6e Colloque International ALIENTO
(Analyse Linguistique et Interculturelles des ÉNoncés sapientiels brefs et de leur Transmission Orient/occident/occident/orient)
ANR 13-BSH3-0009-01
Nancy – Paris 15 – 16 – 17 mars 2016
Les précédents colloques Aliento ont examiné les corpus sapientiels médiévaux dans la Péninsule ibérique, les corpus anciens sources des corpus médiévaux, la relation entre proverbes et littérature sapientielle au Moyen Âge, les questions de traduction et de contexte. Le 6e colloque international Aliento se propose d’examiner la postérité des textes de sagesse (du corpus Aliento élargi, en arabe, hébreu, latin, espagnol et catalan) à partir de la Péninsule ibérique et leur rayonnement en Europe et en Méditerranée jusqu’à la période contemporaine.
Il est parfois difficile de retracer le cheminement de ces textes et si nombre de proverbes contenus dans les proverbiers contemporains sont en lien avec eux ou en proviennent, on ne sait en général rien de la façon dont ils sont parvenus jusqu’à nous à l’identique ni à quelle époque leur passage à l’oralité a eu lieu.
Au XVe s. par exemple, Mukhtar al-Hikam, texte arabe du XIe s. traduit en espagnol sous le nom de Bocados de oro et en latin sous le nom de Liber philosophorum moralium antiquorum (mieux connu sous le titre de Bonium) est traduit en français par Guillaume de Tignonville puis en anglais (deux traductions connues) et en occitan. Des fragments du texte sont visibles dans L’épître d’Othea de Christine de Pisan. A quel endroit et comment s’entrecroisent la tradition du Mukhtar, celle du De vita et moribus philosophorum attribuée à Walter Burley (XIVe s.) qui serait une réelaboration de la Vita et sententiae philosophorum de Diogène Laërce (IIIe s.) avec la traduction en castillan de cette dernière (F. Crosas Lopez, 2002 ; 2010) ? Quel lien y a-t-il entre le texte latin de W. Burley, la traduction castillane du XVe s et la tradition provenant du Mukhtar al-Hikam ? Qu’advient-il ensuite de ce texte ?
Les éditions et traductions attestent de l’importance de ces traités sapientiels et recueils de sentence bien après le XVe s. A titre d’exemple, Antoine Galland publie à la fin du XVIIe s. Les paroles remarquables, les bons mots et les maximes des Orientaux… De la même manière, le chapitre des proverbes du Tahkemoni (maqama 44) se trouve traduit en italien au XVIe s. et imprimé à Mantoue en 1592 ; il circule de manière indépendante sous un nouveau titre (E. Disperdi : 2009). Le recueil d’adâb al-Mostatraf de al-Ibshîhî (XIVe s.) circule abondamment en Egypte au XVIIIe s., il est réédité au XIXe s. et traduit en français par G. Rat.
Il semble qu’une large part de nos textes sapientiels qui vulgarisent les textes philosophiques et les traités d’éthique et qui sont des textes intermédiaires qui ont été beaucoup lus, traduits, imprimés soit passée dans l’usage commun.
De ce passage à l’oralité, nous savons peu de choses. Tout juste que les nombreux proverbiers espagnols diffusés au XVIe et XVIIe s. sont un maillon de cette transmission, ainsi que les proverbes transportés et transmis hors d’Espagne par les Juifs et les Morisques expulsés. Il s’agit alors de faire le cheminement inverse et de remonter des proverbiers européens et méditerranéens contemporains ou des grandes compilations parémiologiques du XVIe au XIXe s à nos textes. Ces liens existent comme en attestent notamment les travaux faits sur les proverbes espagnols et judéo-espagnols qui font une large place à la diachronie (E. O’Kane ; P. Ohayon Benitah; M. C. Varol; A. Oddo…). Cependant la coupure épistémologique est telle entre folkloristes d’une part et spécialistes des traditions textuelles de l’autre que la jointure entre littérature écrite et littérature orale reste encore largement à construire (W. Mieder ; C. Buridant). Les proverbes ne sont le plus souvent étudiés que pour des recherches de type anthropologique ou linguistique (phraséologie). C’est le cas notamment du très riche et très vivant « proverbier » (au sens d’ensemble ou de répertoire proverbial) arabe qui est peu étudié à l’heure actuelle si ce n’est dans le cadre des études de dialectologie.
Nous questionnerons la postérité de cet héritage dans le but d’éclairer les relations encore existantes avec les textes anciens/fondateurs, de comparer la nature des continuités et des changements d’une culture à une autre. Nous invitons les chercheurs à apporter des éléments de réponse afin de mieux comprendre les liens et les passages entre oralité et écriture et vice-versa. La perspective sera essentiellement diachronique et elle portera sur la transmission de l’héritage sapientiel en Europe, en Afrique du nord et au Proche et Moyen Orient. Les communications pourront porter sur des énoncés sapientiels brefs, des proverbes, des textes sapientiels ou des compilations. Les études comparatistes seront bienvenues.
Les ateliers seront consacrés aux questions de modélisation et au défi posé par le traitement des données multilingues. Nous faisons appel aux spécialistes qui travaillent dans ce domaine de recherche informatique.
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