Journées d'étude Liberté d'expression et liberté de création dans l'isthme centraméricain (XIXe-XXe siècles)
28 et 29 mai
Universités d'Angers et de Tours
Placés au centre du continent américain tant du point de vue géographique que culturel, les sept pays qui composent l’isthme centraméricain sont souvent perçus -ironiquement- comme étant à la périphérie des enjeux régionaux et, plus largement, mondiaux. Pourtant, historiquement et politiquement, l’Amérique centrale concentre sur un espace réduit la plupart des phénomènes en jeu dans l’espace américain (inégalités, violence, corruption, multiculturalisme).
Dans ce contexte, les problématiques liées à la liberté d’expression et de création occupent une place de premier rang dès la toute fin de la période coloniale (1820). À l’époque un débat politique s’ouvre dans les colonnes de la presse périodique au sujet de la formation des États nationaux, au travers de débats qui configurent les clivages politiques successifs (indépendance de l’Espagne, annexion au Mexique, fédéralisme contre centralisme, libéralisme contre conservatisme, etc.). Au cours du XXe siècle, l’Amérique centrale est profondément marquée par des dictatures et des guerres civiles qui mettent à mal la liberté de la presse (exemple de la « disparition » de la journaliste Irma Flaquer au Guatemala en 1980) en même temps qu’elles impactent la liberté d’expression, avec la publication en exil du Señor presidente de Miguel Ángel Asturias, prix Nobel de littérature 1967.
La situation politique actuelle dans les pays d’Amérique centrale pose par ailleurs de nombreuses questions en ce qui concerne ces mêmes libertés d’expression et de création. De fait, bien que le Costa Rica soit régulièrement classé par Reporters Sans Frontières dans les dix pays respectant le plus la liberté d’information au monde, le pays n’est pas à l’abri de la corruption et de l’impunité comme en témoigne l’assassinat de dix environnementalistes entre 1989 et 2014, ainsi que la mort du leader indigène Sergio Rojas, en mars 2019, pour son engagement en faveur de la défense des terres indigènes. Or, la situation du reste de la région est nettement plus préoccupante. On peut ainsi penser à l’assassinat de l’activiste environnementaliste et indigéniste Berta Cáceres au Honduras en 2016, ou encore à la répression des mouvements étudiants et populaires au Nicaragua par le régime de Daniel Ortega depuis 2018, qui a entraîné la fermeture temporaire de certains établissements d’enseignement supérieur, notamment la très renommée Universidad Centroamericana de Managua, laquelle a été le siège de plusieurs événements tragiques depuis le printemps 2018. Dans ce même pays, les élections sont marquées depuis plusieurs années par de nombreuses irrégularités, qui font régulièrement l’objet de vives critiques de la part de la communauté internationale.
Dans ce contexte, quelle place peut-on accorder à la liberté d’expression et à la liberté de création ? Dans quelle mesure la corruption, l’impunité et la répression parviennent-elles à façonner l’opinion, en créant des mécanismes, directs ou indirects, de censure et d’autocensure ? À l’inverse, quels espaces alternatifs de création et d’expression peut-on voir émerger, à l’heure des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, dans une société très fortement marquée par les inégalités ? Quelle place pour la presse ? Quelle place enfin pour la création artistique, quand celle‐ci se voit parfois récupérée par les pouvoirs publics à des fins de propagande, comme ce fut le cas, pour poursuivre avec l’exemple du Nicaragua, de la figure de Carlos Mejía Godoy, chanteur‐compositeur mythique de la Révolution de 1979, qui a menacé récemment d’attaquer en justice le couple présidentiel pour son utilisation politique de certaines de ses chansons ? Dans ces quelques exemples, on voit bien que la liberté d’expression et la liberté de création dépendent étroitement d’un contexte socio‐politique spécifique, mais sont également très fortement liées l’une à l’autre. Ces journées d’étude pourront ainsi être l’occasion d’évaluer la relation particulière qu’entretiennent ces deux formes de liberté, la première étant considérée en droit comme une liberté fondamentale, tandis que les contours juridiques de la seconde sont beaucoup plus flous.
Du point de vue de la création, et malgré sa position périphérique sur le marché culturel mondial, l’Amérique centrale est traditionnellement une terre fertile, notamment sur le plan littéraire, comme en témoignent les cas de plusieurs écrivains reconnus au niveau international tels que le Nicaraguayen Rubén Darío (connu comme le père du modernisme), le Guatémaltèque Miguel Ángel Asturias (prix Lenin de la Paix, 1966 et prix Nobel de littérature, 1967), le Costaricien Carlos Luis Fallas (membre de la « Generación del 40 » et du parti communiste, emprisonné pour avoir dirigé la grève contre la United Fruit Company en 1934), le Salvadorien Horacio Castellanos Moya (connu pour une œuvre littéraire centrée sur la mémoire historique de son pays, exilé deux fois, d’abord à cause de la guerre civile 1979-1992, puis en 1997 à cause des menaces de mort après la publication de son roman Le dégoût), le Hondurien Ramón Amaya Amador qui a dû laisser son pays en 1944 en raison de persécutions politiques ou encore l’écrivain Sergio Ramírez ou l'écrivaine féministe Gioconda Belli, pour ne citer que quelques exemples. Sur le plan cinématographique, la région commence à être également connue avec des œuvres laissant place aux minorités comme Ixcanul de Jayro Bustamante, réalisateur guatémaltèque primé à la Berlinale avec l’Ours d’argent en 2015 ou plus récemment avec les films Nuestras madres et La llorona, de son compatriote César Díaz, qui a été récompensé à Cannes avec le prix Caméra d'or. La musique et les performances se font également entendre avec des jeunes artistes engagé·e·s comme Rebeca Lane qui, après la disparition de sa tante dans la guerre civile guatémaltèque, a milité pour la justice sociale et le devoir de mémoire en même temps qu’elle lutte pour l’émancipation des femmes ainsi que contre les féminicides dans son pays.
Au-delà des considérations politiques, qui réactivent dans certains contextes la figure de l’artiste engagé∙e, la question des libertés d’expression et de création se pose également sur un plan plus prosaïque, celui de l’économie de marché. Quelles libertés pour l’artiste dans des contextes où le maillage éditorial, par exemple, est très lâche ? Quelle place peut-on accorder à l’inventivité dans un espace périphérique où les œuvres sont peu diffusées, peu primées et peu étudiées ? Dans quelle mesure ce contexte périphérique n’infléchit-il pas la création dans un sens qui serait dicté par les attentes culturelles des espaces hégémoniques ? Comment se (re)déploie la créativité de l’artiste face à ces contraintes, non seulement sur un plan purement artistique, mais aussi sur un plan plus structurel (on peut penser aux stratégies d’auto-financement, par exemple, ou aux créations collectives qui remettent en question la conception du droit d’auteur héritée des Lumières) ?
L’objectif de ce cycle de conférences sera donc d’interroger les notions de liberté de création et de liberté d’expression dans cet espace périphérique qu’est l’Amérique centrale, à partir d’une multitude d’objets d’étude, qu’ils soient littéraires, iconiques, filmiques, historiques, sociaux ou politiques. Il s’agira notamment d’évaluer les éventuelles spécificités de ces notions dans le contexte centraméricain, ainsi que l’impact de la situation géopolitique et culturelle de l’isthme sur les libertés d’expression et de création.
Date limite de soumission : 6 avril 2020
La date butoir pour envoyer votre résumé (300 mots) ainsi que votre biographie (200 mots max.) est fixée au 6 avril 2020. Merci de soumettre ces documents directement sur le site du colloque : https://libameriqcentr.sciencesconf.org/
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Jornadas de estudios Libertad de expresión y libertad
de creación en el istmo centramericano (siglos XIX-XXI)
28 y 29 de mayo de 2020
Universidades de Angers y de Tours
Situados en el centro del continente americano tanto a nivel geográfico como cultural, los siete países que conforman el istmo centroamericano suelen ser considerados —irónicamente— como periféricos con respecto a los retos regionales y globales. Sin embargo, histórica y políticamente, Centroamérica concentra en un espacio reducido la mayoría de los fenómenos observados a nivel continental (desigualdades, violencia, corrupción, multiculturalismo).
En este contexto, las problemáticas relacionadas con la libertad de expresión y de creación son de primera importancia desde el fin del periodo colonial (1820). En aquella época un debate político se abre paso en las columnas de los periódicos a propósito de la formación de los Estados nacionales, a través de disputas que configuran divisiones políticas sucesivas (independencia de España, anexión a México, federalismo frente a centralismo, liberalismo frente a conservadurismo, etc.). Durante el siglo XX, Centroamérica sufre guerras civiles y dictaduras que ponen en peligro la libertad de prensa (como lo evidencia, por ejemplo, la “desaparición” de la periodista Irma Flaquer en Guatemala en 1980), a la vez que impactan la libertad de expresión, con la publicación desde el exilio de El Señor presidente de Miguel Ángel Asturias, premio Nobel de literatura en 1967.
La situación política actual en los países de América Central plantea, por otra parte, numerosas dudas en cuanto a las libertades de expresión y de creación. De hecho, aunque Costa Rica aparece a menudo entre los diez países que mejor respetan la libertad de información en el mundo, según la lista de Reporteros Sin Fronteras, el país no está libre de la corrupción e impunidad como lo muestra el asesinato de diez ambientalistas entre 1989 y 2014, así como la muerte del líder indígena Sergio Rojas, en marzo de 2019, por su compromiso con la defensa del territorio indígena. Pero la situación del resto de la región es más preocupante todavía. Se puede pensar, por ejemplo, en el asesinato de la activista ambientalista e indigenista Berta Cáceres en Honduras en 2016, o en la represión de los movimientos estudiantiles y populares en Nicaragua por el régimen de Daniel Ortega desde 2018, lo que acarreó el cierre temporal de algunos establecimientos de enseñanza superior, como la Universidad Centroamericana de Managua y que ha conocido desde entonces varios acontecimientos trágicos. En el mismo país, las elecciones se ven marcadas desde hace varios años por muchas irregularidades, que regularmente provocan vivas críticas por parte de la comunidad internacional.
¿Qué lugar puede ocupar entonces la libertad de expresión y la libertad de creación en este contexto? ¿En qué medida la corrupción, la impunidad y la represión condicionan la opinión, creando mecanismos, directos e indirectos, de censura y autocensura? En el caso contrario, ¿qué espacios alternativos de creación y expresión emergen, en la era de las nuevas tecnologías y de las redes sociales, en una sociedad muy marcada por las desigualdades? ¿Qué espacio puede ocupar la prensa? ¿Qué espacio puede ocupar la creación artística, cuando a veces es recuperada por las autoridades con fines propagandísticos, como ha sido el caso en Nicaragua con la figura de Carlos Mejía Godoy, cantautor mítico de la Revolución sandinista que amenazó con denunciar ante los tribunales a la pareja presidencial por el uso político de algunas de sus canciones? Estos pocos ejemplos evidencian que la libertad de expresión y la libertad de creación dependen de un contexto sociopolítico específico, a la vez que se relacionan estrechamente entre sí.
Estas jornadas proponen evaluar la relación particular que mantienen estas dos formas de libertad, siendo considerada la primera como una libertad fundamental, mientras que los contornos jurídicos de la segunda son mucho más difusos.
Desde el punto de vista de la creación, Centroamérica, a pesar de su posición periférica en el mercado cultural mundial, tiene una tradición fértil, en particular a nivel literario, como lo atestiguan los casos de varios escritores reconocidos internacionalmente como el nicaragüense Rubén Darío (padre del modernismo), el guatemalteco Miguel Ángel Asturias (premio Lenin de la Paz en 1966 y premio Nobel de literatura en 1967), el costarricense Carlos Luis Fallas (miembro de la Generación del 40 y del partido comunista, encarcelado por haber dirigido la huelga en contra de la United Fruit Company en 1934), el salvadoreño Horacio Castellanos Moya (conocido por su obra literaria centrada en la memoria histórica de su país, exiliado dos veces, primero por la guerra civil 1979-1992, luego en 1997 tras haber recibido amenazas de muerte después de la publicación de su novela El asco), el hondureño Ramón Amaya Amador (quien tuvo que abandonar su país en 1944 por persecuciones políticas) o la escritora feminista Gioconda Belli, entre otros ejemplos. A nivel cinematográfico, la región también empieza a ser conocida con obras que dan voz a las minorías como Ixcanul o La llorona de Jayro Bustamante, director guatemalteco premiado en la Berlinale con el oso de plata en 2015 o, más recientemente, Nuestras madres, de su compatriota César Díaz, quien fue recompensado en Cannes con el premio Cámara de oro. La música y las performances también se abren paso con artistas jóvenes y comprometidos/as como Rebeca Lane quien, después de la desaparición de su tía en la guerra civil guatemalteca, militó a favor de la justicia social y del deber de memoria, y lucha por la emancipación de las mujeres y contra los feminicidios en su país.
Más allá de las consideraciones políticas, que en ciertos contextos reactivan la cuestión del compromiso del o de la artista, la problemática de las libertades de expresión y de creación también se plantea en términos más prosaicos, como la economía de mercado. En efecto, ¿de qué libertades puede gozar un o una artista en contextos en los que las redes editoriales son escasas? ¿Qué lugar puede ocupar la creatividad en un espacio periférico donde las obras tienen escaso acceso a una difusión amplia, a los premios literarios y a la crítica? ¿En qué medida este contexto periférico influye en la creación en un sentido posiblemente dictado por las necesidades culturales de los espacios hegemónicos? ¿Cómo se restringe o se transforma la creatividad del o de la artista en estas condiciones, no solo en un plano estrictamente artístico, sino también a nivel estructural (se puede pensar, por ejemplo, en las estrategia de autofinanciamiento, o en las creaciones colectivas que ponen en tela de juicio la concepción del derecho de autor heredada de la Ilustración)?
El objetivo de este ciclo de conferencias será interrogar las nociones de libertad de creación y de libertad de expresión en este espacio periférico que es Centroamérica, a partir de múltiples objetos de estudio, ya sean literarios, icónicos, fílmicos, históricos, sociales o políticos. Se tratará en particular de evaluar las posibles especificidades de estas nociones en el contexto centroamericano, así como el impacto de la situación geopolítica y cultural del istmo en las libertades de expresión y de creación.
Fecha límite para el envío de las propuestas : 6 de abril de 2020
El plazo establecido para el envío del resumen de su propuesta (300 palabras) así como para el envío de su biografía (200 palabras) es el 6 de abril del 2020.
Le agradecemos de antemano el enviar los respectivos documentos por medio del sitio web del ciclo de las jornadas: https://libameriqcentr.sciencesconf.org/
Para esto, hay que crear una cuenta en la rúbrica « Conexion » (ubicada en el margen superior derecho) antes de llenar los diferentes espacios del formulario y de transferir sus documentos. Si encuentra algún problema para la creación de la cuenta o para el envío de su propuesta puede enviarnos un mensaje utilizando la rúbrica « @ Contacto ».
La respuesta de aceptación de su propuesta será comunicada después de la fecha límite del envío de propuestas.
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