Images et récits de l’exil et des exodes en Amérique latine au XXIème siècle |
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Images et récits de l’exil et des exodes en Amérique latine au XXIème siècle
Ce colloque est envisagé comme le prolongement de la Journée d’Etudes interdisciplinaire et inter-laboratoires (LIRCES et URMIS) organisée à Nice en décembre 2018 et intitulée : Amérique latine : exil, migrations et identités. A l’occasion de cette nouvelle manifestation scientifique, nous souhaitons recentrer la réflexion autour de la représentation de l’exil et des exodes en Amérique latine depuis le début du XXIème siècle. En effet, les migrations de populations dont nous sommes aujourd’hui les témoins sont, pour la plupart, filmées, photographiées, écrites et décrites dans un temps court qui laisse peu de place à l’analyse distanciée des faits. C’est cette quasi simultanéité entre les faits réels et leur représentation sur les écrans de télévision, de cinéma et d’ordinateur que nous souhaitons interroger, dans une perspective volontairement pluridisciplinaire.
Les photographies des colonnes de migrants originaires d’Amérique centrale ou du Venezuela sont devenues emblématiques de ces déplacements massifs de populations en Amérique latine. C’est là que prend pleinement son sens le terme « exode » introduit dans la thématique proposée et juxtaposé au substantif « exil ». En quelques années, ces migrations transcontinentales sont passées de la clandestinité plus ou moins organisée[1] à une visibilité manifeste et parfois mise en scène. Les raisons de l’exil des individus et des exodes des populations sont pourtant semblables par bien des aspects à celles des siècles précédents : il s’agit de fuir des conditions politiques, économiques ou sociales qui mettent en péril la survie même des individus ou des communautés. C’est le cas pour des Argentins qui ont quitté leur pays au lendemain de la crise de 2001, pour des Brésiliens exilés, menacés ou persécutés, parfois déplacés, comme les ethnies indigènes, après l’élection de Jair Bolsonaro en 2018, et pour nombre de Honduriens, Guatémaltèques ou Salvadoriens depuis la fin 2018. Ces hommes, femmes et enfants en danger sur leur territoire natal tentent de trouver un ailleurs meilleur et une nouvelle terre d’accueil. Mais la médiatisation de ces flux migratoires, leur mise en images et en récits qui informent la planète tout entière en l’invitant à assister quasiment en direct au déplacement de ces populations modifient-elles le sens même de ces « errances » individuelles ou collectives ? Comment les chercheurs concilient-ils l’analyse des processus migratoires, d’une part, et l’image de ces processus qui nous en est donnée, d’autre part. Peut-on mesurer l’impact, sur le processus migratoire lui-même, ses causes et ses conséquences, de cette image qui est saisie, agencée et projetée tout à la fois par des artistes et des intellectuels (cinéastes, écrivains, photographes), par des journalistes et des particuliers, par les victimes ou les instigateurs de ces mouvements migratoires massifs ?
A travers une perspective nécessairement pluridisciplinaire, nous souhaitons alimenter une réflexion sur la corrélation entre le drame humain, collectif ou individuel, qui se joue dans ces flux migratoires depuis le début du XXIème siècle, et leurs représentations iconographiques et textuelles, dans une immédiateté rendue possible par des moyens technologiques récents.
Bien conscients de la difficulté d’aborder une thématique adossée à des évènements historiques très récents, nous souhaitons alimenter la réflexion sur la représentation et médiatisation de ces mouvements de populations qui ont lieu depuis le début du siècle en Amérique latine. Les multiples perspectives disciplinaires convoquées pour problématiser une actualité politique et historique récente permettront d’interroger et d’interpréter la réalité ou les faits sous un horizon de savoirs variés. Nous proposons ainsi de privilégier les axes suivants :
1. Exil vs exodes : si l’exil, dans ses définitions les plus communes, est associé à une peine, une disgrâce ou un éloignement volontaire ou contraint de son pays, l’exode suppose un déplacement en masse d'une population, pour des raisons socio-économiques, culturelles, politiques, ou de catastrophes naturelles. Une réflexion renouvelée sur les termes « exil » et « exode », appliqués à la réalité latino-américaine récente, s’impose, nous semble-t-il, afin d’en assurer l’appropriation : pourquoi, par exemple, a-t-on parlé d’exil, parfois massif, au temps des dictatures du XXème siècle en Amérique latine, alors que le terme d’exode, voire de diaspora, fleurit volontiers dans la presse depuis quelques années pour désigner les flux migratoires transaméricains ? Comment est-on passé de termes tels ceux de « déplacement », « migration », « flux », ou le très littéraire « nomadisme », à ceux de « caravanes », de « marches » ou « colonnes » de migrants. Par exemple, la première « marche » des indigènes équatoriens sur la capitale, Quito, en 1990, renvoie à un mouvement de revendication politique organisée par un secteur de la population, et non à un déplacement irréversible. Une approche sociologique et/ou psychologique du phénomène migratoire permettra de mieux cerner la spécificité de ces mouvements de masse. La dimension collective et massive nous semble essentielle pour comprendre ces crises migratoires et il serait intéressant de les analyser en tant que phénomène de groupe.
2. Images de la migration : il s’agira d’analyser la mise en scène et la mise en images du phénomène socio-politique de la migration : on pourra s’intéresser, par exemple, aux films[2], documentaires[3], reportages photographiques[4] ou dessins de presse[5] sur l’exil en Amérique latine, et voir comment ils ont largement contribué à pérenniser l’image de la « caravane » migratoire qui se déplace en train ou à pied. Comment, par ailleurs, analyser le traitement télévisuel dont les « colonnes » de migrants font l’objet depuis 2018, en Europe et en Amérique ? Comment les représentations imagées et véhiculées par la Toile de la migration, capturées par les photographes, professionnels ou amateurs, s’articulent-elles avec la réalité des faits ?
3. Récits de l’exil : un pan important de la littérature latino-américaine est aujourd’hui intrinsèquement lié à l’exil. Les noms de Santiago Roncagliolo (Pérou), Andrés Neuman (Argentine), Juan Gabriel Vázquez (Colombie), Leonardo Valencia (Equateur), Horacio Castellanos Mora (Honduras/Salvador), ou des Vénézuéliens Juan Carlos Méndez Guédez, Alberto Barrera Tyszka, Eduardo Sánchez Rugeles, pour n’en citer que quelques-uns, montrent que le phénomène n’est pas circonscrit à quelques pays, et que les motifs d’éloignement du pays natal sont variés.
Si la question de l’exil dans la littérature latino-américaine n’a rien de nouveau, à l’ère d’internet, des réseaux sociaux et du possible accès immédiat à un lectorat très vaste et varié, à travers les blogs, tweets et autres publications électroniques, l’écriture de l’exil, et en exil, a-t-elle évolué ? Comment ces écrivains abordent-ils la problématique de l’exil dans leurs œuvres ? Quelle relation entretiennent-ils avec le territoire perdu ? Dans quelle mesure l’expérience personnelle de l’exil affecte-t-elle l’écriture ? Ces récits jouent-ils un rôle dans la compréhension des phénomènes migratoires ?
4- Information, désinformation et mise en scène des flux migratoires : l’épisode filmé et photographié d’une fillette hondurienne en larmes, séparée de ses parents à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, a été largement diffusé sur la Toile et dans les médias du monde entier. Quelles peuvent être l’influence ou l’incidence des réseaux sociaux, des chaînes d’information en continu, des images saisies au cœur de ces évènements dramatiques, sur les lecteurs et les spectateurs qui y assistent quasi simultanément, ainsi que sur les acteurs de ces migrations ? Dans quelle mesure la médiatisation de la crise migratoire latino-américaine participe-t-elle à l’événement lui-même, à sa fabrication et à sa réception ? On pourra également questionner les prises de position du président américain Donald Trump sur la matérialisation de la frontière par un mur et leur impact sur les flux migratoires récents des « dreamers » et de ceux qui fuient la violence et la misère de leur pays. Des images servent ainsi à illustrer, aux États-Unis mais également dans d’autres pays, la rhétorique du grand déferlement, de l’invasion de l’étranger. Un regard critique sur la communication orchestrée par les médias américains et latino-américains sur le phénomène migratoire serait le bienvenu.
Chaque communication n’excèdera pas 20 minutes. Les propositions de communications (titre et résumé) sont à envoyer à Anne-Claudine Morel et Isabelle Clerc avant le 15 mai 2020, accompagnées d’un bref CV.
Comité d’organisation :
Anne-Claudine Morel (PR, Université Côte d’Azur) et Isabelle Clerc (MCF, Université Côte d’Azur).
[1] Voir l’ouvrage de Argán Aragon, Migrations clandestines d’Amérique centrale vers les Etats-Unis, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2014. [2] Rêves d’or (La jaula de oro) de Diego Quemada-Diez (2013), Sin nombre de Cary Joji Fukunaga (2009), Guten Tag, Ramon de Jorge Ramirez Suares (2014). [3] Los resistentes de François-Xavier Freland (2018). [4] Vénézuéliens, la route de l’exode, Nassrine Radouaia, août 2018, photos AFP. [5] Voir par exemple la série « Yo inmigrante » de Rayma, dessinatrice de presse vénézuélienne. |
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Lieu Université Côte d'Azur, Campus Carlone | ||||||
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