Appels à communication

Figure de proue de la culture de masse et de l'hypermodernité dans lesquelles l'Espagne bascule au cours des années soixante-dix, le télespectateur reste à ce jour un inconnu que l'on accable ou ignore en fonction des circonstances et des intérêts qu'il suscite.

Dès les années soixante-dix, les télespectateur etaient déjà perçus comme "teleadictos", par José María Rodríguez Méndez. Avec 4 heures et 27 minutes de télé-visionnage journalier, les Espagnols comptent parmi les meilleurs représentants de cette consommation d'images qui caractérise, selon Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, l'ère de l'écran global. Dernier des grands types de publics apparus au XXème siècle avant l'ère d'internet, victime consentante d'overdose visuelle, le télespectateur est un consommateur outrancier. Le regard qu'il porte sur la société dépasse largement l'influence que la "spectature" (Yves Thoret) pouvait jusque là exercer sur la création, qu'elle fût ou non artistique. Son impatience, sa répulsion grandissante des temps morts et de la lenteur ont remis en question ou déjoué les règles de la dramatisation classique.

La réalité, comprise désormais comme succession d'événements (ressassés à l'envi) a supplanté les "grands récits" fondateurs de l'"être collectif" (J.F. Lyotard) quand elle n'est pas elle-même une pure création télévisuelle (Gérard Imbert). La "téléréalité" subjugue autant qu'elle exaspère. Le regard versatile du télespectateur nourrit cette "telebasura" dans laquelle le philosophe Gustavo Bueno voit un irremplaçable observatoire de la société espagnole contemporaine.

Contradictoire, hypersensible à la banalité et épris de dívertissement, le télespectateur constitue un redoutable pouvoir. Les Espagnols consacrent en moyenne quinze ans pleins de leur vie à regarder la télévision. Etre télespectateur est devenu constitutif de leur identité. Cette dimension invite à s'interroger sur la richesse et les spécificités spectaculaires et socioculturelles d'un objet quasi exclusivement appréhendé, jusque là, sous l'angle statistique et audiométrique. Sans perdre de vue l'utilité de cette quantification et l'importance commerciale du télespectateur, cette journée d'études vise avant tout à mettre en lumière le poids, le rôle et l'évolution du télespectateur dans la réception de la production culturelle, ainsi que son influence sur la création.

Cette journée d'étude est une collaboration de l'atelier AETE du CREC de Paris III Sorbonne Nouvelle et de LIRE19-21 (CRIIA, EA-369) de Paris Ouest Nanterre la Défense.