Miguel Salabert, El exilio interior, Isabelle Touton et Germán Labrador (éd.) avec un épilogue de Juana Salabert, Hoja de Lata, 2025.

Réédition en espagnol de "El exilio interior", roman que Miguel Salabert a écrit, sans autocensure, après avoir fui l'Espagne en 1958, pour le publier dans une traduction française de Claude Couffon (Julliard, 1961). L'engouement généré par ce roman fut tel qu'il fut traduit aux États-Unis, en Angleterre, en Hongrie, en Roumanie et en Grèce, mais Salabert ne put le publier en Espagne qu'en 1988 (chez Anthropos), date à laquelle la société espagnole n'était pas vraiment prête à le recevoir. Germán Labrador et Isabelle Touton ont établi une nouvelle version de l'édition qui récupère une partie des critiques politiques directes qui figuraient dans la première édition française.

Ramon, un jeune garçon dont le père est prisonnier politique et la mère, plus conservatrice, disposée à tous les sacrifices pour que son fils se fasse une place dans la société de l'après-guerre, vit une enfance picaresque, où l'orgueil et la dignité ne sont pas permis aux classes les plus humbles et aux perdants de la guerre. A la force du poignet et en étudiant le soir après sa journée de travail, il parviendra cependant à entrer à l'Université, où la jeunesse argentée qui n'adhère pas au régime vit dans le dégoût d'elle-même. "L'exil intérieur" est celui que subit le père, professeur et entomologiste, en prison et à sa sortie, où il n'est plus que l'ombre de lui-même et perd le seul emploi qu'on lui a proposé pour avoir enseigné la théorie de l'évolution. L'exil intérieur c'est aussi celui que subissent toutes les femmes du roman, exploitées, dépossédées de leur destin et de leurs corps, puisque "l'Eglise s'est érigée en agent qui régule la circulation des spermatozoïdes". C'est aussi la fuite dans la folie, le suicide, l'alcool ou le ressassement existentialiste pour laquelle opte cette jeunesse sans avenir qui ne se décide pas à passer à l'action. Salabert est celui qui a fait connaître le concept, devenu lieu commun, "d'exil intérieur" et pourtant son incroyable roman est tombé dans l'oubli. C'est pourquoi nous proposons de récupérer ce texte dans sa version la plus haute en couleur, et nous l'avons accompagné d'une introduction qui situe le roman dans son contexte, raconte l'histoire de son édition à partir de la correspondance d l'auteur et fait vivre ce journaliste, traducteur, romancier qui fascinait ceux et celles qui l'ont connu. Le livre se clôt sur un magnifique texte de la fille de l'auteur, la romancière Juana Salabert, accessible en ligne.

https://www.hojadelata.net/tienda/el-exilio-interior/