya sea en la esfera individual o colectiva. Ante el acontecimiento, la crisis social se refleja también en el ámbito familiar. La incomunicación, el tabú y la herencia truncada dan lugar a narrativas que exploran la crisis de la familia. De este modo, las «manchas temáticas» en torno a la memoria impregnan las narraciones. La teórica Elsa Drucaroff sostiene, por ejemplo, que las producciones literarias escritas en Argentina por las nuevas generaciones posteriores a la dictadura (la generación Hijos) suelen girar en torno a un núcleo común: el trauma de la última dictadura argentina. Las páginas están habitadas por personajes incapaces de relacionarse con los demás, sometidos al inmovilismo y la apatía, personajes cuyas relaciones familiares son conflictivas y pueden llegar hasta la violencia del infanticidio. El espacio de la casa, lugar de intimidad que «gard[e] les trésors des jours anciens» (Bachelard 1961: 33), se convierte en el epicentro de la crisis: la casa ya no es un acogedor receptáculo de recuerdos, sino todo lo contrario al transformarse en un espacio amenazador.

Es así como surgen distintas estéticas del terror que ofrecen interesantes herramientas para expresar el horror y el trauma: la casa encantada como símbolo de los centros clandestinos de detención en los relatos de Mariana Enriquez es un ejemplo de cómo el imaginario ofrece poderosos símbolos para recordar o reescribir el acontecimiento. De hecho, la propia Enriquez pone de relieve una creciente necesidad entre los escritores hispanoamericanos actuales de «encontrar otra poética, de tocar nuestras realidades, ya que los géneros más tradicionales y hegemónicos no nos alcanzan, no nos sirven» (2021 s.p.). Es evidente que entre estos escritores surge una tendencia actual que, en oposición a obras más «solemnes» que siguen al fin de las dictaduras, exploran y proponen poéticas alejadas del realismo, por considerarlas más eficaces para expresar el trauma (Gatti 2011). De este modo, en la literatura hispanoamericana de las últimas décadas, han cobrado protagonismo las narrativas no miméticas. Lejos de la evasión, dichas narrativas cuestionan el suceso histórico, explorando las múltiples posibilidades de los géneros de lo insólito (lo fantástico, lo maravilloso, la ciencia ficción, etc.) y del lenguaje que los caracteriza, a menudo misterioso y desobediente, y que utiliza el silencio y el fragmento. Recordemos las palabras de Maurice Blanchot: «Quand tout est dit, ce qui reste à dire est le désastre, ruine de parole, défaillance par l’écriture, rumeur qui murmure : ce qui reste sans reste» (1980: 58). Blanchot explica que, ante la imposibilidad de decir, la escritura del desastre abandona la representación testimonial y se convierte en lugar donde el desastre se manifiesta.

Se tratará entonces de cuestionar las tendencias y analizar las tensiones entre generaciones de escritores, teniendo en cuenta que la literatura contemporánea no abandona la autobiografía o el realismo, y que las narrativas de lo insólito no rehúyen la denuncia política. Algunos escritores se decantarán por herramientas disonantes con respecto a ciertos modos de expresión considerados anticuados, o al contrario tratarán de recuperar códigos tradicionales para reelaborar mejor la experiencia –directa o indirecta– del acontecimiento. 

Líneas temáticas:

- Enfoques teóricos sobre el vínculo entre el imaginario y el acontecimiento en la literatura hispanoamericana.

- Nuevos tonos y lenguajes para explorar el vínculo con la memoria: ironía, silencio, ilegibilidad, lo irrepresentable, lo inimaginable, etc.

- Reutilización o renovación de estéticas no realistas para desarrollar una escritura vinculada al acontecimiento (fantasía, terror, gótico, maravilloso, fantástico, etc.).

- Temas recurrentes o comunes a varios escritores en relación con el acontecimiento.

- Ficcionalización de la crisis como consecuencia del acontecimiento: familia en crisis, crisis lingüística, crisis de identidad, etc.

- Lugares de la memoria; el acontecimiento a través del espacio (la casa, la escuela, el campo, etc.)

- La escritura del acontecimiento desde una perspectiva política, feminista, etc.

- Estudios comparativos: cronologías de la escritura del acontecimiento.

Las propuestas de comunicación deberán ser inéditas y abarcar la novela, el cuento, la poesía, el teatro o incluso la autoficción, con especial atención, aunque no exclusivamente, a la escritura contemporánea.

El resumen, de unas diez líneas, en francés o en español, deberá enviarse antes del 31 de marzo de 2025 a Nathalie Besse, Clara Siminiani y Julie Martz: , ,

El resumen deberá ir acompañado por:

- 4-5 palabras clave

- institución y dirección de correo electrónico profesional

- una nota biobibliográfica de 5 líneas

Se dará una respuesta a finales de abril.

Cuota de inscripción: 20 euros

Los participantes pagarán sus gastos de viaje y alojamiento.

Bibliografía

Abraham, Nicolas et Torok, Maria, (1978), L’écorce et le noyau, Paris, Flammarion.

Bachelard, Gaston (1961), La poétique de l’espace, Paris, Presses Universitaires de France.

Blanchot, Maurice (1980), L’ écriture du désastre, Paris, Gallimard.

Coquiot, Catherine (2015), Le mal de vérité ou l’utopie de la mémoire, Paris, Armand Colin.

De Certeau, Michel (1994), La prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Le Seuil.

Déchaux, Jean-Hugues (1997), Le souvenir des morts : essai sur le lien de filiation, Paris, Presses Universitaires de France.

Didi-Huberman, Georges (2003), Images malgré tout, Paris, Minuit.

Dornier, Carole et Dulong, Renaud (dir.) (2005), L’Esthétique du témoignage, Actes du colloque tenu à la Maison de la Recherche en Sciences humaines de Caen du 18 au 21 mars 2004, Caen, Editions de la Maison des sciences de l’homme.

Drucaroff, Elsa (2011), Los prisioneros de la torre: política, relatos y jóvenes en la postdictadura, Buenos Aires, Emecé.

Enriquez, Mariana (2021), Mariana Enriquez. Visiones del horror en la literatura hispanoamericana, interview réalisé par le Seminario de Investigación Poéticas de lo Inquietante.

Fisher, Mark (2018), Lo raro y lo espeluznante, Barcelona, Alpha Decay.

Gatti, Gabriel (2011), Identidades desaparecidas. Peleas por el sentido en los mundos de la desaparición forzada, Buenos Aires, Prometeo Libros.

Hirsch, Marianne (2014), “Postmémoire”, Témoigner. Entre histoire et mémoire, n°118.

Jelín, Elizabeth (2012), Los trabajos de la memoria, 2002, segunda edición: Instituto de Estudios Peruanos, Lima.

Nora, Pierre (1984), Les lieux de mémoire, I, La République, Gallimard.

Ricœur, Paul (1985), Temps et Récit, Paris, Seuil.

--------------- (2000), La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil.

Robin, Régine (2003), La mémoire saturée, Stock.

Rousso, Henri (1998), La hantise du passé, Les éditions Textuel, Paris.

Weiss, Peter (2000), L’Instruction, 1965, L’Arche, traduction de l’allemand par Jean Baudrillard.

Lieu Université de Strasbourg
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