Appels à communication

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Acteurs, imaginaires et pratiques en circulation : le tourisme en Espagne (XIX-XXIe siècles) Télécharger au format iCal
 
Appel à communication pour le Colloque international :
Acteurs, imaginaires et pratiques en circulation : le tourisme en Espagne
(XIX-XXIe siècles)
 
24 et 25 juin 2021
Centre de Recherche sur l'Espagne Contemporaine
Sorbonne Nouvelle
 
Comité d'organisation :
Jorge Villaverde (Sorbonne Nouvelle, CRIMIC)
Ivanne Galant (Sorbonne Paris Nord, CREC)
José Rafael Ramos Barranco (Sorbonne Nouvelle, CREC)
Marie Salgues (Sorbonne Nouvelle, CREC)
 
 
Pour la première fois de notre vie, nous ne pouvons pas voyager. La mobilité d'une grande partie de la population mondiale a été restreinte et l'une des choses les plus déroutantes auxquelles nous avons dû faire face après le Grand Confinement du printemps 2020 était de savoir ce que nous allions faire de notre liberté de mouvement retrouvée, mais limitée. Difficile d'oublier ce qui s'est passé à la station de ski d’Ischgl, les bateaux de croisière errants, rejetés dans tous les ports, et la ressemblance suspecte entre la propagation de la pandémie et le classement des « pays leaders du tourisme » : la France, l’Espagne, les États-Unis, la Chine, l’Italie. Au-delà de la sphère privée, le tourisme a momentanément monopolisé le débat public face à la complexité de la situation : il fallait choisir entre un été sans touristes et le risque que ceux-ci pouvaient représenter. Le tourisme intérieur auquel tous les gouvernements allaient se consacrer - Tu podes Visita Portugal, Viaggio in Italia, Cet été je visite la France, España te espera - ne servirait pas à arrêter l'hémorragie, et ne dissimulerait pas non plus l'évidente fragilité économique des pays les plus dépendants de ce secteur.
En Espagne, l'absence de la plupart des 84 millions de touristes de l'année précédente était perceptible et a lourdement pesé sur l'effondrement de l'économie nationale. Ce n'est pas la première fois que l'importance du tourisme pour le pays a été mise en évidence, à commencer par le boom des années 1960, devenu un jalon dans la mémoire collective et considéré comme le visage le plus amical du franquisme tardif. Sous l'apparente frivolité du bronzage et des chansons yé-yé, le tourisme a joué un rôle clé dans le développement et la modernisation du pays, servant simultanément à légitimer et à éroder la dictature. Il a également constitué la meilleure publicité pour la réussite de la « normalisation » et de l'européanisation de la nouvelle démocratie, tandis que la décentralisation a poussé dix-sept nouvelles entités à se demander ce qui les distinguait des autres et à lancer leurs premières campagnes de promotion. Et, puisque nous en sommes à annoncer, en 2012, une agence d'État a même été créée pour contrôler le message et vendre la marque (Espagne). Son premier responsable, Carlos Espinosa de los Monteros, IVe marquis de Valdetierra, fait écho à un autre marquis, le IIe marquis de la Vega Inclán, qui, un siècle plus tôt, développait depuis le Commissariat Royal du Tourisme, « ce qui est apparemment du tourisme, mais qui au fond apporte dignité, richesse et qui profite à la culture nationale et aux relations internationales ». 
 
Réputation, nationalisme et profit étaient (sont ?) les piliers de l'intérêt des élites pour le tourisme qui voyaient dans ce phénomène un moyen d'effacer les stigmates de la différence et de parvenir à la modernisation tant désirée du pays. Le succès a été absolu mais malgré la réussite de la modernisation, pour que cette destination marginale parvienne à occuper une place centrale dans les flux touristiques mondiaux, le prix à payer a été celui de la consolidation d'une caractérisation nationale comme pays oisif et festif. Les stéréotypes forgés au XIXe siècle alors que l'Espagne perdait ses colonies et occupait une place subalterne (et orientalisée) dans le nouveau système impérial mondial, se sont vus renouvelés avec l'arrivée de millions de touristes d'Europe du Nord qui, grâce à la bienveillance de l'État providence, pouvaient découvrir leur propre « périphérie du plaisir »– une ceinture d'économies basées sur le tourisme qui entoure les principales zones industrielles du monde. De 4 millions de touristes en 1960, nous sommes passés à 38 en 1980 et 74 en 2000. Le projet de construction d'une version européenne de Las Vegas à Alcorcón montrait que la tertiarisation du pays (et le Bienvenido Mister Marshallismo) n'avait pas de limites jusqu'à ce que l'avant-dernière crise, celle de 2008, brise, parmi d’autres consensus, la ferveur européiste et le modèle touristique. Ainsi, de plus en plus de voix se demandaient, accablées par la catastrophe écologique du littoral méditerranéen et les villes prises d'assaut par les touristes, si être l'un des pays les plus visités au monde était un rêve devenu réalité, ou plutôt un cauchemar. 
Peu de phénomènes modernes ont autant affecté l'Espagne que le tourisme. Et pourtant, c'est un sujet qui a été pratiquement ignoré par l'hispanisme français, même si des chercheurs tels qu'Hervé Poutet et Alet Valero ont fait partie des pionniers qui ont souligné le potentiel du tourisme pour étudier la société espagnole. Le manque de continuité depuis l'apparition de leurs travaux dans les années 1990 a creusé un fossé qui contraste avec l'essor de ces études en Espagne et celles de l'hispanisme nord-américain. C'est pourquoi l'un des principaux objectifs de ce colloque est de souligner l'intérêt de ce domaine dans le milieu universitaire francophone et de réunir des chercheurs de différents horizons, afin d'élargir notre connaissance de l'Espagne et du monde contemporain à travers le tourisme. 
Cette initiative est menée par le Centre de Recherche sur l'Espagne Contemporaine (Sorbonne Nouvelle), une institution spécialisée notamment dans l'étude de l'Espagne à travers des manifestations de culture populaire telles que les loisirs, la chanson, les caricatures, le théâtre ou les faits divers. Depuis 2017, l'axe pluriannuel « Les réseaux : (d)écrire les liens, (dé)construire les structures » interroge les circulations, les transferts et les liens qui se créent entre les acteurs, les significations et les œuvres, ainsi que leur interaction avec des réseaux plus larges afin de former un "paysage culturel en mouvement". C'est pourquoi, avec ce colloque, nous proposons de réfléchir selon l'approche suivante. 
À partir de la célèbre formulation de Benedict Anderson, Eric Zuelow propose de penser les nations comme des « communautés perpétuellement réimaginées, maintenues par un dialogue horizontal sur l'appartenance à la communauté », et défend que le tourisme est un phénomène idéal pour étudier cette discussion d'un point de vue historique puisqu'il agit comme un « nœud du dialogue transnational » qui formate l'identité des localités, des régions et des nations. Appliquer ce modèle permet de remplacer la métaphore récurrente, mais très limitée, du « regard », de la « vision » ou du « reflet », dans les études sur les voyages et les imaginaires nationaux. Ainsi, le « dialogue » contient un potentiel épistémologique plus important puisqu’il permet l'action individuelle et collective et bénéficie du bagage intellectuel des études postcoloniales. Il ne fait pas de doute que le tourisme sert de « nœud » dans un réseau discursif de significations qui façonne l'identité humaine en servant de déclencheur de fantasmes et de projections, de discussion, de choix et de définition, de négociation, d'appropriation, de rejet ou de subversion des discours et des imaginaires, et d'intériorisation de la place que l’on occupe par rapport à l'espace, au temps et aux autres. 
Repenser l'histoire contemporaine de l'Espagne à partir de l'étude d'un phénomène transnational comme le tourisme nous invite naturellement à transcender les frontières, à nous libérer du nationalisme méthodologique – le biais académique selon lequel nous tendons à circonscrire le centre d'analyse avec les limites de la nation –, à intégrer un réseau d'acteurs, d'idées et de pratiques qui circulent à travers les cadres nationaux, et à écrire une « histoire connectée », globale, dont l'Espagne continue non seulement à faire partie, mais dont elle est parfois la principale scène. 
 
La priorité sera donnée aux propositions théoriques, conceptuelles et méthodologiques, ainsi qu'aux approches comparatives et transnationales. Les domaines d'intérêt possibles pourraient être, entre autres :  
 
      - Dynamiques de circulation, de discussion et de consolidation transnationale des imaginaires, des discours et des pratiques. Négocier l'appartenance et la différence : l'individu, le genre, la race, la classe sociale, le territoire (local, régional, national, impérial, transnational) et le passé.
- (Dé)connexions avec les circuits touristiques internationaux : nouvelles sensibilités et pratiques, supports textuels et graphiques, moyens de communications de masse, avancées technologiques, transports terrestres, maritimes et aériens, initiative privée et travaux publics. 
- Les réseaux sociaux du XIXe siècle : les sociétés d’excursionnistes, touristiques et sportives. Les réseaux sociaux de masse : patriotes, prolétaires et citoyens. Les réseaux mondiaux d'acteurs : précurseurs, médiateurs et traducteurs culturels.
 
 
Les propositions, qui seront soumises à un comité scientifique, doivent être envoyées avant le 20 janvier 2021 à l'adresse suivante : . Elles doivent comprendre un titre, un résumé de 300 à 500 mots (avec les objectifs, la méthodologie, les sources et la bibliographie initiale) ainsi qu’un bref curriculum de l'auteur. Les langues de communication seront l'anglais, le français et l'espagnol. Réponse du comité scientifique : 20 février. Une sélection d'articles sera publiée (dossier d'une revue hispaniste indexée).
 
Nous privilégierons un format en présentiel et, en cas de force majeure, hybride, en adaptant la durée et la répartition des communications au nouveau format. 
 
 
Bibliographie:
Eugenia Afinoguénova y Jaume Martí-Olivella (eds.), Spain is (Still) Different. Tourism and Discourse in Spanish Identity, Lanham, MD, Lexington Books, 2008.
Benedict Anderson, Imagined Communities, London – New York, Verso, 1991. 
Homi K. Bhabha, The Location of Culture, London, Routledge, 1993.
Shelley Baranowski y Ellen Furlough, Being Elsewhere: Tourism, Consumer Culture, and Identity in Modern Europe and North America. University of Michigan Press, 2001.
Alon Confino, "Travelling as a Culture of Remembrance: Traces of National Socialism in West Germany, 1945-1960”. History & Memory, 12-2, 2000.
Sebastian Conrad, Historia global: Una nueva visión para el mundo actual. Barcelona, Crítica, 2017.
Alicia Fuentes Vega, Bienvenido, Mr. Turismo! Cultura visual del boom en España, Madrid, Cátedra, 2017.
Ivanne Galant, “ ‘Cuando paso por el puente, Triana’ : Représentations du faubourg sévillan dans les guides de voyage (XIX-XXsiècles)”, Crisol, 5, 2019.
“Spanish Civil War and ‘Francoism for Tourists: The History told in Travel Books” en Carmelo Pellejero y Marta Luque, Inter and Post-war Tourism in Western Europe, 1916-1960, London, Palgrave Mc Millan, 2020.
Carlos Larrinaga y Rafael Vallejo (éds.), Los orígenes del turismo moderno en España - el nacimiento de un país turístico, 1900-1939, Madrid, Sílex, 2019.
Orvar Löfgren, On Holiday: A History of Vacationing, Berkeley, University of California Press, 1999.
Jorge Luengo y Pol Dalmau, “Writing Spanish History in the Global Age: Connections and Entanglements in the Nineteenth Century”, Journal of Global History, 13, 2018.
Ana Moreno Garrido y Jorge Villaverde, “De un sol a otro: turismo e imagen exterior española (1914-1984)”, Ayer, 114, 2019. 
Ana Moreno Garrido, Historia del turismo en España en el siglo XX, Madrid, Síntesis, 2007.
Mary Nash, “Turismo, género y neocolonialismo: la Sueca y el Donjuán y la erosión de arquetipos culturales franquistas en los 60”, Historia Social, 96, 2020.
Sasha D. Pack, “Tourism, Modernization, and Difference: a Twentieth-Century Spanish Paradigm”, Culture, Sport Society11, 6, 2007.
      La invasión pacífica: Los turistas y la España de Franco, Madrid, Turner, 2009.
Hervé Poutet, Images touristiques de l'Espagne. De la propagande politique à la promotion touristique, Paris, L'Harmattan, 1995.
Marie Louise Pratt, Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation,  London, Routledge, 1992.
Antonia del Rey-Reguillo (ed.), Cine, imaginario y turismo. Estrategias de seducción, Valencia, Tirant lo Blanch, 2007.
Edward Said, Orientalism: Western Conceptions of the Orient, London, Penguin, 1978. 
Eric Storm, “Nationalism Studies between Methodological Nationalism and Orientalism: An Alternative Approach Illustrated with the Case of El Greco in Toledo, Spain.” Nations and Nationalism, 4, 2015.
Jorge Villaverde e Ivanne Galant (éds.), ¿El turismo es un gran invento? Usos políticos, identitarios y culturales del turismo en EspañaInstitució Alfons el Magnànim-CSIC, Valencia, 2020. 
Jorge Villaverde, “¿Estereotipos banales?: Una razón y varias propuestas para tomarse en serio la caracterización nacional”, Iberic@l. Revue d’études ibériques et ibéro-américaines, 10, 2016.
 “Vega-Inclán, Benigno”en Joep Leerssen (éd.), Encyclopedia of Romantic Nationalism in Europe, Amsterdam University Press, 2018.
“Une approche imagologique du Sud : voyage et tourisme dans un empire informel”, Crisol, 15, 2020.
Alet Valero: “Oriente, playas y castillos. Pratiques, images et politiques touristiques en Espagne entre 1830 et 1928”, Aix-Marseille Université, 1993. 
Antoni Vives Riera, “Tourism and Nationalism in the Production of Regional Culture: The Shaping of Majorca”, Nations and Nationalism, 24, 3, 2018.
John K. Walton, “Taking the History of Tourism Seriously.”, European History Quarterly, 27, 1997. 
Eric Zuelow, Making Ireland Irish: Tourism and National Identity Since the Irish Civil War, Syracuse, N.Y., Syracuse University Press, 2009.
Touring Beyond the Nation: A Transnational Approach to European Tourism, Farnham, Surrey, England, Ashgate, 2011.
A history of modern tourism, London, Palgrave, 2015.
Lieu Paris
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