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CATEGORIES:Appels à communication
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SUMMARY:Appel à publication revue Conceptos "Féminisme(s) et humour"
LOCATION:Revue Conceptos
DESCRIPTION;ENCODING=QUOTED-PRINTABLE:
Le centre
CHISPA (Cultures Hispaniques et Hispano-amé
ricaines) de l’équipe d’accueil EA 3656 AMERIBER lance un appel à publicati
on pour un volume de la revue
Conceptos (
https://ameriber.u-bordeaux-montaigne
.fr/revue-conceptos) consacré à la thématique «
Féminisme(
s) et humour », déclinée depuis septembre 2020 dans le cadre
de nos activités de recherche.
Le choix de cette thématique partait d’un préjugé selon lequel les fémini
stes manqueraient de sens de l’humour, préjugé sexiste parmi tant d’autres
qui sont hostiles au féminisme : malgré l’impact de la dernière vague
féministe dans les sociétés hispaniques et hispano-américaines actuelles, l
es féministes subissent encore les assauts des tenants d’une pensée dominan
te largement misogyne. Le néologisme de « feminazi » utilisée en
Espagne depuis plusieurs années pour qualifier les militantes féministes en
témoigne. Comme tous les usages sociaux et politiques, l’humour est en eff
et traversé par un certain nombre de stéréotypes et l’un des plus connus es
t sans doute que le rire est le propre de l’homme. De ce stéréotype «
fondateur » en découlent deux autres: les femmes n’ont pas d’humour et
, a fortiori, les féministes. Pourquoi l’humour serait-il l’apanag
e des hommes et un vecteur privilégié de la misogynie ? L’hypothèse dé
veloppée par Sabine Melchior-Bonnet, dans son ouvrage paru en 2021 aux PUF,
est que Le rire des femmes, [est] une histoire de pouvoir qui n’a
pas été partagé. De fait, l’humour, étroitement lié au rire, semble être d
evenu une arme ou un outil privilégié par les féministes depuis plusieurs a
nnées, tordant ainsi le coup aux clichés.Dans la
Bible
les femmes ne rient pas. Quand Sarah laisse éclater son rire lorsqu’elle ap
prend à 80 ans qu’elle va enfanter, Dieu la réprimande ; dans la mythologie
gréco-latine, les femmes ne rient pas non plus, sauf Déméter qui rit en vo
yant Baubo, la femme-vulve, danser pour elle, et se console ainsi de la dis
parition de sa fille Perséphone, séquestrée par Hadès aux Enfers. L’idée qu
e le rire des femmes est transgressif notamment parce qu’il est une manifes
tation émancipatrice du corps est ancienne et s’est perpétuée au cours des
âges. Dans les traités pour jeunes épouses ou jeunes filles de l’Espagne cl
assique, les femmes doivent être aimables et souriantes et non pas rieuses.
Dans
La perfecta casada (1583), livre encore utilisé dans l’Espag
ne franquiste, Fray Luis de León explique que la femme vertueuse est celle
dont le rire n’est pas un « muelle […] desatado » (chap. XV). Au
XIXe siècle, alors qu’on a reproché aux femmes qui défendaient l’émancipati
on féminine par la libération de leurs corps d’être obscènes, certains phil
osophes commencèrent à accuser celles qui promouvaient l’égalité et l’amiti
é entre sexes de refuser l’amour et la sexualité. C’est peut-être alors qu’
est né le poncif de la féministe dépourvue d’humour et puritaine (Geneviève
Fraisse,
Féminisme et philosophie, 2020). Mais ne s’agit-il pas l
à d’un profond malentendu? Car comme le constate Nerea Pérez de las Heras s
’adressant à ses congéneres masculins, « es posible que estemos cansad
as de escuchar los mismos chistes, vosotros también lo estaríais si llevara
is tres milenios en el lado malo de la broma oyendo chascarrillos sobre gat
illazos y calvicie »
[1]…
D’ailleurs, la féministe indo-britannique Sara Ahmed a fait de l
a « rabat-joie » (killjoy) un étendard du féminisme. Si
la colère est un moteur, elle n’est cependant pas un frein à l’humour, preu
ve en est son « kit de survie rabat-joie » ou son « manifest
e rabat-joie » (Vivir una vida feminista). Habituées à retour
ner le stigmate à leur avantage, les féministes sont des rabat-joie lo
rsqu’elles choisissent de l’être, en tant que sujets donc, car c’est bien u
ne question d’autonomie, de liberté et de pouvoir niés aux femmes qui est i
ci en jeu.
Le rire des femmes apparaît en effet comme un langage
de résistance contre l’oppression des corps. Du rire des femmes à l’humour
féministe, il n’y a qu’un pas. Les généalogies intimes montrent que cet hum
our féministe qui occupe de nos jours l’espace public ou s’exprime dans les
pratiques artistiques prend souvent sa source dans un humour que les commu
nautés de femmes (entre mères et filles, sœurs, ou de manière plus élargie)
semblent avoir pratiqué dans de nombreux lieux et de nombreuses époques à
l’abri des regards (on pense à l’humour de la grand-mère de Marjane Satrapi
, celle des femmes de villages amazigh chez Najat el Hachmi, etc.). L’humou
r féministe pourrait donc se définir d’abord comme un « écart par rapp
ort à la norme »
[2] soci
ale, morale, religieuse, culturelle, politique, etc., qui s’impose aux femm
es, les soumet, les subordonne, les subalternise, les nie en somme, parce q
u’elles sont femmes. L’humour féministe apparaît comme un contre-discours,
porteur d’un contre-pouvoir. L’humour féministe devient agent de résistance
contre l’oppression de tous et toutes, et pas seulement des femmes. Dans u
ne perspective transféministe, il apparaît alors aussi comme un puissant ag
ent de cohésion sociale et devient un outil d’apprentissage original.
Nous ouvrons donc au débat las lignes de réflexion qui suivent, dans u
ne perspective méthodologique qui privilégiera les études féministes et de
genre, dans une aire géographique qui correspond à l’aire hispanique et his
pano-américaine et dans une aire temporelle qui va de l’époque classique à
nos jours:
- Quels sont les cibles privilégiées de l’humour
féministe ? L’humour féministe s’attaque-t-il exclusivement à la miso
gynie, à la domination masculine, au patriarcat ou reflète-t-il d’autres fo
rmes d’oppression ?
- Quelles sont les supports de l’humour fémi
niste ? Outre la littérature, les beaux-arts, quel rôle joue le specta
cle vivant (stand up, one (wo)man show), qui semble
aujourd’hui privilégié ? Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans sa
diffusion ? Quels sont plus largement les circuits de création, de producti
on, de diffusion ?
- Quelles sont les modalités linguistiques, r
hétoriques de l’humour féministe ? Ironie, parodie, pastiche ?
- Quelles sont les objectifs pragmatiques de l’humour féministe ?
S’agit-il de dénigrer, de chercher à désamorcer une menace ou de souligner
une incongruité selon la typologie des fonctions de l’humour établie par Jo
hn Morreall[7]ou s’agit-il de
déconstruire ? L’humour féministe parvient-il toujours à déconstruire ? Da
ns quelle mesure s’offre-t-il aussi comme puissant facteur de cohésion et d
’apprentissage ?
- Quels sont les obstacles qui se dressent cont
re l’humour féministe ? Quel rôle jouent la censure, l’auto-censure ?
L’humour ne pose-t-il pas nécessairement un problème de partage de code,&nb
sp;a fortiori dans des sociétés où la question du féminisme et/ou
du genre est clivante ?
- Peut-on tracer une histoire de l’humou
r féministe ? Quels en seraient les éventuels moments clés ? Quel est
l’impact du « tsunami »[8] féministe qui secoue le monde hispanique et hispano-américain depui
s une dizaine d’années sur la configuration de l’humour féministe actuel&nb
sp;?
- Enfin, les féministes pratiquent-elles toutes l’humour ? Y a-t
-il un rejet légitime de l’humour féministe?
La
langue de publication est l’espagnol.
L’examen et la
sélection des propositions clôtureront le 15/01/23. Les articles définitifs
seront à rendre le 15/06/23. La publication est prévue pour décembre 2023.
[1] Nerea Pérez de las Heras,
Feminismo para torpes, Martínez Roca, Barcelona, 2019, p. 47.
[2] Jean Émelina,
Le comique: essai d'interprétation générale, Paris, SEDES, 199
6.[4] Isabel Franc (ed.),
Las humo
ristas, Icaria, Barcelona, 2017.
[5] Certains linguistes et neurologues travaillent sur c
e qu’ils appellent un humour féminin par opposition à l’humour masculin, da
ns une perspective essentialiste. Notre perspective est différente, qui fai
t de l’humour féministe un humour qui peut être pratiqué par toute personne
indépendamment de son identité de genre.
[6] Signalons qu’en 2022, l’INALCO a organisé un col
loque sur « Le pouvoir du rire et rire du pouvoir: humour discours et
politique », où la question de l’humour féministe n’a pas été posée, à
notre connaissance, confirmant
a posteriori l’hypothèse développé
e par Sabine Melchior-Bonnet, dans son ouvrage paru en 2021 aux PUF, selon
laquelle
Le rire des femmes, [est] une histoire de pouvoir qui n’a
pas été partagé.
[8] Marta Sanz,
Tsunami, Barcelona, Sexto Piso, 2019
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