L'archive: des sources primaires au numérique |
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Le colloque international « L’archive : des sources primaires au numérique » se tiendra les 5 et 6 décembre 2024 à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne (France) et portera sur une problématique centrale des études sur la modernité, à savoir le défi de l’accessibilité aux sources et à l’archive à l’heure du numérique. Ce colloque est le fruit d’une collaboration entre deux laboratoires de l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne, l’IHRIM (https://ihrim.ens-lyon.fr) et ECLLA (https://eclla.univ-st-etienne.fr/fr/index.html) et la structure fédérative de recherche GANESHs (https://ganeshs.hypotheses.org). Il est ouvert aux chercheur.e.s, conservateurs, bibliothécaires, archivistes et aux jeunes chercheur.e.s. Pouvoir de l’archive Dans un article de 2014, D. Schenck[1] mettait en exergue le pouvoir de l’archive, phénomène qui s’est imposé, depuis une période relativement récente, comme une question d’intérêt scientifique et public, qui déborde l’archivistique, et dont la mise en débat interdisciplinaire a redéfini les contours du concept même d’archive. Une chose est sûre, nous entretenons un rapport inquiet et tourmenté à l’archive[2], tout comme la condition humaine tisse un lien ambivalent avec la mémoire. Dans toutes ses manifestations, matérielles ou immatérielles, la présence de l’archive suggère souvent la passion, ailleurs l’embarras parfois le rejet. A divers degrés et sans toujours désigner l’archive en tant que telle, les tenants de l’arbitraire, de doctrines conquérantes ou de savoirs ésotériques, les penseurs de la modernité radicale et totalisante, ont pointé sa réalité et ont préconisé ici sa destruction, là sa dissimulation, tantôt son interdiction, parfois son refoulement ou son détournement. Autant de signes de la cristallisation autour du pouvoir de l’archive qui font émerger la question de son accès, de son contrôle, de sa constitution comme source, de sa diffusion, de sa conservation, de sa pertinence et de sa présence dans les catalogues. L’accès à l’archive se confronte à la question du pouvoir exercé sur le document lui-même, par le document lui-même, par qui en dispose, par qui le détient et par qui en détermine les conditions de diffusion. La pénétration des sciences de l’information dans l’archivistique et dans le traitement des données de la recherche, l’avènement du World Wide Web et le mouvement en faveur de la science ouverte ont rebattu les cartes. Une recomposition numérique de l’économie des savoirs, des archives et de la donnée a bien eu lieu. Si « archive » au singulier a signifié « pièce ou document original »[3], son pluriel désigne l’instance d’autorité qui se l’approprie pour constituer des collections ordonnées en corpus, selon des critères de classification (hiérarchie, titre, etc.). L’archive fonde le lieu comme le lieu fonde l’archive dans son rapport à la vérité et à l’origine[4]. La disruption numérique et le foisonnement de la donnée ont rendu l’archive à son singulier, l’ont affranchi et ont démultiplié son potentiel de circulation. Des sources primaires au numérique Le développement du web et des supports média s’est imposé comme un formidable levier démocratique dans la diffusion des savoirs, la circulation tous azimuts de la donnée permettant ce passage de l’ésotérique à l’exotérique. Alors que les chercheurs et leurs publications restaient cantonnés à une communauté d’initiés, le tournant archivistique -interrogation sur le sens donné à la collecte, à la conservation et à l’accessibilité- et l’essor presque simultané des humanités numériques ont constitué un pas en avant dans l’éclosion de nouvelles méthodes d’analyse des données d’archive et dans leur diffusion[5]. Une bibliothèque-monde a fait surface ainsi qu’un horizon où la collecte et le traitement massif sont rendus possibles, où les singularités peuvent échapper à l’uniformisation des pratiques de catalogage et à l’oubli dans les enfers ou les purgatoires des fonds documentaires. Dans cette extra-territorialité, le document d’archive s’affranchit de sa matérialité et de l’espace de sa source, susceptible, en devenant un ensemble de données autonomes, de former de nouvelles collections, autrement dit décataloguer pour recollectionner, désenclaver l’archive des Archives, et, lorsqu’archiver signifie condamner aux limbes, exhumer et redonner vie. Le numérique a ainsi fait évoluer l’écriture de l’histoire, venant combler la « lacune dans l’archive »[6], mettant au jour documents et objets oubliés ou redécouverts, faisant entendre des voix jusque-là ignorées, parfois dissonantes avec celles de l’histoire officielle héritée du discours des vainqueurs. Ce phénomène de décentrement, né de la rencontre de l’archivistique et du numérique, porte aussi un risque d’atomisation. Comme le document matériel, l’archive numérique est vulnérable et la donnée volatile et périssable, dépendante des supports de mémoire et de l’obsolescence. A cela s’ajoute d’autres facteurs d’entropie que sont la confusion, la falsification, l’arbitraire opéré sur l’archive elle-même, les interprétations erronées et déformantes, où les rapports d’équivalence entre opinions et vérités issues du consensus scientifique brouillent l’accessibilité au sens, générant un bruit de fond qui fait taire l’archive[7]. Le document d’archive comme source de savoir nourrit néanmoins un rapport privilégié à la vérité par sa nature de témoignage[8]. L’archive numérique, quant à elle, pour arguer de véracité, doit-elle toujours se rattacher à une source matérielle comme référence d’authenticité ? Quelles méthodologies pour les sources immatérielles (geste, danse, traditions orales…) sinon les reconstituer à leur tour dans une matérialité, à défaut ou en supplément sous une forme tangible, représentable, visualisable, modélisable ? Lorsque la source primaire est elle-même numérique, comment constituer des archives à partir des flux continus du Web et des réseaux sociaux ? Quelles métadonnées pour l’accessibilité ? Les nouveaux outils numériques ont sans aucun doute là encore une carte à jouer. Le rôle des chercheurs et des acteurs de la conservation n’en est que plus crucial pour authentifier, pour préserver l’intégrité, pour assurer la dynamique de transmission, pour recomposer les corpus, en actualiser l’accès, le contexte et le sens. Notre colloque privilégiera les 3 axes suivants :
Informations pratiques et calendrier - Date du colloque : 5 et 6 décembre 2024 - Lieu : Saint-Étienne (France), Université Jean Monnet - Lancement de l'appel à propositions : 14 mai 2024 - Date limite de soumission des propositions : 30 juillet 2024. Un résumé de 3000 signes maximum, espaces compris, doit être soumis (Times New Roman12, interligne simple). Quatre à six mots-clés et les principales sources sur lesquelles l'article sera basé doivent être inclus. - La priorité sera donnée aux articles portant sur des projets concrets (prévus, en cours ou déjà achevés) qui reflètent l'importance du sauvetage, de la transmission et de la diffusion d'archives matérielles ou immatérielles. - Notification de l'acceptation ou du rejet des propositions : 15 juillet 2024. - Les présentations ne doivent pas dépasser 25 minutes et peuvent être rédigées en français, anglais, espagnol, portugais ou italien. - Les propositions, ainsi que les demandes d'information, doivent être envoyées aux adresses suivantes : Organisation Vito AVARELLO (IHRIM), Raphaèle DUMONT(ECLLA), Emmanuelle RIMBOT(ECLLA), Fabienne VIAL-BONACCI (IHRIM), Ahmad FLITI (CERCOR), Isabelle FURNION (secrétaire du site Saint-Etienne), Geneviève GARDIN (Bibliothèque Université Jean Monnet de Saint-Étienne).
[1] SCHENCK Dietmar, « Pouvoir de l’archive et vérité́ historique », Écrire l'histoire [En ligne], 13-14 | 2014, mis en ligne le 10 octobre 2017, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/elh/ 463 ; DOI : https://doi.org/10.4000/elh.463 [2] Derrida Jacques, Mal d’archive, Paris, Galilée, 1995. [3] GOT Olivier, « « Archive(s) » : le mot », Sigila, 2015/2 (N° 36), p. 13-19. DOI : 10.3917/sigila.036.0013. URL : https://www.cairn.info/revue-sigila-2015-2-page-13.htm [4] DERRIDA Jacques, Trace archive, image et art, Paris, INA édition, 2014. [5] HIRIBARREN, Vincent, 2020, « Tournant archivistique et tournant numérique en Afrique : Entretien avec Vincent Hiribarren » Sources. Materials & Fieldwork in African Studies, no. 1: 273-282. https://halshs.archives-ouvertes.fr/SOURCES/halshs-02865472. [6] Schenck Dietmar, op. cit., p. 41 [7] « Les faits et les événements sont choses infiniment plus fragiles que les axiomes, les découvertes et les théories – même les plus follement spéculatifs – produits par l’esprit humain » in ARENDT Hannah, « Vérité et politique », dans id., La Crise de la culture. Huit exercices de pensée politique [1954], trad. de l’anglais par C. Dupont et A. Huraud, Gallimard, 1972. Nous citons ici d’après l’édition de poche (Gallimard (Folio Essais), 2007), p. 294. [8] Bloch Marc, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 2007 [1949], p. 75. |
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Lieu Université Jean Monnet, Saint-Etienne | ||||||
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