Roselyne Mogin-Martin, la Vice-Présidente de l’APLV (Association des Professeurs de Langues Vivantes), nous adresse cette lettre ouverte envoyée au Ministère par plusieurs associations de linguistes au sujet de l’application du nouveau calendrier des épreuves du Baccalauréat.

LETTRE OUVERTE
 
Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale,
Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche,
Depuis 3 ans, la réforme du lycée et du baccalauréat, initiée en 2019 par Jean Michel Blanquer, modifie en profondeur les conditions d’apprentissage des élèves, et nous nous inquiétons de ses conséquences sur leur poursuite d’études dans l’enseignement supérieur.
En effet, depuis la réforme, il est prévu que les épreuves écrites de spécialité, comptant pour 32% de la note finale du baccalauréat, se déroulent en mars, et non plus à la mi-juin comme c’était le cas jusqu’ici.
Du fait à la fois de la crise liée au COVID et des contestations que ce calendrier a suscitées, cette date de mars n’a jusqu’ici jamais pu être respectée : les épreuves écrites de spécialité de 2020 et 2021 ont été annulées et remplacées par le contrôle continu, et celles de 2022 ont été décalées à la mi-mai. Toutefois, pour cette année, le ministère de l’Education Nationale a tenu à fixer les épreuves écrites de spécialité du 20 au 22 mars 2023, tout en concédant quelques aménagements dans les programmes, signe d’une prise de conscience de la fragilité de sa position de principe.
Le maintien de ce calendrier suscite l’opposition d’une très large part de la communauté éducative du secondaire (syndicats d’enseignants, d’inspecteurs, de personnels de direction, associations disciplinaires). Et pour cause : il modifie structurellement l’organisation de l’année scolaire et dégrade la formation intellectuelle des élèves de terminale.
Les élèves disposent de moins de temps pour s’approprier les méthodes des épreuves écrites puisque leur préparation s’effectue seulement sur deux trimestres en classe terminale. Compte tenu de la lourdeur des programmes, cela signifie devoir transmettre au pas de charge des objectifs d’apprentissage sans permettre aux élèves de se les approprier réellement, et sans pouvoir les entraîner suffisamment aux méthodes de raisonnement et de rédaction. La structure du nouveau lycée, qui met fin au groupe-classe (les cours de spécialités regroupent des élèves venant de classes différentes) empêche également la réalisation de devoirs longs, de plus de 2 heures.
Par ailleurs, cela signifie également sacrifier des pans entiers des programmes. D’une part, si les enseignants sont censés continuer à enseigner le programme entre mars et juin, dans les faits il sera difficile de mobiliser les élèves après le passage des épreuves écrites finales. En effet, ils devront parallèlement préparer l’épreuve du grand oral qui, pour l’immense majorité des élèves, ne portera pas sur les notions enseignées après les épreuves écrites. Les enseignants ont pu s’en rendre compte l’année dernière après les épreuves du mois de mai : élèves désinvestis, travaux non rendus, hausse de l’absentéisme…
Chaque année, vont arriver dans l’enseignement supérieur des élèves qui maîtriseront moins les contenus et les méthodes et dont les notes aux épreuves de baccalauréat ne reflèteront qu’imparfaitement les aptitudes réelles. Ces notes ont par ailleurs été massivement remontées l’année dernière sans la consultation des correcteurs, ce qui, pour les établissements d’enseignement supérieur, pose la question de l’adéquation entre l’évaluation chiffrée et le niveau effectif des élèves.
Sur l’ensemble de ces points, nous, associations de linguistes du secondaire et du supérieur, considérons que la formation intellectuelle et la préparation des élèves s’est retrouvée fragilisée par la réforme du baccalauréat et du lycée.
Par ailleurs, il est à signaler que, dans tous les cas, la prise en compte des notes de baccalauréat dans Parcoursup n’est pas un argument valable pour imposer des épreuves de baccalauréat en mars. Dans de nombreux pays, les procédures d’admission s’opèrent en fin d’année sans apparemment que cela crée des problèmes insurmontables. C’est d’ailleurs ainsi que fonctionnait l’entrée dans l’enseignement supérieur français avant Parcoursup.
Nous vous demandons donc de repenser le calendrier de l’année de terminale afin de garantir aux élèves, futurs étudiants, une année pleine et entière de formation.
Veuillez, Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale, Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, agréer nos salutations respectueuses.
ADEAF – Association pour le Développement de l’Enseignement de l’Allemand en France
ADEPBA – Association pour le Développement des Etudes Portugaises, Brésiliennes, de l’Afrique et de l’Asie lusophones
AFPC - Association Française des Professeurs de Chinois
APLV – Association des Professeurs de Langues Vivantes
FELCO – Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc