La notion de « victime » est de plus en plus présente dans les travaux qui portent sur les passés douloureux. Que l’on parle de guerres, de génocides, de dictatures, elle fait généralement référence aux acteurs qui ont souffert des conséquences de ces événements. Toutefois, sa définition a toujours posé problème. Ainsi, pendant longtemps, on a surtout parlé de « témoins » accordant ainsi peu de place à la « victime ». Á titre d’exemple, si l’on pense aux textes de Primo Levi, ou aux travaux du philosophe Giorgio Agamben, le terme de « victime » est très peu utilisé. En France, les travaux récents de Didier Fassin et Richard Rechtman (L’Empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, 2007) permettent d’établir une généalogie de la figure de la « victime » et d'en comprendre l'évolution. Selon les auteurs, c’est dans le cadre d’une procédure judiciaire (procès Touvier, Papon et Barbie), et suite à une reconnaissance médicale, que la « victime » devient une figure légitime dans un espace social. Si les travaux de Fassin et Rechtman, et ce ne sont pas les seuls, s’orientent progressivement vers les « victimes mobilisées », celles qui se regroupent au sein de collectifs et/ou d’associations, ils nous éclairent sur l’évolution de cette « figure » et, surtout, insistent sur un élément fondamental dans la construction de la condition de « victime » : l’importance du contexte social et politique dans l’utilisation ou la définition du terme.
Partant de ce constat, ce colloque souhaite alimenter les réflexions sur la notion de « victime » au XXème et au XXIème siècles en s’intéressant plus particulièrement aux aires géographiques hispanophones et lusophones. Depuis plus d’une vingtaine d’années, la Guerre Civile et le Franquisme en Espagne, la dictature de Salazar au Portugal et les guerres coloniales en Angola, Guinée-Bissau et au Mozambique, la dictature de Pinochet au Chili, celle des Juntes militaires en Argentine et au Brésil et la dictature Civico-militaire en Uruguay ont fait l’objet de nombreux travaux scientifiques. Ces recherches, qui s’alimentent des travaux qui portent sur la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, élargissent les réflexions sur les « passés qui ne passent pas » en s’intéressant aux contextes politiques et sociaux qui ont favorisé l’émergence de ces régimes, leurs mises en place, leurs continuités, leurs fins et leurs conséquences dans l’actualité. Au cœur de ces travaux se trouvent de nombreux acteurs -victimes, bourreaux, membres de la société civile, classes politiques, intellectuels, etc.- qui ont été à l’initiative ou ont collaboré à de nombreuses actions qui les ont amenés à raconter leurs expériences et, souvent, à se définir par rapport à la figure de la « victime ».
Dans la recherche, à l’instar des travaux français, la notion de « victime » est de plus en plus présente dans les productions scientifiques. Alors que la « victime » était évoquée auparavant dans le cadre de travaux amples, elle fait maintenant l’objet de travaux à part entière de la part de nombreux chercheurs. Le colloque La notion de "victime" : récits, discours et représentations dans les espaces lusophones et hispanophones sera l'occasion d’élargir le débat en s’intéressant à la notion de « victime » dans les récits, les discours et les représentations portant sur les passés douloureux (récits de l’exil, de la prison, des centres de détention et de torture et de proches ; témoignages auprès d’instances étatiques, juridiques nationales et/ou supranationales, des médias nationaux et/ou étrangers ; films de fiction ou documentaires ; œuvres picturales, photographiques, etc. ; musées ou espaces pour la mémoire, mémoriaux, monuments ; discours de mobilisations de victimes) et, en particulier, d'en interroger l'utilisation et la pertinence, de questionner leur statut et leur rôle ainsi que ceux de leurs auteurs et, plus largement, d’étudier les diverses représentations propres à une atmosphère socioculturelle donnée.
Organisateurs :
Georges Da Costa (ERLIS - Université de Caen Basse-Normandie)
Nadia Tahir (ERLIS - Université de Caen Basse-Normandie)
Conseil Scientifique :
Viviana Agostini-Ouafi, Université de Caen Basse-Normandie
Sandra Assunçao, Université Paris X Nanterre
Maud Chirio, Université Paris-Est Marne-la-Vallée
Claudia Feld, CONICET-Instituto de Desarrollo Economico (Argentine)
José Luis Ledesma, Universidad de Zaragoza (Espagne)
Yves Léonard, Sciences Po Paris - Centre d'Histoire de Sciences Po
Modalités de soumission :
Les propositions de communications (un résumé de 500 mots et une notice biographique de 100 mots, en français) sont à envoyer à et avant le 30 septembre 2013.
Les réponses aux intervenants seront envoyées courant décembre 2013.
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