Journée d’étude : « La voix de l’écrivain dans le champ de la critique » Arras, 19 janvier 2022 |
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Journée d’étude : « La voix de l’écrivain dans le champ de la critique »
Arras, 19 janvier 2022
Organisation : Camilo Bogoya (MCF Littérature latino-américaine, Textes & Cultures, Université d’Artois) et Kevin Perromat (MCF Études hispaniques, Centre d’Études des Relations et Contacts Linguistiques et Littéraires, Université de Picardie Jules Verne).
Date limite d’envoi des propositions : 10 septembre 2021.
Cette journée s’inscrit dans le Séminaire intersite « Donner de la voix. Émission, transcription et circulation de la parole » organisé en 2021-2022 par l’Université d’Artois et l’Université de Picardie Jules Verne.
Éléments de réflexion. Notre axe de travail est la tension entre deux modalités d’écriture, la fiction et la critique, une tension qui remonte à l’émergence de la modernité littéraire. Même si cette friction est fort présente de l’Antiquité à l’Époque moderne (nous pensons à l’Ars poetica d’Horace, au De vulgari eloquentia de Dante, ou bien à l’Arte nuevo de hacer comedias de Lope de Vega, parmi d’autres), c’est avec le Romantisme qu’une fissure s’installe entre deux modes d’expression. À partir du nouvel horizon épistémologique, construit principalement par les poètes, dans toutes les littératures d’Europe et d’Amérique, nous pouvons trouver des exemples de ce dédoublement de la parole créatrice. Les grands modèles de l’époque seront la revue Athenaeum des frères Schlegel, la préface de Lyrical Ballads de Woordsworth, la Biographia literaria de Coleridge, la critique d’art de Baudelaire, la préface de Cromwell d’Hugo, ou bien, outre-Atlantique, The Poetic Principle d’Edgar Allan Poe. Ces textes fondateurs trouveront un ensemble assez hétéroclite d’héritiers tout au long du XXe siècle. Ainsi, les grandes transformations littéraires (les mouvements d’avant-garde, la littérature engagée, le boom de la littérature hispano-américaine, le nouveau roman), sont désormais accompagnées d’une imagination critique, voire d’un besoin d’expression qui ne cesse de multiplier les manifestes, les essais, les entretiens. Pour un grand nombre d’écrivains, ces textes seront indissociables de leurs œuvres majeures : à côté de Die Schlafwandler de Hermann Broch, il faudrait placer ses Schriften zur Literatur ; à côté de L’immortalité de Milan Kundera, son incontournable Art du roman.
Fruit de leur travail professionnel, de nombreux écrivains forgeront une parole seconde : pendant des années, Borges écrit pour des journaux et des revues ; Italo Calvino, Mario Vargas Llosa, Vladimir Nabokov transforment leurs cours universitaires en livres de conférences et d’essais, de même que le feront plus tard Ricardo Piglia ou Javier Cercas. L’université, le journalisme, les mass médias, le web, sont des terrains qui dynamisent cette parole critique qui ne cesse d’être attendue, demandée, utilisée comme marchandise.
Prenant comme cadre chronologique les XXe et XXIe siècles, nous proposons d’interroger ces constellations de textes assez hétérogènes qui ont complexifié le rapport de l’écrivain à l’écriture. Notre corpus est fait d’essais, de prologues et d’épilogues, de lettres, d’entretiens (réels et fictifs), de discours critiques à l’intérieur des textes fictionnels, d’articles de presse, de conférences, de discours, de master classes, pour ne citer que quelques exemples : écritures périphériques, centrales ou de médiation qui mettent en scène la voix de l’écrivain.
La critique des écrivains vs la critique des universitaires. La naissance des études littéraires est l’un des phénomènes parallèles à l’explosion des textes critiques élaborés par les écrivains à partir du Romantisme. En même temps que les études littéraires se fortifient, la voix de l’écrivain dans le champ de la critique se généralise. À partir de De la littérature (1799) de Germaine de Staël et jusqu’à L’idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention (2021) d’Alexandre Gefen, passant par The Anxiety of Influence d’Harold Bloom et Lecteur in fabula d’Umberto Eco (écrivain emblématique de la tension entre critique et fiction), s’étendent une discipline, un champ intellectuel, une méthode, une rhétorique. L’autonomisation des études littéraires creuse le fossé entre la parole académique et la parole créatrice, même si un nombre important de critiques continue à revendiquer un langage d’auteur en dépit du jargon académique (cf. A. Compagnon, Le démon de la théorie. Littérature et sens commun, 1998), ou bien un rapprochement avec « d’autres paradigmes disciplinaires, dont les sciences cognitives et l’anthropologie » pour lutter contre l’intransitivité du fait littéraire (cf. Alexandre Gefen).
Dans le contexte récent des crises théoriques, critiques et, plus largement, des études littéraires – cf. Terry Eagleton, After Theory (2003), Marjorie Perloff, Unoriginal Genius. Poetry by Other Means in the New Century (2010), Vincent Jouve, (dir.), La valeur littéraire en question, (2010), Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires. Pourquoi et comment étudier la littérature ? (2011) ou la proposition de Josefina Ludmer de considérer les littératures actuelles comme des champs discursifs « post-autonomes » (2007) –, la voix de l’écrivain acquiert un poids spécifique, rivalise avec la critique universitaire et ouvre de nouveaux horizons épistémologiques et méthodologiques.
Phénomènes concomitants. L’émergence des écritures critiques fait écho à toute une série de phénomènes propres à la place de la littérature et de la figure de l’écrivain au milieu des forces économiques, culturelles et politiques des sociétés en mutation. Ces textes critiques seront l’occasion d’aborder des problématiques concomitantes : le rapport entre l’écrivain et les mass médias ; la médiation entre l’écrivain et l’université ; la figure de l’écrivain comme critique à partir du Modernisme ; le transfert entre l’essai et le roman ; le dialogue au sens large entre critique et fiction. Du point de vue théorique, cette perspective d’étude est à la fois ancrée dans la sociologie de la littérature, dans les approches politiques (car elle tient compte de l’engagement ou du désengagement des écrivains) et dans les visions comparatistes.
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Lieu Arras | ||||||
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