Nous avons adressé cette lettre au Figaro, qui n'a pas jugé opportun de la publier.
Hispanistes, historiennes et historiens spécialistes de l’Espagne, nous sommes consternés par la couverture médiatique donnée à Pío Moa par Le Figaro Histoire. Non seulement, le magazine lui a accordé un très long entretien le 25 juillet, mais la rédactrice en chef adjointe, Isabelle Schmitz, a mis en ligne une vidéo promotionnelle sur les différents réseaux sociaux du quotidien national. Nous n’imaginions pas qu’un tel discours puisse être ainsi relayé par le grand quotidien.
Pío Moa n’est pas un historien : il n’en a ni la méthode, ni l’éthique. Lui-même se défend d’ailleurs, dans les commentaires bibliographiques de son dernier ouvrage, de recourir à l’appareil critique fait de notes et de références, seule garantie pourtant de la rigueur scientifique du propos. Depuis un quart de siècle, cet auteur énonce de prétendues vérités sans les étayer ; or celles-ci nient les faits élémentaires, avérés et reconnus par l’ensemble de la communauté académique. L’histoire de la Seconde République, de la Guerre civile et du franquisme n’est pas consensuelle, loin s’en faut ; elle est traversée par des controverses historiques vigoureuses, lesquelles portent souvent une charge idéologique. Celles-ci se tiennent toutefois entre des personnes partageant les règles élémentaires de la démarche scientifique et s’accordent sur un socle factuel – celui-là même que Pío Moa nie. Ses thèses ne sont, par ailleurs, pas nouvelles, elles ne font que reprendre la propagande officielle de la dictature franquiste. Pío Moa n’est guère qu’un « polémiste obscène », pour reprendre une formule de Bernanos dans Les Grands Cimetières sous la Lune.
Dans les années 2000, alarmés par le succès commercial de ce polémiste très apprécié par l’extrême-droite, plusieurs historiens espagnols, notamment Enrique Moradiellos et Alberto Reig Tapia, ont pris la plume pour démonter les contre-vérités qu’il énonçait, mettant en évidence sa manière de manipuler les faits et les sources. De fait, il ne tire sa légitimité que du succès commercial de ses livres. Or celui-ci est directement lié à la montée de l’extrême-droite, qui trouve dans ses écrits matière à armer son discours. La traduction française de son best-seller de 2003 est parue en mars dernier chez un éditeur publiant sur toutes les thématiques actuellement chères aux complotistes. Il est évident que ce choix éditorial participe du même mouvement.
Dans ce contexte, accorder pareille tribune à cet auteur, faire passer ces écrits pamphlétaires pour des ouvrages historiques novateurs, diffuser et légitimer des thèses manifestement fausses, c’est participer, qu’on le veuille ou non, à cette vague de fond de banalisation et de légitimation des pratiques et des discours de l’extrême-droite. Plus qu’une réclame, l’édition en français de ce livre aurait mérité d’être passée au crible de « La Vérification », le service de fact checking du Figaro, qui aurait eu tôt fait d’en démonter l’argumentaire fallacieux. Il n’est jamais trop tard !
 
Liste des signataires (vendredi 2 septembre, 23h)
 
Jérémy Léger (CRH, EHESS/Casa de Velázquez) 
Nicolas Sesma (Université Grenoble Alpes)
Nathan Rousselot (Nantes Université, CRHIA).
François Godicheau (Université Toulouse 2 Jean-Jaurès, FRAMESPA)
Mercedes Yusta Rodrigo (Université Paris 8)
Charlotte Vorms (Université Paris 1, CHS)
Elodie Richard (CNRS, LIER-FYT, EHESS)
Pierre Salmon (UGE/HisTeMé)
Stéphane Michonneau (Université de Lille)
Marie Franco (Université Sorbonne Nouvelle, Centre de Recherche sur l'Espagne Contemporaine)
Zoraida Carandell (Université Paris Nanterre)
Geneviève Dreyfus-Armand (Ancienne directrice de la BDIC)
Odette Martinez-Maler (CERMI-Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Sandrine Saule, archiviste (EPT Est Ensemble, CERMI)
Paul BOULLAND, (CNRS CHS)
Bernard Vincent (Centre de recherches historiques, EHESS )
Eva Touboul (Université Paris Nanterre)
Sébastien Farré (Maison de l'histoire, Université de Genève)
Karine Bergès ( Université  Paris Est Creteil)
Evelyne Ricci (Université Sorbonne Nouvelle, Centre de Recherche sur l'Espagne Contemporaine)
Bruno Vargas (INU Champollion, FRAMESPA)
Emmanuel Bellanger (CNRS, CHS)
Jean-Frédéric Schaub (Mondes américains, EHESS)
Robert S. Coale (Université de Rouen-Normandie, ERIAC)
Jean-François Berdah, MCF-HDR (Université Toulouse Jean Jaurès, FRAMESPA)
Javier PÉREZ BAZO, Professeur des universités. Université de Toulouse Jean Jaurès.
Geoffroy HUARD (CY Cergy Paris Université)
Severiano Rojo Hernandez (Aix-Marseille Université, TELEMME)
Maitane Ostolaza   (Université  de  Perpignan- Cresem)
Irène Da Silva (Université Paris 8)
David Marcilhacy (Sorbonne Université)
Marina Ruiz Cano (Le Mans Université)
Carla Bezanilla (Université Paris 8)
Javier Jurado (Université de Lille)
Judite Rodrigues (Université de Dijon)
Alina Castellanos Rubio (Sorbonne Université)
Aurore Ducellier (Université de Limoges)
Marie-Claude Chaput (Université Paris-Nanterre)
Jesús Alonso Carballés (Université Bordeaux Montaigne)
Giulia Chielli (Université Toulouse 2 Jean-Jaurès, FRAMESPA)
Óscar Freán Hernández (Université Lyon 2)
Tiphaine Catalan (docteure en études hispaniques de l'université Paris 8)
Anne Mathieu (Université de Lorraine)
Iván López Cabello (Université de Bretagne Occidentale)
Fabiola Rodríguez López (Conservatrice des bibliothèques)
Allison Taillot (Universitė Paris Nanterre)
Caroline Lepage (Université de Nanterre, Présidente de la Société des Hispanistes Français)
Patrice Poujade (Université de Perpignan-FRAMESPA)
Emma Rubio-Milet (Université Sorbonne Nouvelle )
Célia Keren (Sciences Po Toulouse, LASSP, IUF) 
Jorge Cagiao y Conde (Université de Tours, ICD)
Alexandre Fernandez (Université Bordeaux-Montaigne)
Jean-Stéphane Duran Froix (Université Paris Nanterre)
Stéphane Boisard (Institut Universitaire Jean-François Champollion, FRAMESPA)
Pilar Martínez-Vasseur (Université de Nantes)
a Goret (HisTéMé)
Michel Martínez Pérez (Université Toulouse Capitole, FRAMESPA)
Nancy Berthier (Directrice de la Casa de Velázquez)
Aubin Gonzalez (Université Bordeaux-Montaigne)
Yves Denéchère (Université d'Angers, TEMOS)
Anélie Prudor  (docteure en anthropologie, Université Toulouse-Jean Jaurès )
Jean-Pierre Amalric (Université de Toulouse 2 Jean Jaurès, président de Présence de Manuel Azaña)
Agnès Delage (Aix Marseille Université, UMR Telemme)
Michel Catala (Nantes Université, CRHIA)
Christel Sola (lycée Henri IV, CPGE)
Elena Chamorro ( Aix Marseille Université)
Jean-Paul Zuñiga (Centre de Recherches historiques, EHESS)
Anne-Claire Sanz-Gavillon (Université de Rouen-
Normandie, ERIAC)
Beatriz Gómez Gutiérrez (docteure Université Paris Sorbonne)
Aránzazu Sarría Buil (Université Bordeaux Montaigne)
Manuelle Peloille (Université d’Angers)
Emilie Cadez (Université Toulouse 2 Jean Jaurès)
Jeanne Moisand (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CRALMI)
Rose Duroux (Université Clermont Auvergne)
Pierre-Paul Grégorio (Université de Bourgogne, TIL)
Beatriz Fernández  (EHESS, Géographie-cités)
Cécile Vincent-Cassy (CY Cergy Paris Université)
Francesco Correale (CNRS - UMR 7324 CITERES, Tours)
Larosi Haidar(Universidad de Granada)
María Isabel García Lafuente (Universidad de Sevilla)
Ángeles Ramirez (Universidad Autonoma de Madrid)
Graça Dos Santos (Université Paris Nanterre)
Françoise Martinez (Sorbonne Université)
Jaime Pastor ( Nacional de Educación a Distancia)
Marta López Izquierdo (Université Paris 8)
Jesús Izquierdo Martín (Universidad Autónoma de Madrid)
Placer Marey-Thibon (Université de Toulouse 2 Jean Jaurès)
Cécile Gonçalves (docteure en Études politiques, CESPRA EHESS)
Nadia Mékouar-Hertzberg (Université de Pau et des Pays de l'Adour)
Irène Gimenez (Université Lyon 2)
Paula Barreiro López (Université de Toulouse Jean Jaurès, FRAMESPA)
Paul Belbis (Université de Toulouse Jean Jaurès, FRAMESPA)
Fabrice Corrons (Université de Toulouse Jean Jaurès)
Céline Vaz (Université Polytechnique Hauts-de-France, Valenciennes)
Nicolas Marty (Université de Perpignan, FRAMESPA) 
Gérard Brey (PRH Université de Franche-Comté, Besançon)
Nicolas Morales (Aix-Marseille Université, UMR TELEMME-CNRS)
Agnès Surbezy (Université Toulouse 2)
Catherine Déchamps (Lycée Delacroix, Maisons-Alfort, section binationale Bachibac)
Brice Chamouleau (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)
Sophie Baby (Université de Bourgogne)
Danièle Bussy Genevois  (Université Paris 8 -Vincennes-Saint Denis)
Françoise Crémoux (Université Paris 8 -Vincennes-Saint Denis)
Thomas Faye (Sorbonne Université)
Vincent Marin (INU Champollion, Albi)
Maria Llombart Huesca (Université Paul Valéry-Montpellier 3)
Benoit Mitaine (Université Paul Valéry-Montpellier 3)
Javier Domínguez Arribas (Université Sorbonne Paris Nord)
Marion Gautreau (Université Toulouse - Jean Jaurès / FRAMESPA)
Gérard Chastagnaret (Aix-Marseille Université, ancien directeur de la Casa de Velázquez)
Erwan Burel (Université de Franche-Comté / CRIT) 
Laurie-Anne Laget (Sorbonne Université, IUF)
Claire Laguian (Université Paris 8  Vincennes-Saint-Denis)
Sophie Large (Université de Tours)
François-Xavier Guerry (Université 
Bretagne Sud)
Maxime Breysse (Université de 
Bourgogne)
Ivanne Galant (Université Sorbonne Paris Nord)
François Malveille (Université Paris Nanterre)
Cécile Fourrel de Frettes (Université Sorbonne Paris Nord)
Diane Bracco (Université de Limoges)
Ruth NUNEZ (ac Bordeaux)
Nathalie Peyrebonne (Université Sorbonne Nouvelle)
Melissa Lecointre (université Sorbonne Nouvelle) 
Álvaro Fleites Marcos (Université de Caen Normandie)
Florence Belmonte (Université Paul-Valéry-Montpellier)
Anne Dubet (Université Clermont Auvergne)
Karine Lapeyre (Université Paris Est Créteil)
Yvan Lissorgues (P. émérite,  Université Jean Jaurès, Toulouse)
Émilie Lumière (Université Toulouse - Jean Jaurès / LLA-Créatis)
Alexandre Dupont (Université de Strasbourg)
Isabelle Taillandier (Cours de Civilisation Française de la Sorbonne)
Anne Puech (Université de Rennes 2)