Colloque international Altérités migrantes dans la fiction littéraire espagnole contemporaine (XIXe -XXe -XXIe siècles) |
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APPEL À COMMUNICATIONS Altérités migrantes dans la fiction littéraire espagnole contemporaine (XIXe -XXe -XXIe siècles) Colloque international – 19 et 20 mars 2026 Responsables scientifiques :
Présentation : Dans un monde globalisé sur le plan économique, confronté aux menaces des conflits armés et du changement climatique, les migrations représentent l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. Loin d’être un phénomène nouveau, les mouvements migratoires ont jalonné l’histoire de l’humanité et ont jeté les bases de nos sociétés multiculturelles. La littérature s’empare à son tour de ce thème (trop) longtemps accaparé par le discours politique et médiatique. Ce colloque international se propose d’explorer les reconfigurations littéraires induites par les migrations dans la narration espagnole contemporaine, du XIXe siècle à nos jours. Il s’agit moins de considérer la migration comme une simple thématique que comme un prisme structurant de l’identité narrative, un processus esthétique et épistémologique qui transforme les régimes d’énonciation, les architectures textuelles et les rapports au langage. Comment représenter la tension entre l’ici et l’ailleurs, l’appartenance en suspens, les identités recomposées ? Comment mettre en récit une trajectoire de déplacement sans l’enfermer dans une logique victimaire, folklorisante ou utilitaire ? Dans une perspective diachronique qui s’étend des récits du XIXe siècle aux fictions ultracontemporaines du XXIe siècle, en passant par les écritures marquées par les grandes migrations économiques ou postcoloniales du XXe siècle, ce colloque vise à interroger la manière dont la fiction narrative espagnole capte, réfléchit et met en tension les expériences migratoires. Au croisement des approches postcoloniales, de la critique diasporique et des études migratoires, l’écriture narrative déconstruit les récits dominants sur l’expérience de la migration. Elle interroge les imaginaires de la frontière, les formes de subjectivation en contexte diasporique, mais aussi les dispositifs narratifs qui rendent compte de la migration dans toute sa complexité. Ce colloque entend également opérer une distinction rigoureuse entre les récits d’exil et les représentations de l’altérité migrante. Alors que l’exil – souvent contraint – a fait l’objet de nombreuses analyses critiques, ce sont ici les figures migrantes motivées par des causes économiques, géographiques ou géopolitiques qui retiennent l’attention. Loin d’un paradigme strictement tragique, il s’agit d’interroger les enjeux de visibilité, de stigmatisation et d’agentivité dans des contextes de mobilité subalterne. La notion d’« altérité migrante » (Ouadi-Chouchane, 2024), centrale dans ce colloque, ne saurait se réduire à un simple synonyme de « personnage migrant ». Elle désigne un ensemble de figures, de représentations et de dispositifs narratifs où la migration se donne à voir comme expérience du déplacement, du déclassement, de l’effacement, mais aussi de la résistance et de la reconstruction de soi. Cette altérité est genrée, située, contextualisée, performée, narrée. Elle s’écrit dans la langue de l’Autre, à la première personne (escritura del yo), ou se déploie dans des récits polyphoniques et fragmentés. Elle concerne tout particulièrement les figures féminines et enfantines, souvent reléguées au rang d’invisibles parmi les invisibles, mais aussi les corps racialisés, déplacés, « frontiérisés » (Agier), assignés à des non-lieux (Augé), à une « inexistence encombrante » (Bourdieu), ou à des statuts transitoires juridiquement flous (Mazzella). En reconfigurant ainsi les formes et les voix, la narration espagnole contemporaine – depuis les premiers récits migratoires du XIXe siècle jusqu’aux écritures transnationales et autofictionnelles du XXIe siècle – propose des alternatives critiques aux catégories fixes de nationalité, d’origine ou d’identité. Elle ouvre un espace de confrontation, de négociation et de création où se rejoue, à travers la littérature, la pluralité des mondes en migration. Le cadre de pensée convoqué repose sur des approches pluridisciplinaires : Abdelmalek Sayad, sur la double peine du migrant ; Michel Agier, sur la logique des frontières ; Julia Kristeva, sur l’étranger comme figure intime de la subjectivité ; Emmanuel Levinas et Paul Ricœur, sur la dialectique du Même et de l’Autre ; Judith Butler, sur les vies précaires et les identités vulnérables. Ce croisement de perspectives permet d’interroger les effets de définition flottante des catégories en usage – migrant, immigré, réfugié, expulsé, illégal – et leurs implications politiques, médiatiques et littéraires. L’altérité migrante devient ainsi un outil critique pour penser la subjectivation, les exclusions, les formes de résistance narrative et les contre-récits. Elle engage une réflexion sur l’identité narrative (Ricœur), entre identité assignée et identité choisie, entre ipséité et altérité, dans une tension constante entre mémoire, langage et appartenance. Dans cette optique, les notions de « littérature migrante », « littérature de la migrance » ou encore « écritures migrantes », héritées des débats critiques européens des années 1990, apparaissent à la fois opérantes et limitées. Comme le souligne Pierre Halen (« À propos des modalités d’insertion des littératures dites de l’immigration ou migrantes dans le système littéraire francophone », 2008), ces étiquettes risquent de dissocier la matérialité historique du phénomène migratoire de sa mise en fiction, en réduisant la question de l’identité à une simple catégorisation thématique. Mohamed Abrighach (La inmigración marroquí y subsahariana en la narrativa española actual, 2006) analyse quant à lui une poétique du déplacement, où la migration – vécue ou mise en récit – inscrit une altérité mouvante et transversale au cœur du dispositif narratif. Cette approche souligne un paradoxe fondamental : la migration n’est pas seulement un motif, mais un agent de transformation esthétique, qui affecte la langue, la polyphonie, le rythme même de la narration. Cristián Ricci (Literatura periférica en castellano y catalán, 2010) propose pour sa part le concept de « littérature périphérique » afin de désigner ces œuvres qui, bien qu’éloignées du canon dominant, reconfigurent activement la cartographie littéraire contemporaine en y intégrant des voix issues des marges culturelles et linguistiques. Dans une étude consacrée aux écritures autobiographiques en langue catalane, Pilar Arnau Segarra (« L’hybridité identitaire dans une littérature émergente : l’écriture du ‘moi’ hybride dans l’œuvre autobiographique des écrivains catalans d’origine maghrébine », 2016) observe l’apparition, au XXIe siècle, d’une production littéraire portée par des auteur·rices issu·es de la migration, notamment originaires du Maroc. Ces écrivain·es qui ont vécu le phénomène migratoire ou en sont issu·es, tels que Najat El Hachmi, Laila Karrouch, Youssef El Maimouni, Safia El Aaddam, Mohamed El Morabet ou Saïd El Kadaoui Moussaoui, élaborent des récits du moi marqués par une double appartenance culturelle et linguistique. Yasmina Romero Morales, quant à elle, dans Moras. Imaginarios de género y alteridad en la narrativa española femenina del siglo XX (2023), propose une analyse critique des représentations des femmes dites moras dans la fiction espagnole écrite par des auteures au XXe siècle. Croisant les approches postcoloniales, les théories du genre et la critique littéraire, elle met en lumière les stéréotypes persistants qui assignent à ces personnages des rôles de paysages, de sorcières, de mères silencieuses ou de créatures sexualisées, tout en interrogeant les dispositifs narratifs qui les figent dans l’altérité. À travers ces textes, s’affirme une forme d’hybridité identitaire et poétique qui redéfinit les contours de la littérature espagnole contemporaine, en y intégrant les tensions et les dynamiques propres également aux situations diasporiques (Donato Ndongo Bidyogo, Lucía Asué Mbomío Rubio…), tandis que des voix comme celles de María Dueñas, Andrés Sorel, Antonio Lozano, Ángeles Caso, Rafael Chirbes, Miguel Ángel Hernández, Pablo Gutiérrez, ou encore Agustín Fernández Paz mettent en scène des trajectoires migrantes comme révélatrices des tensions sociales contemporaines. Axes thématiques Les propositions pourront porter sur des corpus narratifs espagnols du XIXe, XXe ou XXIe siècle. Une attention particulière sera portée aux analyses qui articulent les enjeux esthétiques, narratologiques et politiques de la représentation migrante. Les communications pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants, sans s’y limiter :
Modalités de soumission Date limite d’envoi des propositions : 30 septembre 2025 Les propositions devront comporter :
Les communications peuvent être faites en espagnol ou en français. Frais d’inscription : 40 euros pour les membres de la NEC+ (année 2025-2026), 70 euros pour les non-adhérents. Une publication des actes est envisagée à l’issue du colloque, après évaluation scientifique. |
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Lieu Colegio de España, Paris | ||||||
Contact NEC+ | ||||||
Appel à communication disponible sur : https://narrativaplus.org/ |
Aucun évènement |