Écritures de la fluidité dans la littérature latino-américaine contemporaine |
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Lien vers l'appel intégral en français, espagnol et portugais ici.
Dans ce numéro de Crisol, nous nous proposons d’aborder le concept de fluidité dans la littérature latino-américaine récente écrite en espagnol, en portugais et en langues autochtones. Du fait de son étymologie, le terme est à entendre dans sa matérialité : "fluere : manar, correr, escurrirse (un líquido)", selon Corominas. Sans surprise, écrire la fluidité mène souvent à écrire ce qui flue, ce qui afflue, reflue ou se fluidifie. Les contributeur.ice.s sont invité.e.s à penser les images de l’écoulement, de la liquéfaction, voire de la déformation, marquées précisément par leur inconsistance, leur caractère insaisissable. Dans la lignée des études de l’éco-critique, en vogue depuis un certain nombre d’années dans les milieux universitaires anglo-saxons, cette approche thématique invite à se pencher sur la mise en avant d’espaces aquatiques, d’éruptions volcaniques ou d’autres phénomènes climatiques qui rendent comptent d’un monde se métamorphosant du fait de la crise environnementale. Le traitement souvent dystopique de la problématique est lié à l’émergence de nouveaux sous-genres comme la cli-fi (Tuhus‑Dubrow, 2013). Il s’agira également d’interroger l’applicabilité des paramètres de l’éco-critique à des littératures produites dans le Sud global, pour lequel les enjeux posés par la catastrophe climatique diffèrent sensiblement de ceux primant au Nord. Parler de fluide(s) renvoie aussi au corps humain et à ses incarnations textuelles ; depuis plusieurs décennies, on note une multiplication des études académiques sur la corporalité, à tel point que T. Eagleton, comme d’autres critiques, parlent d’un "tournant somatique” (Moraña, 2021b). Des humeurs du malade qui débordent du texte comme chez Fernando Vallejo (El desbarrancadero) au liquide amniotique chez Gabriela Wiener (Nueve lunas), en passant par le sang offert chez Marina Yuszczuk (La sed), la présence des fluides corporels ouvre de nouvelles pistes d’analyse. En ce sens, et tandis que la critique littéraire semble faire preuve d’une certaine réserve à l’heure de s’intéresser aux sécrétions et aux excrétions des corps qu’elle étudie, les porn studies constituent un apport sur le sujet (Attwood et Smith, 2014 : 331-333) ; outre la question pornographique, les études cinématographiques et les arts plastiques ont déjà placé les fluides corporels au centre de leur analyse (Falardeau, 2019 ; Alluchon, 2010). La notion de fluidité offre par ailleurs quantité d’implications stylistiques, comme le démontre l’entrée du verbe “fluir” dans le dictionnaire de la RAE : "Dicho de una idea o de una palabra: Brotar con facilidad de la mente o de la boca”. À ce titre on aura à cœur d’étudier la notion de fluidité du style en partant de son usage commun pour en interroger la portée critique (Huglo, 2006). Qu’est-ce qui flue dans un texte, chez un.e auteur.e ? Les analyses autour de notions comme celle du “stream of consciousness” (communément traduit par “flujo de conciencia” en espagnol) et de sa présence dans la littérature latino-américaine en sont un exemple parmi d’autres. Dans L’eau et les rêves, l’alliance entre un référent matériel et la langue conçue comme fluidité est notoire (“L'eau est la maîtresse du langage fluide”, Bachelard, 1942 : 6-7); la notion de “lecture fluide”, qui représente son corollaire, est aussi digne d’intérêt (Khateb et Bar-Kochva, 2016 ; Pikulski et Chard, 2005). Pour finir, la fluidité peut être appréhendée comme un concept éminemment post-moderne, dans la mesure où, avec la post-modernité et sa théorisation, elle apparaît elle-même comme un qualificatif privilégié pour exprimer une époque et appréhender les nouvelles réalités qui s’y manifestent – elle semble donc à la fois un produit et une caractéristique de son temps. Dans une approche sociologique, le terme de fluidité évoque la “modernité liquide”, théorisée par Z. Bauman (2000), dont la fortune critique est particulière dans l’aire latino-américaine. En témoigne, par exemple, la parution de Sobre la fluidez social: elementos para una cartografía du sociologue F. García Selgas (2007). L’acception que donne Bauman à l’adjectif “liquide” devient l’origine d’une théorisation de l’identité elle-même fluide, et permet, à l’heure où les théories queer et les études de genre connaissent un important développement qui remet en question la conception binaire des genres au profit de celle d’un “spectre” (Butler, 1990), d’imposer dans le langage courant, tout comme dans le milieu universitaire, la notion de “fluidité du genre” ; le concept s’étend désormais à d’autres thèmes et objets, à l’instar des “Liquid borders” (Moraña, 2021a). Les nouvelles écritures mises en avant dans le contexte des mouvements féministes et LGBTQI invitent à interroger le potentiel de ces outils d'analyse en littérature. Seront donc particulièrement bienvenues les contributions en lien avec : ● l’éco-critique ● les fluides corporels ● la fluidité du genre ● la/les identité(s) fluide(s) ● la fluidité comme notion stylistique Les propositions (titre, résumé de 500 mots environ, bibliographie) seront à envoyer jusqu’au 1er septembre 2023. Les réponses seront données dans le courant du mois d’octobre 2023. Les articles définitifs seront à envoyer pour février 2024. Pour l’envoi des propositions et toute question complémentaire : |
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Lieu Revue Crisol | ||||||
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