Maurice Birckel (1937-2017). Itinéraire d'un péruaniste
Le 26 avril 2017 décédait Maurice Birckel, maître de conférences à l'Université Michel de Montaigne jusqu'en 2002. C'est à Ténérife qu'il avait choisi de passer ses derniers moments, entre la France et le Pérou, objet de sa dilection scientifique et personnelle. Il fut enseveli le 6 mai, après une cérémonie au temple de l'église protestante unie de Salies-de-Béarn.
Fils de pasteur adventiste, Maurice Birckel est enraciné, par sa mère, au cœur des Cévennes protestantes. Cadet d'une famille de deux enfants, il rejoint durant la Guerre son père nommé en Algérie. Retour en France suite à la nomination de ce dernier à Bordeaux, où il entame un cursus en études hispaniques. C'est le moment de rencontres personnelles décisives. À Clermont-Ferrand, il achève son deuxième cycle et obtient, en 1960, l'agrégation d'espagnol.
Sa trajectoire commence comme professeur au lycée de Nantes puis au lycée Victor Hugo de Besançon ; puis, membre de la section scientifique de la Casa de Velázquez, il développa ses recherches sur la trésorerie inquisitoriale de Lima, prolongées en tant que pensionnaire de l'Institut Français d'Études andines.
Nommé assistant, il demeure le reste de sa carrière maître de conférences à l'université de Bordeaux (actuellement Bordeaux Montaigne) jusqu'en 2002, année de ses secondes noces avec Colette Nouyrigat. Il a transmis sa passion à son fils Jean-Marie, professeur d'espagnol lui aussi.
Ses travaux scientifiques portent d'abord sur l'inquisition de Lima, envisagée sous l'angle économique, alors écrasé sous l'approche de l'histoire des idées : « il est surprenant, dès lors, de constater combien ont été négligés les aspects économiques d'une institution qui, pourtant, selon certains, devrait son existence à des préoccupations essentiellement intéressées », écrit-il en introduction à la première partie de son article « Recherche sur la trésorerie inquisitoriale de Lima », comportant en annexe un grand nombre de documents inédits, et publié aux Mélanges de la Casa de Velázquez en 1969 et 1970.
Dans les années 1980, il donne une inflexion en se centrant sur la construction des états andins, plus précisément la rivalité entre les deux villes de Cuzco et de Lima. Universitaire passionné et désireux de diffuser ses connaissances, il avait été sollicité pour une contribution sur l'Inquisition dans l'Amérique hispanique dans un numéro spécial de la revue Historia 16. Jamais il ne laissa complètement son activité de recherche, puisqu'en 2016, il participa au colloque La Bible dans les Amériques, à l'Université de Lorient sous la forme d'une contribution consacrée à une sensibilité protestante péruvienne, les Israelitas del Nuevo Pacto, dans la ligne de son article publié en 2000 au Bulletin hispanique, « Le paradis dans le Nouveau monde. Un messianisme andin d'aujourd'hui ? ».
Son engagement ne se limitait pas à l'université. Il avait participé à une mission humanitaire dans la Selva central du Pérou en compagnie de sa première épouse, Colette Nyon. Il comportait aussi une dimension religieuse, éloignée de tout prosélytisme, depuis ses années de jeunesse : membre du Groupe Universitaire Biblique, et de l'association internationale pour la défense de la liberté religieuse, défendant la liberté de pensée, de conscience, de croire en une religion ou de n'être pas croyant. La religion était un cadre, non une imposition. La sobriété que l'on attribue aux protestants calvinistes était démentie par un appartement décoré de sujets religieux selon la tradition catholique espagnole, de masques africains et d'iconographie populaire péruvienne.
Il convenait de rappeler la trajectoire de ce que voici peu on appelait un « honnête homme », espèce en voie de disparition.
 
Manuelle Peloille, avec l'aide précieuse de Colette Nouyrigat.