Argumentaire:
La décennie 1960 apparaît comme une période de profonds bouleversements politiques, économiques et sociaux. Mais dans le monde occidental, l’effervescence révolutionnaire touche tout particulièrement le modèle de la famille nucléaire bourgeoise hérité du XIXe siècle. Ce schéma familial plaçait le pater familias au centre du pouvoir et imposait une position de subordination aux autres membres, tant dans leurs relations conjugales qu’intergénérationnelles. Ce modèle est battu en brèche durant les années 1960-1970. La télévision, en plein essor à cette époque, n’a pas été étrangère à cette évolution. Elle l’a accompagnée dans un double mouvement. Elle s’est positionnée en tant que garante de l’ordre établi tout en intégrant les mutations sociales consensuelles dans ses productions. Les séries télévisées constituent des sources d’un grand intérêt pour analyser ces phénomènes. La famille occupe en effet une place de choix dans les productions d’Amérique du Nord et de l’Amérique latine. Au nord du continent, de nombreuses séries tournent entièrement sur le thème de la famille depuis les années 1950 comme Bewitched (Ma sorcière bien-aimée, 1964-1972). En Amérique latine, le genre télévisuel spécifique que constitue la telenovela est davantage centré sur la relation amoureuse mais qui s’intègre très souvent dans un cadre familial. C’est le cas par exemple de l’emblématique El derecho de nacer, une telenovela vénézuélienne inspirée du scénario d’une radionovela cubaine et qui connut une très grande audience dans l’Amérique latine des années 1960. Or, on observe une importante remise en question du modèle de la famille traditionnelle à partir des années 1970. Ainsi, progressivement, aux États-Unis, les scénarios portent à l’écran des femmes célibataires (The Mary Tyler Moore Show, 1970-1977), des familles de classe populaire (All in the Family, 1971-1979), recomposées (The Brady Bunch, 1969-1974), avec des mères célibataires (The Partridge Family, 1970-1974), non-blanches (Sanford and Son, 1972-1977), avec des enfants adoptés (Diff'rent Strokes/Arnold et Willy, 1978-1985), avec un membre en situation de handicap (Life Goes On/Corky, un adolescent pas comme les autres, 1989-1993) et homoparentales (It’s All Relative, 2003-2004). En Amérique latine, on observe aussi une rupture dans le modèle bourgeois de la famille. L’oppression de classe et la critique de la bourgeoisie apparaissent dans des telenovelas comme Natacha (1970) ou la célèbre Los ricos también lloran (1979-1980). Mais ce sont surtout les productions brésiliennes qui proposent, entre 1970 et 2000, les scénarios les plus novateurs. C’est le cas de A sucessora (1978-1979), Vale tudo (1988-1989) ou Tieta (1989-1990). En revanche, la question raciale demeure taboue dans le sous-continent américain y compris au Brésil où plus de la moitié de la population est pourtant afro-descendante.
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