2021-1821-1521. La fabrique du Mexique : conflits, altérités, communautés |
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Colloque international
2021-1821-1521. La fabrique du Mexique : conflits, altérités, communautés
Université de Toulouse 2 Jean Jaurès, FRAMESPA
Mercredi 7, jeudi 8 et vendredi 9 avril 2021
Appel à communications :
Conscients de la fonction civique attachée à leur discipline et soucieux d’intervenir de manière critique dans l’espace public, historiennes et historiens prennent régulièrement part aux commémorations des événements les plus emblématiques des constructions nationales. Loin d’obéir aux multiples et contradictoires injonctions politiques, les praticiens des sciences sociales utilisent sciemment ces moments singuliers pour défendre une interprétation scientifique de l’histoire. Le passé n’étant la propriété éminente d’aucune nation ni d’aucun groupe social, il est également d’usage que les chercheurs dialoguent, par-delà les frontières, afin d’en expliciter les enjeux.
2021 ne saurait déroger à la règle. Les cinq cents ans de la chute de l’Empire aztèque viendront cohabiter, dans l’esprit des contemporains, avec le bicentenaire de la « consommation » de l’Indépendance mexicaine, à la suite d’un processus conflictuel amorcé en 1810 et clôt en 1821. Autorités politiques et « porteurs de mémoire » invoqueront, au même moment, deux événements centraux pour la construction nationale et la fabrique du Mexique : le début sanglant de la domination espagnole et la fin sans gloire de cette dernière. Toute histoire étant contemporaine, conquête, colonisation et indépendance continuent d’agir comme des champs de bataille discursifs. Depuis le début du XIXe siècle, l’interprétation de ce passé obsédant a en effet façonné les différentes cultures politiques du pays : l’hostilité des libéraux aux « gachupines » s’est en partie transmise aux gauches mexicaines des XXe et XXIe siècles, alors que l’hispanophilie demeure un indéniable marqueur conservateur. Comme lors des festivités du centenaire de « l’indépendance consommée » en 1921, l’année 2021 sera probablement l’occasion d’un retour réflexif sur la vie d’une « jeune » nation, née des cendres d’un processus d’indépendance extrêmement conflictuel et qui peut être encore largement appréhendée comme une société « postcoloniale », en écho à la critique anthropologique des années 1970. Les usages publics du passé par un gouvernement promouvant une « quatrième transformation » du pays et cherchant à favoriser un tournant à gauche, à rebours d’un mouvement continental vers la droite, viendront s’affronter aux interprétations conservatrices de l’établissement de l’empire espagnol et du retrait de l’ancienne puissance impériale. Enfin, il est fort probable que l’indicible crise humanitaire que connaît le Mexique depuis le milieu des années 2000 jette une lumière crue sur cette exploration des siècles passés et sur la commémoration de ces deux dates charnières.
Les mémoires antagoniques de 1521 et 1821 ne sauraient toutefois cacher les multiples renouveaux historiographiques concernant à la fois la conquête, la période coloniale, les processus d’indépendance ainsi que la construction de l’État-nation mexicain à l’époque contemporaine. Si ces nouveaux apports sont le fruit d’une communauté historienne particulièrement organisée et active au Mexique, ils résultent aussi largement de la vigueur des Mexican Studies aux États-Unis et à l’étranger. Dans cette configuration, la recherche en langue française joue un rôle crucial qu’il est désormais impérieux de structurer de manière formelle et pérenne. Le colloque international « 2021-1821-1521. La fabrique du Mexique : conflits, altérités, communautés » répond ainsi à une double ambition : offrir un espace scientifique pour tous les mexicanistes francophones, en relation étroite avec les chercheurs mexicains et étrangers ; penser l’objet Mexique dans le temps long en faisant dialoguer toutes les disciplines des sciences humaines et sociales. Trois axes orienteront plus précisément ce colloque, en lien avec le renouveau de la recherche francophone :
Sur le plan méthodologique, les communications présentées devront notamment intégrer une réflexion sur les différentes échelles spatiales, afin de décentrer le regard et de repenser l’objet « Mexique » en dehors du cadre national. Les travaux portant sur les frontières, l’inscription des analyses dans des logiques globales ou les études centrées sur un espace précis – correspondant par exemple à un village, une contrée, une intendance, un diocèse ou un État fédéré – seront particulièrement favorisés. Le lien avec les Amériques, la nord-américanisation de la société mexicaine, les migrations, les perspectives transnationales et les logiques circulatoires pourront être ainsi abordés explicitement. La relation, imaginaire ou pratique, entre le Mexique et le lointain, l’Asie et l’Afrique en particulier, devra permettre d’élargir les focales habituelles, allant des rapports commerciaux entre Acapulco et Manille à l’époque moderne, aux réceptions contradictoires de la guerre d’Algérie par un pays du Tiers Monde. La question du cadre national et de la formation d’une identité territoriale, de la vice-royauté de Nouvelle-Espagne à la république, sera partie prenante de ce jeu d’échelles.
Concernant les thématiques, le colloque mettra en valeur les travaux portant sur trois objets spécifiques : les conflits, les formes de l’altérité et la notion de communauté. Conflits, affrontements, guérillas, guerres – qu’elles fussent civiles ou étrangères, régulières ou irrégulières –, apparaissent en effet comme des moments nodaux pour comprendre la formation du Mexique dans le temps long. Par ailleurs, la question de l’altérité a fait l’objet de nombreux travaux récents, aussi bien en histoire qu’en anthropologie et sociologie, dont il convient de faire la synthèse. De la « république des Indiens » aux perspectives multiculturelles ou multinationales, en passant par les moments d’invisibilisation ou de revendication de l’autochtonie, la question de l’altérité indienne semble être une des épines dorsales de la fabrique du Mexique. Évoquer l’altérité, interne ou externe, conduit par ailleurs à poser la question du rapport aux Mexicains afrodescendants, largement exclus du récit national, comme aux étrangers. Enfin, la communauté, qu’il s’agisse de la nation comme « communauté politique imaginée » décrite par Benedict Anderson ou de la diversité des appartenances locales, allant du pueblo au régionalisme, a également été le centre de multiples analyses récentes et stimulantes. Dans quelle mesure faire Mexique est-il faire nation ? Cette problématique, objet du nationalisme racial du premier XXe siècle, pose plus largement la question de l’inscription du Mexique dans le temps long et de la permanence, ou non, des logiques liées à la colonisation espagnole.
Dans ce cadre, les temporalités formeront logiquement le troisième axe de notre réflexion collective. Sans revenir formellement à la « longue durée » des civilisations chère à Fernand Braudel, il s’agit néanmoins de prendre en compte les différentes échelles temporelles, en accord avec les objets étudiés. Poser cette question revient en premier lieu à repenser les périodisations et les ruptures, à l’instar des bornes sans cesses discutées de la Révolution mexicaine. Elle appelle également à se pencher sur une reformulation différente de la longue durée, préconisée par l’historiographie anglo-saxonne, aussi bien pour l’histoire économique que pour l’histoire conceptuelle. Au-delà du temps comme catégorie analytique des historiennes et historiens, il convient aussi et surtout de s’interroger sur les historicités socialement situées et sur ce que Christophe Charle a appelé les « discordances des temps », c’est-à-dire les contradictions au sein d’une société entre les expériences collectives du temps.
Le colloque international « 2021-1821-1521. La fabrique du Mexique : conflits, altérités, communautés » fera la part belle aux travaux récents s’inscrivant dans ces différents axes et intégrant une perspective pluridisciplinaire. Il s’adresse aux chercheuses et chercheurs mexicanistes ou dont l’un des terrains centraux est le Mexique, venus des différentes disciplines des sciences humaines et sociales.
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Modalités de soumission
Les propositions de communication sont à envoyer à fabmex2021@gmail.com avant le 12 juin 2020.
Les propositions doivent inclure :
– les nom, prénom, adresse électronique, statut, discipline et affiliation du chercheur ou de la chercheuse ;
– le titre de la communication ;
– un résumé d’une page de la proposition, spécifiant le contenu de la communication et identifiant précisément la question de recherche, la méthode employée et les données mobilisées ;
Les langues de travail du colloque seront le français, l’espagnol et l’anglais.
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Comité d’organisation :
Emmanuelle Perez Tisserant, Guillaume Gaudin, Marion Gautreau, Modesta Suarez, Romain Robinet
Le comité organisateur du colloque se solidarise des mobilisations en cours contre le projet de loi LPPR.
Conseil scientifique :
Anath Ariel de Vidas, Annick Lempérière, Anthony Stanton, Arnaud Exbalin, Clément Thibaud, David Recondo, Elisabeth Cunin, Felipe Castro, François Godicheau, Françoise Martinez, Guillemette Martin, Hélène Combes, José Antonio Serrano Ortega, José Contel, Michel Bertrand, Miguel Rodríguez, Odile Hoffmann, Paula López Caballero, Paulina Machuca, Sonia Rose
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Lieu Université Toulouse - Jean Jaurès | ||||||
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