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CATEGORIES:Appels à communication
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SUMMARY:Acteurs, imaginaires et pratiques en circulation : le tourisme en Espagne (XIX-XXIe siècles)
LOCATION:Paris
DESCRIPTION;ENCODING=QUOTED-PRINTABLE:
Pour la première fois de notre vie, nous ne
pouvons pas voyager. La mobilité d'une grande partie de la population mond
iale a été restreinte et l'une des choses les plus déroutantes auxquelles n
ous avons dû faire face après le Grand Confinement du printemps 2020 était
de savoir ce que nous allions faire de notre liberté de mouvement retrouvée
, mais limitée. Difficile d'oublier ce qui s'est passé à la station de ski
d’Ischgl, les bateaux de croisière errants, rejetés dans tous les por
ts, et la ressemblance suspecte entre la propagation de la pandémie et le c
lassement des « pays leaders du tourisme » : la France, l’Espagne, le
s États-Unis, la Chine, l’Italie. Au-delà de la sphère privée, le tou
risme a momentanément monopolisé le débat public face à la complexité de la
situation : il fallait choisir entre un été sans touristes et le risque qu
e ceux-ci pouvaient représenter. Le tourisme intérieur auquel tous les gouv
ernements allaient se consacrer - Tu podes Visita Portugal, Viaggio in
Italia, Cet été je visite la France, España te espera - ne servirait p
as à arrêter l'hémorragie, et ne dissimulerait pas non plus l'évidente frag
ilité économique des pays les plus dépendants de ce secteur. En Espagne, l'absence de la plupart des 84 millio
ns de touristes de l'année précédente était perceptible et a lourdement pes
é sur l'effondrement de l'économie nationale. Ce n'est pas la première fois
que l'importance du tourisme pour le pays a été mise en évidence, à commen
cer par le boom des années 1960, devenu un jalon dans la mémoire c
ollective et considéré comme le visage le plus amical du franquisme tardif.
Sous l'apparente frivolité du bronzage et des chansons yé-yé, le tourisme
a joué un rôle clé dans le développement et la modernisation du pays, serva
nt simultanément à légitimer et à éroder la dictature. Il a également const
itué la meilleure publicité pour la réussite de la « normalisation » et de
l'européanisation de la nouvelle démocratie, tandis que la décentralisation
a poussé dix-sept nouvelles entités à se demander ce qui les distinguait d
es autres et à lancer leurs premières campagnes de promotion. Et, puisque n
ous en sommes à annoncer, en 2012, une agence d'État a même été créée pour
contrôler le message et vendre la marque (Espagne). Son premier responsable
, Carlos Espinosa de los Monteros, IVe marquis de Valdetierra, f
ait écho à un autre marquis, le IIe marquis de la Vega Inclán, q
ui, un siècle plus tôt, développait depuis le Commissariat Royal du Tourism
e, « ce qui est apparemment du tourisme, mais qui au fond apporte dignité,
richesse et qui profite à la culture nationale et aux relations internation
ales ».
Réputation, nationalisme et profit étaient (sont ?) les piliers de l'inté
rêt des élites pour le tourisme qui voyaient dans ce phénomène un moyen d'e
ffacer les stigmates de la différence et de parvenir à la modernisation tan
t désirée du pays. Le succès a été absolu mais malgré la réussite de la mod
ernisation, pour que cette destination marginale parvienne à occuper une pl
ace centrale dans les flux touristiques mondiaux, le prix à payer a été cel
ui de la consolidation d'une caractérisation nationale comme pays oisif et
festif. Les stéréotypes forgés au XIXe siècle alors que l'Espagn
e perdait ses colonies et occupait une place subalterne (et orientalisée) d
ans le nouveau système impérial mondial, se sont vus renouvelés avec l'arri
vée de millions de touristes d'Europe du Nord qui, grâce à la bienveillance
de l'État providence, pouvaient découvrir leur propre « périphérie du plai
sir »– une ceinture d'économies basées sur le tourisme qui entoure le
s principales zones industrielles du monde. De 4 millions de touristes en 1
960, nous sommes passés à 38 en 1980 et 74 en 2000. Le projet de constructi
on d'une version européenne de Las Vegas à Alcorcón montrait que la tertiar
isation du pays (et le Bienvenido Mister Marshallismo) n'avait pas
de limites jusqu'à ce que l'avant-dernière crise, celle de 2008, brise, pa
rmi d’autres consensus, la ferveur européiste et le modèle touristiqu
e. Ainsi, de plus en plus de voix se demandaient, accablées par la catastro
phe écologique du littoral méditerranéen et les villes prises d'assaut par
les touristes, si être l'un des pays les plus visités au monde était un rêv
e devenu réalité, ou plutôt un cauchemar.
Peu de phénomènes modernes ont autant affecté l'Espagne que le tour
isme. Et pourtant, c'est un sujet qui a été pratiquement ignoré par l'hispa
nisme français, même si des chercheurs tels qu'Hervé Poutet et Alet Valero
ont fait partie des pionniers qui ont souligné le potentiel du tourisme pou
r étudier la société espagnole. Le manque de continuité depuis l'apparition
de leurs travaux dans les années 1990 a creusé un fossé qui contraste avec
l'essor de ces études en Espagne et celles de l'hispanisme nord-américain.
C'est pourquoi l'un des principaux objectifs de ce colloque est de soulign
er l'intérêt de ce domaine dans le milieu universitaire francophone et de r
éunir des chercheurs de différents horizons, afin d'élargir notre connaissa
nce de l'Espagne et du monde contemporain à travers le tourisme.
Cette initiative est menée par le Centre de
Recherche sur l'Espagne Contemporaine (Sorbonne Nouvelle), une institution
spécialisée notamment dans l'étude de l'Espagne à travers des manifestation
s de culture populaire telles que les loisirs, la chanson, les caricatures,
le théâtre ou les faits divers. Depuis 2017, l'axe pluriannuel « Les résea
ux : (d)écrire les liens, (dé)construire les structures » interroge les cir
culations, les transferts et les liens qui se créent entre les acteurs, les
significations et les œuvres, ainsi que leur interaction avec des ré
seaux plus larges afin de former un "paysage culturel en mouvement". C'est
pourquoi, avec ce colloque, nous proposons de réfléchir selon l'approche su
ivante.
À partir de la célèbre for
mulation de Benedict Anderson, Eric Zuelow propose de penser les nations co
mme des « communautés perpétuellement réimaginées, maintenues par
un dialogue horizontal sur l'appartenance à la communauté », et défend que
le tourisme est un phénomène idéal pour étudier cette discussion d'un point
de vue historique puisqu'il agit comme un « nœud du dialogue transna
tional » qui formate l'identité des localités, des régions et des nations.
Appliquer ce modèle permet de remplacer la métaphore récurrente, mais très
limitée, du « regard », de la « vision » ou du « reflet », dans les études
sur les voyages et les imaginaires nationaux. Ainsi, le « dialogue » contie
nt un potentiel épistémologique plus important puisqu’il permet l'act
ion individuelle et collective et bénéficie du bagage intellectuel des étud
es postcoloniales. Il ne fait pas de doute que le tourisme sert de « n&oeli
g;ud » dans un réseau discursif de significations qui façonne l'identité hu
maine en servant de déclencheur de fantasmes et de projections, de discussi
on, de choix et de définition, de négociation, d'appropriation, de rejet ou
de subversion des discours et des imaginaires, et d'intériorisation de la
place que l’on occupe par rapport à l'espace, au temps et aux autres.
Repenser l'histoire contemporaine
de l'Espagne à partir de l'étude d'un phénomène transnational comme le tou
risme nous invite naturellement à transcender les frontières, à nous libére
r du nationalisme méthodologique – le biais académique selon lequel n
ous tendons à circonscrire le centre d'analyse avec les limites de la natio
n –, à intégrer un réseau d'acteurs, d'idées et de pratiques qui circ
ulent à travers les cadres nationaux, et à écrire une « histoire connectée
», globale, dont l'Espagne continue non seulement à faire partie, mais dont
elle est parfois la principale scène.
La priorité sera donnée aux propositions théoriques, conc
eptuelles et méthodologiques, ainsi qu'aux approches comparatives et transn
ationales. Les domaines d'intérêt possibles pourraient être, entre autres :
- Dynamiques de circulation, de discussion et de consolidation transnatio
nale des imaginaires, des discours et des pratiques. Négocier l'appartenanc
e et la différence : l'individu, le genre, la race, la classe sociale, le t
erritoire (local, régional, national, impérial, transnational) et le passé.
- (Dé)connexions avec les circuits
touristiques internationaux : nouvelles sensibilités et pratiques, support
s textuels et graphiques, moyens de communications de masse, avancées techn
ologiques, transports terrestres, maritimes et aériens, initiative privée e
t travaux publics.
- Les réseaux s
ociaux du XIXe siècle : les sociétés d’excursionnistes, to
uristiques et sportives. Les réseaux sociaux de masse : patriotes, prolétai
res et citoyens. Les réseaux mondiaux d'acteurs : précurseurs, médiateurs e
t traducteurs culturels.
Les propositions, qui seront
soumises à un comité scientifique, doivent être envoyées avant le 2
0 janvier 2021 à l'adresse suivante :
span>. Elles doivent comprendre un titre, un résumé
de 300 à 500 mots (avec les objectifs, la méthodologie, les sources et la
bibliographie initiale) ainsi qu’un bref curriculum de l'auteur. Les
langues de communication seront l'anglais, le français et l'espagnol. Répon
se du comité scientifique : 20 février. Une sélection d'articles sera publi
ée (dossier d'une revue hispaniste indexée).
Nous privilégierons un format en présentiel et, en c
as de force majeure, hybride, en adaptant la durée et la répartition des co
mmunications au nouveau format.
div>
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