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Contre-cartographies dans les Amériques, XVIème-XXIème siècles
FLSH Université de Limoges, Laboratoire EHIC,
jeudi 7-vendredi 8 février 2019
 
L’émergence et la consolidation progressive de l’hégémonie de la cartographie en tant qu’outil de représentation de l’espace sont intimement liées au processus de colonisation européen du Nouveau Monde. La rapide expansion du « monde connu » à partir du XVIe siècle a engendré un profond renouvellement de la conception de l’espace et va en effet contribuer au rapide développement d’une science cartographique visant à traduire le monde sous la forme d’une image mobile et mobilisable (Mignolo). La carte se veut dès lors un outil stratégique, un instrument de savoir-pouvoir géopolitique fondamental : pour les Européens qui se lancent à la conquête du continent américain, cartographier ne signifie non pas seulement connaître et rendre intelligible mais aussi domestiquer, soumettre, occulter, contrôler et même contredire l’ordre de la nature. Outils de guerre, outils d’exercice de la souveraineté et d’emprise symbolique et matérielle sur l’espace national, les cartes deviennent des supports essentiels de la puissance gouvernementale des Etats modernes : elles rendent possible l’administration verticale des populations, des territoires et des ressources. Dans les Amériques, la carte, en objectivant le mythe de la terra nullius, a ainsi permis de naturaliser les opérations de dépossession, d’extraction et d’élimination qui ont accompagné l’avancée de la frontière interne et l’intégration progressive des peuples et des espaces à l’ordre de l’État-nation et à la logique du développement. Loin d’avoir disparu, ces processus violents se perpétuent aujourd’hui encore par le biais des nouvelles technologies de cartographie intégrale du monde.
Perçu comme une image analogique qui aspire à garantir un reflet fidèle de la réalité, le discours cartographique (Hartley) ne produit pourtant pas tant une « vision du monde » qu’un monde : il sanctionne, institue, consacre la vision de l’espace qu’il produit tout en oblitérant le rapport de pouvoir qui fonde sa légitimité et sa conformité au réel. Pourtant, si la carte constitue un outil majeur d’inscription territoriale et symbolique du pouvoir hégémonique, elle peut aussi faire l’objet d’un travail de démystification ou de réappropriation de la part des communautés, collectifs et individus qui contestent sa prétention à la description objective de l’ordre spatial. Ainsi, en Amérique, des collectifs minoritaires et/ou subalternes (indigènes, noir.e.s, chicano/as, femmes, LGBT, etc.) ont pu proposer des contre-cartographies qui déconstruisent la vision totalisante des cartes hégémoniques, cherchent à en révéler les enjeux épistémiques, éthiques et politiques sous-jacents et proposent de rendre visible ce qu’elles occultent. La résistance peut aussi prendre la forme d’une critique radicale du primat de la visualité, de la description verticale et désincarnée, et de la rationalité instrumentale qui fonde la représentation cartographique: elle vise alors non pas seulement à déconstruire les principes de vision et de divisions institués par les cartes mais aussi à reconstruire de nouvelles géo-graphies, à faire émerger d’autres rapports cognitifs au territoire, appréhendé comme lieu et support de vie.
De la même façon, les logiques de manipulation, de subversion et de détournement de l’ordre cartographique se situent au cœur d’un imaginaire qu’ont largement contribué à forger auteurs et artistes américains, inscrivant ses représentations dans le champ de la production culturelle. Ses déclinaisons dans les lettres, les arts visuels et performatifs invitent ainsi à l’envisager comme matériau créatif et objet de fiction, induisant, au carrefour des disciplines et des langages, de nouveaux « partages du sensible » (Rancière). C’est ce versant culturel qu’il s’agira également d’explorer à travers des réflexions croisées sur les cartes fictionnelles et métaphoriques, leur construction, leurs effets sur le lecteur ou le spectateur et les transferts éventuels de schémas hégémoniques et/ou contre-hégémoniques d’un monde à un autre. Vue sous cette angle, la carte n’est plus seulement cantonnée au rôle de compagne d’une Histoire globale unifiée (eurocentrique, étatique, patriarcale et capitaliste). Elle peut devenir le moteur d’une pluralisation critique des histoires, des mondes, des subjectivités et des territorialités.
Quels enjeux se trouvent derrière les dynamiques contre-cartographiques dans le contexte des Amériques ? Dans quel contexte les logiques contre-cartographiques peuvent-elles se mettre en place ? Comment se créent-elles et de quelles impulsions émanent-elles ? Quels savoirs sont mobilisés dans les processus d’élaboration contre-cartographique ? Dans quelle mesure parviennent-elles à déjouer les représentations hégémoniques de l’espace ? Ce colloque international se propose d’interroger les mécanismes de l’alliance entre cartes et domination, ainsi que ceux de sa subversion à travers la notion de contre-cartographie. Ce concept, issu de la géographie radicale (née des mouvements contre-culturels des années 1960 aux États-Unis), sera appliqué à d’autres disciplines et entendu dans un sens élargi, diachronique, trans- et pluridisciplinaire pour intégrer la diversité des formes cartographiques (cognitives, sonores, corporelles, artistiques, numériques, etc.) et des politiques de la représentation qui ont pour enjeu la critique des formes hégémoniques de production de l’espace.
 
Les propositions pourront s’intégrer dans les axes suivants (liste non exhaustive) :
 
  • Cartographie critique et radicale (militante, décoloniale, féministe, écologiste...)
  • Logiques contre-étatiques et anti-impérialistes : cartographies alternatives
  • Questionnements géopolitiques sur les sphères d’influence (mouvances, flux migratoires, frontières etc.)
  • Remise en question et redéfinition des géographies culturelles et/ou linguistiques
  • Cartographies des mondes souterrains (mafias, contrebandiers, hackers…)
  • Détournement et déconstruction des cartes dans les arts et les lettres
  • Contre-cartographies numériques
 
Les propositions devront être limitées à 500 mots et être accompagnées d’une courte biographie de leur auteur (200 mots) à envoyer avant le 15 octobre 2018 à et
 
Date de réponse : 30 octobre 2018
 
Langues du colloque : français, anglais, espagnol. Le colloque donnera lieu à la publication d’un ouvrage en français aux Presses Universitaires de Limoges. La traduction des articles en anglais ou en espagnol devra être prise en charge par l’auteur.e.
 
Comité organisateur et scientifique :
Diane Bracco (études culturelles hispaniques / cinéma espagnol)
Philippe Colin (civilisation latino-américaine)
Luis Fé Cantó (histoire espagnole)
Lucie Genay (civilisation des Etats-Unis)
Saïd Ouaked (civilisation des Etats-Unis)
 
 

Bibliographie sélective
 
Besse, Jean-Marc. Face au monde : atlas, jardins, géoramas, Paris, Desclée de Brouwer (Arts & esthétique), 2003.
Bryan, Joe & Wood, Denis. Weaponizing Maps: Indigenous People and Counterinsurgency in the Americas, New York/London, Guilford Press, 2015.
Crampton, Jeremy W. “Maps as social constructions: power, communication and visualization, Progress in Human Geography,” Progress in Human Geography, Atlanta, Georgia State University,   25, 2, 2001, p. 235–252.
Foucault, Michel, « Questions à Michel Foucault sur la géographie », Hérodote, n° 1, janvier-mars 1976, Dits Ecrits tome III., p. 71-85.
Garfield, Simon. On the Map: Why the World Looks the Way it Does, Londres, Profile Books, 2013.
Harley, John B. “Maps, Power and Knowledge,” dans The Iconography of Landscape, dir. D. Cosgrove et S. Daniels, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 277-312.
Harley, John B. The New Nature of Maps: Essays in the History of Cartography, Baltimore, John Hopkins University Press, 2001.
Lefebvre, Henri. La production de l’espace, 4e édition, Paris, Economica, 2000.
Mignolo, Walter. The Dark Side of Renaissance, Literacy, Territoriality and Colonization, Ann Harbor, The University of Michigan Press, 1997.
Poole, Peter. Cultural Mapping and Indigenous Peoples, Geneva, UNESCO, 2003.
Porto, Carlos. Geo-grafías. Movimientos sociales, nuevas territorialidades y sustentabilidad, México, Siglo Veintiuno, 2001.
Rekacewicz, Philippe.“Cartographie radicale,” Le Monde Diplomatique (Atlas du monde diplomatique), 2013.
Speranza, Graciela. Atlas portátil de América Latina. Arte y ficciones errantes, Barcelona, Anagrama, 2012.
Westphal, Bertrand. Le Monde plausible. Espace, lieu, carte, Paris, Les Éditions de Minuit, 2011.
Westphal, Bertrand. La Cage des méridiens. La littérature et l’art contemporain face à la globalisation, Paris, Les Éditions de Minuit, 2017.
Wood, Denis. The Power of Maps, New York/London, Guilford Press, 1992.
Wood, Denis & Fels, John. “Design on Signs/Myths and Meanings in Maps,” Cartographica, Ottawa, Canadian Cartographic Association, 23, 3, 1986, p. 54-103.
 
 
Contra-cartografías en las Américas, siglos XVI-XXI
FLSH Universidad de Limoges, Laboratorio EHIC, jueves 7- viernes 8 de febrero de 2019
 
La emergencia y la paulatina consolidación de la hegemonía de la cartografía como herramienta de representación del espacio están estrechamente vinculadas con el proceso de colonización europeo del Nuevo Mundo. La rápida expansión del “mundo conocido” a partir del siglo XVI engendra una profunda renovación de la concepción del espacio y contribuye al desarrollo rápido de una ciencia cartográfica que pretende traducir el mundo bajo la forma de una imagen móvil y movilizable (Mignolo). El mapa se impone por tanto como una herramienta estratégica, un instrumento de saber-poder geopolítico fundamental: para los europeos que emprenden la conquista del continente americano, cartografiar no significa solo conocer y hacer inteligible sino también domesticar, someter, ocultar, controlar, hasta contradecir el orden de la naturaleza. Herramientas de guerra, herramientas de ejercicio de la soberanía y de dominio simbólico y material sobre el espacio nacional, los mapas se convierten en soportes esenciales de la potencia gubernamental de los Estados modernos: posibilitan la administración vertical de las poblaciones, los territorios y los recursos. De hecho, en las Américas, el mapa, al objetivizar el mito de la terra nullius, permitió naturalizar las operaciones de desposesión, extracción y eliminación que acompañaron al avance de la frontera interna y la integración progresiva de los pueblos y los espacios en el orden del Estado-nación y la lógica del desarrollo. Dichos procesos violentos no han desaparecido, ni mucho menos, ya que se siguen perpetuando hoy en día mediante las nuevas tecnologías de cartografía integral del mundo.
Sin embargo, el discurso cartográfico (Hartley), percibido como una imagen analógica que aspira a garantizar un reflejo fiel de la realidad, no produce tanto una “visión del mundo” como un mundo: sanciona, instituye, consagra la visión del espacio producido por dicho discurso, a la vez que oblitera la relación de poder que funda su legitimidad y su conformidad con lo real. Aunque el mapa constituya una herramienta esencial de inscripción territorial y simbólica del poder hegemónico, también puede ser objeto de un trabajo de desmistificación o reapropiación por parte de las comunidades, colectivos e individuos que contestan su pretensión a la descripción objetiva del orden espacial. Por ejemplo, en América, algunos colectivos minoritarios y/o subalternos (indígenas, negr@s, chican@s, mujeres, LGBT, etc.) llegaron a proponer contra-cartografías que deconstruyen la visión totalizadora de los mapas hegemónicos, buscan revelar sus lógicas epistémicas, éticas y políticas subyacentes y dan visibilidad a lo que ocultan. La resistencia también puede cobrar la forma de una crítica radical a la primacía de la visualidad, a la descripción vertical y desencarnada, y a la racionalidad instrumental que funda la representación cartográfica: tiene entonces como objetivo no solo deconstruir los principios de visión y de división instituidos por los mapas sino también reconstruir nuevas geo-grafías, propiciar la emergencia de nuevas relaciones cognitivas con el territorio, enfocado como lugar y soporte de vida.
Del mismo modo, las lógicas de manipulación, subversión y reconfiguración del orden cartográfico se hallan en el centro de un imaginario forjado en gran parte por los autores y artistas americanos que inscriben sus representaciones en el campo de la producción cultural. Las declinaciones cartográficas en las letras, las artes visuales y performativas invitan por tanto a considerar el mapa como material creativo y objeto de ficción en la encrucijada de las disciplinas y los lenguajes, induciendo nuevos “repartos de lo sensible” (Rancière). Se tratará de explorar precisamente esa vertiente cultural a través de las reflexiones cruzadas sobre los mapas ficcionales y metafóricos, su construcción, sus efectos en el lector o el espectador y las eventuales transferencias de esquemas hegemónicos y/o contra-hegemónicos de un mundo a otro.
Desde este punto de vista, el mapa ya no se limita al papel de compañera de una Historia global unificada (eurocéntrica, estatal, patriarcal y capitalista). Puede convertirse en el motor de una pluralización crítica de las historias, los mundos, las subjetividades y las territorialidades.
¿Qué revelan las dinámicas contra-cartográficas del y en el contexto de las Américas? ¿En qué contexto pueden surgir y establecerse las lógicas contra-cartográficas? ¿En qué medida logran superar las representaciones hegemónicas del espacio? Este coloquio internacional se propone interrogar los mecanismos de la alianza entre mapas y dominación, y los de su subversión a través de la noción de contra-cartografía. Dicho concepto, que procede de la geografía radical (derivada de los movimientos contra-culturales de los 60 en Estados Unidos), se aplicará a otros campos y se entenderá en un sentido más amplio, diacrónico, trans- y pluridisciplinar para abarcar la diversidad de las formas cartográficas (cognitivas, sonoras, corporales, artísticas, digitales, etc.) y de las políticas de la representación que pretenden criticar las formas hegemónicas de producción del espacio.
Las propuestas se podrán inscribir en los siguientes ejes (lista no exhaustiva):
  • Cartografía crítica y radical (militante, descolonial, feminista, ecologista...)
  • Lógicas contra-estatales y anti-imperalistas: cartografías alternativas
  • Interrogaciones geopolíticas sobre las esferas de influencia (movimientos, flujos migratorios, fronteras...)
  • Cuestionamiento y redefinición de las geografías culturales y/o lingüísticas
  • Cartografías de los mundos subterráneos (mafias, contrabandistas, hackers…)
  • Subversión, deconstrucción y reconfiguración de los mapas en las artes y las letras
  • Contra-cartografías digitales
 
Las propuestas se limitarán a 500 palabras y se enviarán con una breve biografía de su autor.a (200 palabras) antes del 15 de octubre de 2018 a los siguientes correos: y
 
Fecha de respuesta: 30 de octubre de 2018
 
Lenguas del coloquio: francés, inglés, español. El coloquio desembocará en la publicación de una obra en francés en las Presses Universitaires de Limoges. El/La autor.a se encargará de la traducción al francés de los artículos en inglés o en español.
 
 
Comité organizador y científico:
Diane Bracco (estudios culturales hispánicos/cine español)
Philippe Colin (civilización de Hispanoamérica)
Luis Fé Cantó (historia de España)
Lucie Genay (civilización de Estados Unidos)
Saïd Ouaked (civilización de Estados Unidos)
 

Bibliografía selectiva
 
Besse, Jean-Marc. Face au monde : atlas, jardins, géoramas, Paris, Desclée de Brouwer (Arts & esthétique), 2003.
Bryan, Joe & Wood, Denis. Weaponizing Maps: Indigenous People and Counterinsurgency in the Americas, New York/London, Guilford Press, 2015.
Crampton, Jeremy W. “Maps as social constructions: power, communication and visualization, Progress in Human Geography,” Progress in Human Geography, Atlanta, Georgia State University,   25, 2, 2001, p. 235–252.
Foucault, Michel, « Questions à Michel Foucault sur la géographie », Hérodote, n° 1, janvier-mars 1976, Dits Ecrits tome III., p. 71-85.
Garfield, Simon. On the Map: Why the World Looks the Way it Does, Londres, Profile Books, 2013.
Harley, John B. “Maps, Power and Knowledge,” dans The Iconography of Landscape, dir. D. Cosgrove et S. Daniels, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 277-312.
Harley, John B. The New Nature of Maps: Essays in the History of Cartography, Baltimore, John Hopkins University Press, 2001.
Lefebvre, Henri. La production de l’espace, 4e édition, Paris, Economica, 2000.
Mignolo, Walter. The Dark Side of Renaissance, Literacy, Territoriality and Colonization, Ann Harbor, The University of Michigan Press, 1997.
Poole, Peter. Cultural Mapping and Indigenous Peoples, Geneva, UNESCO, 2003.
Porto, Carlos. Geo-grafías. Movimientos sociales, nuevas territorialidades y sustentabilidad, México, Siglo Veintiuno, 2001.
Rekacewicz, Philippe.“Cartographie radicale,” Le Monde Diplomatique (Atlas du monde diplomatique), 2013.
Speranza, Graciela. Atlas portátil de América Latina. Arte y ficciones errantes, Barcelona, Anagrama, 2012.
Westphal, Bertrand. Le Monde plausible. Espace, lieu, carte, Paris, Les Éditions de Minuit, 2011.
Westphal, Bertrand. La Cage des méridiens. La littérature et l’art contemporain face à la globalisation, Paris, Les Éditions de Minuit, 2017.
Wood, Denis. The Power of Maps, New York/London, Guilford Press, 1992.
Wood, Denis & Fels, John. “Design on Signs/Myths and Meanings in Maps,” Cartographica, Ottawa, Canadian Cartographic Association, 23, 3, 1986, p. 54-103.
 
Lieu Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Limoges
Contact Diane Bracco () et Lucie Genay ()

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