Vous trouverez ci-après le bel hommage que Marie-Blanche Requejo Carrió, de l'Université Gustave-Eiffel, rend à Claudie Terrasson, récemment disparue.

 

Hommage à Claudie Terrasson

In Memoriam

Marie-Blanche Requejo Carrió (EMHIS/LISAA – Université Gustave-Eiffel)

Claudie Terrasson a disparu brutalement le 22 février 2025. Elle avait 71 ans et commençait à peine à noircir les pages d’un autre chapitre de la vie. L’annonce de sa mort nous a profondément bouleversés, nous, ses collègues et amis. Ces quelques lignes se veulent simples, à l’image de celle aux côtés de qui nous avons travaillé durant tant d’années.

La simplicité est sans doute le premier souvenir que nous conservons de Claudie Terrasson, rencontrée pour la première fois en 2000 à l’université de Lille III Charles-de-Gaulle, puis retrouvée en 2009 à l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée, aujourd’hui Gustave-Eiffel. Ni les années lilloises, où les qualités humaines, intellectuelles et professionnelles de Claudie Terrasson sont restées vives dans le souvenir de ses collègues, ni son ascension dans la carrière d’enseignante-chercheuse –elle avait été élue professeure des universités un an après son arrivée à Gustave-Eiffel–, n’avaient altéré une simplicité qui témoignait tout à la fois de son honnêteté intellectuelle, de sa droiture et de son sens de l’engagement. 

Engagement d’une enseignante, pour qui la notion d’égalité des chances était précieuse. Nous nous souviendrons avec mélancolie des soutenances de Master que nous avons partagées ensemble et qui certes étaient le fruit du travail scientifique mené à son terme, mais aussi et surtout du véritable soutien qu’elle avait su apporter à ses étudiants. Leur réussite reposait sur l’équilibre délicat qu’elle observait entre exigence et bienveillance, rigueur et attention. Lorsqu’ils ont appris son départ à la retraite, nombreux ont été ceux qui, ayant eu la chance de la connaître, lui ont exprimé toute leur gratitude. 

Engagement d’une collègue qui, malgré sa charge de travail, ne s’est jamais dérobée aux nombreuses responsabilités administratives, institutionnelles qui lui ont été confiées. Directrice de l’UFR LCS de Gustave-Eiffel de 2010 à 2016, elle a eu à cœur de renouveler l’offre de formation en favorisant la création de parcours professionnalisants dès le diplôme de Licence tout en promouvant la transversalité avec d’autres UFR de Gustave-Eiffel pour les formations de Master. À l’échelle institutionnelle, nous rappellerons qu’elle a été membre élue au Conseil des Études et de la Vie Universitaire (CEVU) de 2012 à 2016 et nommée également Vice-présidente CFVU, lourde fonction qu’elle occupa de 2016 à 2020. Engagée, elle le fut aussi dans sa participation à la construction de la stratégie internationale de l'établissement : la reconnaissance dont elle jouissait auprès de nos collègues espagnols lui avait permis de mettre en place un échange Erasmus avec l’université de Saint-Jacques-de-Compostelle et de monter un double diplôme avec l'université de Séville. Sans oublier les longues années où elle siégea au CNU.

Engagement d’une chercheuse, enfin. Considérée comme pionnière de l’hispanisme français, elle avait soutenu en 1998 à l’université de Paris-IV, Paris-Sorbonne, une thèse de doctorat sous la direction de Marie-Claire Zimmermann : Étude du signifiant poétique dans l'oeuvre de José Ángel Valente (Punto cero) : une esthétique du dénudement. Claudio Rodríguez Fer, dans le bel hommage écrit au nom de la Cátedra Valente évoque cette passion pour le grand poète galicien à qui elle s’est consacrée jusque dans ses derniers travaux : La poésie de José Angel Valente ou l’esthétique du dénudement, à paraître aux éditions Honoré Champion. Mais au-delà de Valente, c’est la poésie qui a habité Claudie Terrasson tout au long de sa vie de chercheuse et elle a visité de son esprit brillant et perspicace l’œuvre de nombreux poètes, en particulier Federico García Lorca, Fernando Villalón, Blas de Otero, Antonio Collinas et Juan Antonio de Villena dont l’œuvre avait fait également l’objet d’un livre, Luis Antonio de Villena. Poésie 1970-2005. Retour, reprise, répétition, publié aux Presses Universitaires de Rennes en 2012. Comme le rappelle si bien l’hommage de Claudio Rodríguez Fer, sa curiosité intellectuelle s’étendait également à d’autres rivages pour aller à la rencontre de l’œuvre d’un poète argentin comme Juan Gelman, par exemple. Mais elle s’étendait aussi à d’autres univers artistiques comme le cinéma, ou encore à des questions plus politiques et sociétales comme celles de la mémoire antifasciste. Hormuz Key, un de nos collègues de l’UFR LACT a eu ces mots qui résument si bien le rayonnement intellectuel de Claudie Terrasson : « Femme d’une grande culture et d’une immense curiosité. Elle voulait toujours apprendre, notamment sur la littérature et la poésie persanes. » Claudie Terrasson, si discrète, si secrète, était une femme de passion.

Claudie Terrasson parlait peu d’elle-même. À l’occasion de l’une de ses rares confidences, elle avait confié son désir de mieux connaître des origines italiennes que le temps et la vie avaient reléguées dans les recoins obscurs de la mémoire familiale. Elle voulait aussi se remettre à l’allemand afin de mieux partager avec ses filles le lien linguistique que leur histoire avait tressé. C’est à sa famille, à ses filles, à ses petits-enfants qu’elle voulait consacrer ce nouveau chapitre de sa vie. Toutes nos pensées vont vers eux, à qui nous dédions ce simple souvenir de notre collègue et amie. Il ne s’éteindra pas.