L’unité de recherche ReSO (Recherches sur les Suds et les Orients, UR 4582) de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 regroupe une cinquantaine d’enseignants-chercheurs spécialistes de littérature, de civilisation et de linguistique. Dans leurs travaux, qui portent sur les suds (de l’aire méditerranéenne aux espaces latino-américains et africains) et les orients (du Maghreb jusqu’à la Chine), ils interrogent les spécificités et les interactions intellectuelles et culturelles fondatrices du monde moderne dans sa diversité et sa pluralité : l’héritage hellénique y côtoie celui de la romanité, la pensée occidentale et la pensée orientale s’y rencontrent à travers une pluralité de langues (arabe, catalan, chinois, espagnol, grec moderne, italien, occitan et portugais), de discours divers et de représentations littéraires et artistiques. Dans ces différents espaces se produisent, à travers les siècles, des relations qui sont étudiées selon des approches comparatistes, pluridisciplinaires et transversales.
Dans le cadre de ces dialogues, de ces échanges interculturels et d’approches critiques transversales, l’unité de recherche ReSO organise un colloque autour des notions de propre et de commun afin d’interroger les enjeux de la relation. Si cette manifestation se cantonnera géographiquement aux Suds et aux Orients, elle n’en sera pas moins ouverte à la diversité disciplinaire : les contributions de linguistes, d’historiens, de spécialistes de littérature et des arts, mais aussi de philosophes, de sociologues, de sociolinguistes ou de géographes pourront concourir à l’analyse des notions du propre et du commun où peuvent se croiser et s’entrecroiser des regards complémentaires susceptibles de réunir des perspectives et des points de vue différents.
En effet, le propre – entendu comme ce qui appartient en exclusivité à un individu ou à un groupe qui le caractérise – et le commun – entendu comme ce qui appartient à une communauté – peuvent tantôt créer des espaces de dialogue, tantôt donner lieu à des conflits : dans les deux cas la notion de relation est au cœur de la question, y compris les enjeux de la rencontre, de la découverte de l’altérité, de cultures et de patrimoines divers, de crises ou d’oppositions. La dialectique entre le propre et le commun peut être ainsi interrogée sur les plans historique et culturel, des représentations littéraires et artistiques ou, encore, de la discursivité et de la (des) langue(s).
D’un point de vue historique et culturel, les sociétés ont besoin de réguler les intérêts individuels, privés (le propre) et collectifs (le commun), qui peuvent déterminer la montée en puissance et le déclin des empires, des nations, des classes sociales, des langues et de leurs variétés, de ce que l’on entend aujourd’hui par modernité. La relation entre le propre et le commun concerne également le complexe processus des constructions et des déconstructions identitaires dans un cadre territorial spécifique (local, régional, national ou transnational), contribuant également à définir ce qui est inclus et ce qui est exclu dans la configuration des cultures et des identités et à conditionner les rapports, toujours complexes et nuancés, entre les histoires nationales et le phénomène plus récent de la mondialisation. Cela, surtout au XXIe siècle, peut engendrer des crises, des conflits et des revendications identitaires, sociales, économiques. L’étude du propre et du commun peut également s’articuler autour des mémoires individuelles et collectives. Depuis quelques décennies, ces mémoires collectives, générées souvent par des groupes marginalisés et/ou des situations traumatiques liées à des guerres, des dictatures, des processus de colonisation et de décolonisation, suscitent un intérêt particulier chez les spécialistes des sciences humaines.
Sur un plan littéraire et artistique, la dialectique entre le propre et le commun peut nous conduire à nous focaliser sur les écritures et les esthétiques de la rencontre qui, depuis l’antiquité, représentent sous des formes différentes et variées la découverte de l’altérité, de cultures et de patrimoines divers qui entrent en contact, d’horizons autres pouvant parfois inclure les notions de partage ou bien de crise et d’opposition. Dans l’époque contemporaine, ces dynamiques/poétiques de la rencontre et de la relation sont au cœur, par exemple, d’une vaste production littéraire en prose et en vers qui relève des espaces hispanophone, italophone, arabophone et lusophone, qui vont parfois au-delà de l’expérience de la colonisation et de la décolonisation. Nous pensons, entre autres, aux écritures de la migration qui remettent au centre du débat critique des notions telles que le plurilinguisme, la frontière, les paradigmes identitaires traditionnels, les concepts de centre et de périphérie, d’ici et d’ailleurs. Il serait également intéressant, rattachant à la notion de propre la figure de l’écrivain ou de l’artiste, entendus comme individus qui élaborent leur poétique et leur esthétique à travers leur point de vue et leur génie personnel, et à la notion de commun la représentation de ces derniers comme dépositaires d’un savoir collectif qui transpose sur le plan littéraire ou artistique leur conception de communauté, d’analyser les nouvelles stratégies de l’engagement. On observera alors comment elles peuvent produire, d’une part, l’image d’un écrivain ou d’un artiste structuré à l’intérieur d’une collectivité et d’un système culturel ou, d’autre part, le figurer hors ou contre son temps et, parfois même – peut-être à tort –, le donner à voir comme désengagé et inactuel.
L’étude du propre et du commun possède également d’importantes déclinaisons dans le domaine linguistique, sitôt que l’on considère à la fois le caractère universel du langage, et l’immense variété et variabilité des langues naturelles. Par-delà les différences, l’humanité se fonde sur ce qu’elle a de commun, à commencer sans doute par la capacité à construire une pensée complexe, qui se réalise grâce au langage et à travers celui-ci, et dont les catégories et sous-catégories forment l’édifice complexe qu’est la vision du monde. Les individus sont désignés et se désignent eux-mêmes par rapport à leur appartenance à un groupe (ethnique, spatial ou culturel) et à une communauté linguistique fondée sur une langue ou une variété linguistique, un patrimoine ou encore des situations et pratiques langagières, telles que la diglossie ou le plurilinguisme. Les différents systèmes linguistiques, définis à travers leurs aspects internes (phonologie, phonétique, morphologie, syntaxe, lexique) ou externes (sociolinguistique, historiographie) se prêtent particulièrement à l’étude de la thématique de ce colloque. De plus,le lien entre langage et pensée a suscité l’intérêt d’un grand nombre de chercheurs, d’où les différentes propositions pour tenter de formaliser la pensée et son fonctionnement. Dans ce contexte, comment peut-on définir ou redéfinir le rapport entre le langage-faculté universelle et
les cas particuliers que sont les langues, langues premières, secondes, langues d’héritage ou encore les variétés linguistiques de nos aires culturelles respectives ? Comment peut-on (se) représenter les traditions parfois (multi)millénaires et les discours multiples ?
Les différentes interventions pourront se focaliser autour des axes suivants :
1. Littératures et représentations artistiques nationales, postcoloniales et migrantes au croisement des identités et des langues ;
2. Frontières linguistiques, culturelles, littéraires et historiques ; traduction et traductologie ;
3. Les enjeux de la relation dans un contexte interculturel : contaminations, émulations, crises, conflits ;
4. Les enjeux de la mémoire collective : histoire et contre-histoire (narrations officielles et alternatives) ;
5. Plurilinguisme et diglossie, contact de langues, discours multiple, phraséologie.
Les propositions d’intervention, en langue française (résumé de 250 mots, une bibliographie essentielle accompagnée d’une très courte note biobibliographique), seront envoyées avant le 20 avril 2024 à l’adresse mail suivant :
Le comité scientifique communiquera, avant le 15 juin 2024, l’acceptation des propositions d’intervention. La publication des Actes du Colloque est prévue.
Les frais d’inscription de 30 euros contribueront en partie à financer les coûts d’organisation du colloque.
Afin de faciliter la participation au colloque, et uniquement pour celles et ceux qui ne ,pourront pas bénéficier des fonds alloués par leurs universités et laboratoires d’appartenance, l’unité de Recherche ReSO pourra prendre en charge deux nuitées en fonction du budget disponible.
Comité d’organisation :
Daniele COMBERIATI
Abdenbi LACHKAR
Yan LESPOUX
Maria LLOMBART HUESCA
Flaviano PISANELLI
Sophie SARRAZIN
Madeleine VOGA
Comité scientifique :
Alfonso CAMPISI (Université de la Manouba, Tunisie)
Brahim CHAKRANI (Michigan State University, Etats-Unis)
Daniele COMBERIATI (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Mariarosaria GIANNINOTO (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Abdenbi LACHKAR (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Yan LESPOUX (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Maria LLOMBART HUESCA (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Michel MARTINEZ PEREZ (Université Toulouse Capitole)
Maitane OSTOLAZA (Université de Perpignan)
Pierluigi PELLINI (Université de Sienne, Italie)
Béatrice PEREZ (Sorbonne-Université)
Flaviano PISANELLI (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Fabrice QUERO (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Sophie SARRAZIN (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Stéphane SAWAS (Inalco, Paris)
Ana VIAN HERRERO (Université Complutense de Madrid)
Madeleine VOGA (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
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