BEGIN:VCALENDAR
VERSION:2.0
PRODID:-//jEvents 2.0 for Joomla//EN
CALSCALE:GREGORIAN
METHOD:PUBLISH
BEGIN:VEVENT
UID:5de5b194d66df78ab89935c1f6215bba
CATEGORIES:Appels à communication
CREATED:20190703T153659
SUMMARY:Féminités, masculinités et fiction sérielle espagnole : industries culturelles et assignations de genre Proposition d’appel à contributions pour le n°12 de la revue Genre en séries
LOCATION:Université Bordeaux Montaigne
DESCRIPTION;ENCODING=QUOTED-PRINTABLE:
Coordination du numéro
Viviane Albenga, maîtresse de conférences en s
ociologie, IUT Bordeaux Montaigne, MICA
Laetitia Biscarra
t, docteure en sciences de l’information et de la communicat
ion, postdoctorante projet H2020 Detect, Université de Limoges, EHIC
<
div>Amélie Florenchie, maîtresse de conférences HDR en étu
des hispaniques, Université Bordeaux Montaigne, AMERIBER-CHISPA
Présentation et appel
à textes
La revue Genre en séries lance un appel
à textes pour le dossier thématique du numéro 12, à paraître à l’auto
mne 2020.
L’Espagne : un pays consommateur
et producteur de séries télévisées
La fiction sé
rielle en Espagne a déjà une longue histoire. Elle commence dans la deuxièm
e moitié du XIXe siècle avec les romans feuilletons publiés dans la presse,
dont le lectorat était aussi bien masculin que féminin. Les premières fict
ions sérielles espagnoles datent de la fin des années 50 et leur identité e
st étroitement liée à ce contexte historique. TVE, la télévision nationale
franquiste, est fondée en 1956 ; elle apparaît très vite au régime comme un
formidable outil de propagande (Duran-Froix, 2009). Ainsi, Jaime de Armiña
n crée les séries Galería de maridos en 1959 puis, devant le succè
s de cette première galerie de portraits de jeunes mariés, Galería de e
sposas en 1960 qui met en scène des modèles féminins en accord avec un
e idéologie national-catholique qui promeut la domesticité (modèle de « el ángel del hogar », ou la fée du logis)1.
La situation év
olue dans les années 70 puis, avec la transition vers la démocratie, dans l
es années 80. Des femmes, comme la cinéaste Josefina Molina qui a débuté sa
carrière sous le franquisme, la cinéaste Pilar Miró ou la scénariste Ana D
iosdado, ont contribué à faire évoluer le traitement médiatique des femmes
dans la fiction espagnole avec des fictions sérielles comme Anillos de
oro (1983), dont l’héroïne est une avocate qui se spécialise dan
s le divorce, autorisé la même année, Segunda enseñanza (1986), do
nt l’héroïne est une professeure d’histoire divorcée vivant seu
le avec sa fille et ayant une liaison avec le directeur de son établissemen
t, ou Teresa de Jesús (1984), une série multiprimée sur la vie de
Sainte Thérèse d’Avila (Sangro et Plaza, 2010 ; Cascajosa Virino, 201
3).
Mais le véritable essor des fictions sérielles nationales se
produit dans les années 1995- 2000, dans le prolongement du développement d
es chaînes privées et régionales. La fiction sérielle nationale et en parti
culier le format « dramedia familiar » connaît alors un succès san
s précédent avec des feuilletons comme Farmacia de guardia (Antena
3, 1991-1995), Médico de familia (Telecinco, 1995-1999) ou Me
nudo es mi padre (Antena 3, 1996-1998). En ce qui concerne la représen
tation des femmes, l’accent est encore mis sur la maternité : les hér
oïnes travaillent mais sont, avant tout, mères. La maternité reste l’
apanage des femmes, y compris lorsqu’elles travaillent, et ce, quelle
que soit la série : dans Periodistas (1998-2002, Telecinco), qui
défend des valeurs libérales, aussi bien que dans Mujeres (2006, T
VE2), dont la protagoniste est une prolétaire (García de Castro, 2002 : 206
). Ces fictions sont regardées par un public mixte, quoique majoritairement
féminin : ainsi, 6,5 millions de téléspectatrices et 4,5 millions de télés
pectateurs ont regardé l’épisode clé de Médico de familia le
23 décembre 1997, durant lequel Nacho et Alicia s’embrassent pour la
première fois.
Une étude sur le traitement et la représentation
des femmes dans les séries télévisées émises sur les chaînes nationales esp
agnoles a été publiée en 20072, il y a donc à peine plus de 10 ans, par l&r
squo;Instituto de la Mujer qui constatait la persistance de stéréo
types de genre, concentrés dans les qualités attribuées aux personnages et
dans les relations entre personnages de sexes opposés. En particulier, l&rs
quo;étude montre que la beauté reste l’apanage des personnages fémini
ns3 et que les personnages féminins qui réussissent cachent toujours une pa
rt d’ombre (toujours liée à une volonté d’écraser les autres) a
lors que leurs homologues masculins sont des modèles de vertu4. Les relatio
ns sont elles aussi stéréotypées : les personnages féminins sont les leader
s dans le domaine privé (domestique et affectif) et, lorsqu’il y a in
version des rôles, il n’y a pas déconstruction des stéréotypes et les
inégalités persistent5. L’étude montre enfin que la réception des sé
ries ne varie pas en fonction du sexe ni de l’âge et que l’imme
nse majorité des téléspectateur.rices perçoivent leurs séries préférées com
me globalement non discriminantes alors que, ponctuellement, ils et elles d
étectent des constructions stéréotypées6. Les auteures du rapport pointent
alors le caractère spécifiquement acritique de la réception des séries télé
visées, enjoignant dans leurs conclusions les créateur.rices et producteur.
rices à réfléchir aux modèles que transmettent leurs séries.
Une
décennie plus tard, où en est-on ?7 En 2016, environ 85 % de la population
espagnole a regardé la télévision8 pour une moyenne de 233 minutes par jour
et par personne9. Si les rencontres sportives occupent la quasi-totalité d
es cinquante meilleures audiences télévisées de l’année, on relève ég
alement la place de la fiction télévisuelle dans ce classement. Deux fictio
ns sérielles El príncipe (Mediaset et Plano a plano) et La que se avecina (
Mediaset et Contubernio) diffusées sur la chaîne privée commerciale Telecin
co ont en effet franchi la barre des 5 millions de téléspectateurs.rices ta
ndis que la fiction apparaît comme le genre le plus présent sur les chaînes
de télévision avec 41,1 % du temps de diffusion (l’année suivante, l
a fiction représente 41,3 % du temps total de diffusion10.).
Les
mutations du paysage audiovisuel (téléchargement, streaming, arrivée de Net
flix en Espagne en 2015) n’impactent pas négativement la programmatio
n de fiction, tant du point de vue du volume de programmation que de sa cap
acité à produire des événements télévisuels dont témoignent le classement a
nnuel des audiences. Elle demeure un produit culturel plébiscité mais aussi
une industrie dynamique. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel franç
ais a établi qu’entre 2009 et 2012 c’est bien la fiction nation
ale qui domine le palmarès des meilleures audiences de fiction en Espagne g
râce à une « politique de commandes des grandes chaînes en faveur du dévelo
ppement de séries et mini-séries plus onéreuses »11. Les chiffres de l&rsqu
o;Observatoire Européen de l’Audiovisuel (rapport Eurofiction) montre
nt quant à eux que l’Espagne produit un volume horaire élevé de ficti
on nationale avec 1306 heures produites en 2001, ce qui la situe à la même
échelle que le Royaume-Uni (1463 heures) contre 553 heures pour la France e
t 627 heures pour l’Italie. Ces chiffres n’auraient pas subi de
fortes modifications en dix ans selon le rapport de la mission Chevalier (
2011), lequel souligne d’ailleurs « les réussites artistiques des sér
ies venues de l’Europe scandinave comme de l’Espagne »12. Du cô
té des professionnel.le.s, le livre blanc du bureau d’études The Wit
place l’Espagne parmi les cinq pays ayant vendu le nombre le plus éle
vé de « nouveaux concepts » de fictions télévisuelles (séries et téléfilms)
à l’international entre 2010 et 201413. L’Espagne est donc bel
et bien un pays consommateur de fiction tout autant que producteur, qu&rsq
uo;il s’agisse des séries à destination des principales chaînes natio
nales ou de la politique de soutien à la création mise en œuvre par l
a chaîne publique catalane TV3 avec les succès qu’on lui connaît (par
exemple Ventdelplà, Plats Bruts, El cor de la ciutat ou Temps de silenci).
Genre et médias : éléments de contexte
L’édition
2015 du Global Media Monitoring Project souligne la permanence des inégali
tés femmes-hommes dans les médias espagnols : les femmes représentent seule
ment 28% des personnes qui figurent dans les nouvelles des journaux, à la r
adio et à la télévision. Elles sont minoritaires dans tous les sujets, à l&
rsquo;exception des informations relatives aux crimes et à la violence où e
lles sont alors tristement majoritaires avec un taux de 51%.
Les
études féministes et de genre espagnoles se sont pourtant largement saisies
du champ de recherche « genre et médias », qu’il s’agisse de l
a violence de genre dans le discours d’information télévisuel ou de l
’étude des personnages dans les fictions sérielles. Dans le sillage d
es mouvements féministes, les travaux universitaires se développent à parti
r des années 1980 tandis que des collectifs – la Asociación de Mujere
s de Mujeres Cineastas y de Medios Audiovisuales, la Asociación de Mujeres
Periodistas de Catalunya, la Asociación Española de Mujeres Profesionales d
e los Medios de Comunicación (AMECO) et la Red Internacional de Mujeres Per
iodistas – luttent pour davantage d’égalité. On peut faire l&rs
quo;hypothèse que cette mise à l’agenda scientifique de la question d
u genre et des médias n’est pas étrangère au contexte national d&rsqu
o;une politique de lutte contre les violences et inégalités de genre engagé
e par les différents gouvernements socialistes, et notamment celui de José
Luis Rodríguez Zapatero. C’est sous le deuxième gouvernement socialis
te de Felipe Gonzalez qu’est créé l’important Instituto de la M
ujer et son Observatorio de la Imagen de la Mujer, qui produit des indicate
urs relatifs à la place des femmes dans les médias et la publicité en Espag
ne. D’abord rattaché au ministère de la Culture, puis des Affaires so
ciales, l’Instituto de la Mujer est désormais lié au Ministère de la
Santé, de la Politique sociale et de l’Égalité. C’est également
à un gouvernement socialiste, celui de José Luis Rodriguez Zapatero, que l
’on doit la loi contre les violences de genre de 2004 et la loi pour
l’égalité effective entre hommes et femmes de 2007, qui se saisissent
à la fois de la question de l’invisibilité des femmes dans les média
s et de celle des politiques d’égalité dans les industries médiatique
s14.
Un regard sur les bilans RSE « Responsabilidad corporativa »
des deux principales chaînes généralistes diffusant de la fiction sérielle
, Antena 3 (Atresmedia) et Telecinco (groupe berlusconien Mediaset) étaye c
ette hypothèse. Si on prend pour référence l’année 2010, année d&rsqu
o;adoption de la loi en faveur de l’avortement15, on observe que les
bilans RSE des deux groupes insistent fortement sur leur engagement contre
les violences de genre et en faveur de l’égalité femmes-hommes à la f
ois dans leurs programmes et leurs organigrammes16. En 2017, cette préoccup
ation persiste chez les deux principaux groupes audiovisuels privés espagno
ls. Mediaset insiste sur trois sujets portés à l’écran : le travail d
u sexe, les violences de genre (notamment conjugales) et le mouvement #MeTo
o. Atresmedia souligne quant à lui son engagement dans la lutte contre les
violences de genre, notamment grâce à une fondation pour l’insertion
professionnelle des femmes victimes. Atresmedia insiste également sur sa pr
ogrammation en faveur de l’égalité femmes-hommes, notamment dans le f
euilleton Amar es para siempre (fiction leader de la sobremesa – 16h3
0 – avec 12,2% de parts d’audience).
S’il exist
e en Espagne un riche ensemble de travaux consacrés à la fiction sérielle,
qu’il s’agisse des fictions importées ou nationales, les fictio
ns sérielles espagnoles sont quasiment inexplorées du côté des sciences de
l’information et de la communication françaises tandis que les quelqu
es travaux de l’hispanisme français sont très récents17 (Houdiard 201
6, 2017). Nous cherchons dès lors ici à donner à connaître des travaux fran
çais et hispanophones sur la question.
Les recherches hispanophon
es déjà existantes peuvent être distinguées en quatre ensembles schématique
s18. Un premier ensemble de travaux concerne les stratégies publicitaires e
t le placement de marques dans les fictions sérielles (Del Pino, 2006 ; Fer
nández Gómez, 2012). Ensuite, les travaux académiques espagnols analysent l
es séries télévisées à l’aune de leurs déclinaisons transmédiatiques
et crossmédiatiques (Scolari, 2013 ; Mayor Mayor, 2014 ; Rodríguez Ferrándi
z, Ortiz Gordo et Sáez Núñez, 2014 ; Sánchez Castillo et Galán, 2016). Une
troisième orientation concerne la réception et les usages, envisagés en lie
n avec une classe d’âge – principalement les adolescent.e.s et
jeunes adultes – (Montero, 2006 ; Fedele et García Muñoz, 2010 ; ) ou
comme fandom (Rubio Hernández et López Rodríguez, 2012 ; Lacalle et Castro
, 2018). Enfin, la quatrième orientation concerne la fabrique du genre dans
la fiction sérielle. Ces travaux peuvent porter également sur les pratique
s de réception, notamment en croisant genre et classe d’âge (Lacalle,
2012 ; Masanet, Medina Bravo, Ferrés, 2018). Néanmoins le cœur de ce
s études concerne les représentations de genre ou des sexospécificités et a
fortiori celles des femmes (Meléndez Malavé et Vera Balanza, 2003 ; Galán
Fajardo, 2007 ; Menéndez Menéndez, 2014).
1 On peut également penser à Crónicas de un pueblo d’A
ntonio Mercero qui exalte une Espagne rurale contemporaine héritière de la
vision idéaliste propre au costumbrisme du XIXe siècle et reprise par l&rsq
uo;idéologie franquiste.
2 AAVV, Tratamiento y representación de las Mujeres en las teleseries emitidas por
las cadenas de televisión de ámbito nacional, no99, Madrid, Instituto
de la Mujer, 2007.
3 Ibid.
, p. 168. “A su vez, la belleza física es un elemento co
nstante en la realidad de los personajes femeninos, que aparece de muy dive
rsas formas: como objetivo ideal a alcanzar, como cualidad que se pierde tr
istemente con la edad, como elemento para hacer valer a la hora de consegui
r los objetivos personales, como eterno deseo masculino, etc.
4 Ibid., p. 187.5 Ibid., p. 187-188.
6 Ibid., p. 185. “La gran mayoría de las
personas entrevistadas concluían que sus teleseries favoritas no eran en ab
soluto discriminatorias, pero sin embargo eran capaces de detectar en ellas
numerosos elementos que deberían haber transformado esa aseveración en un
sentido diametralmente opuesto.”
7 Le développement reprend pour partie un texte à paraître dans Communication (Biscarrat, 2019).
9 Rapport de Barlovento Comunicación selon les
chiffres de Kantar Media. [En ligne].
12 Rapport de la mission Chevalier (2011). Fiction française, le défi de l’écriture et du développement,
p. 11.
13 Selon l’agence The W
it, MipTV 2014.
14 Voir Global Media
Monitoring Project, 2015 et « The EU Mutual Learning Programme in Gender E
quality – Women and the Media », European Commission, 2018.
15 Le gouvernement de José Luis Rodríguez Zap
atero est à l’origine de la loi en faveur de l’avortement de 20
10 : Ley Orgánica 2/2010, de 3 de marzo, de salud sexual y reproductiva
y de la interrupción voluntaria del embarazo.
16 Telecinco, Responsabilidad Corporativa. Informe 2010
et Grupo Antena 3, Informe anual y de responsabilidad corporativa
2010.
17 Ajoutons à cela la te
nue de la journée d’études « La fabrique du genre dans la fiction sér
ielle hispanique et hispano-américaine/La fábrica del género en la fic
ción serial hispánica e hispanoamericana », coord. Amélie Florenchie
et Laetitia Biscarrat, Ameriber – Chispa, 11.10.2018, Université Bor
deaux Montaigne.
18 Le développement
reprend pour partie un texte à paraître in Communication (Biscarr
at, 2019).
Cadre de
l’appel à articles
Selon
Teresa de Lauretis, les médias opèrent comme une « technologie de genre »,
c’est-à- dire une « technologie politique complexe » (Lauretis, 2007
: 41) qui opère dans les médias à la fois dans leur dimension culturelle et
technique. Aussi le cadre théorique que nous proposons pour cet appel à ar
ticles consiste à envisager le processus médiatique comme double processus
de construction de sens, tant du côté de la production que de la réception.
De ce positionnement théorique découle l’enjeu de « prendre la ficti
on au sérieux » (Coulomb-Gully, 2012 : 38), en considérant la fiction série
lle comme une thématisation du social dont l’analyse révèle des proce
ssus de production et matérialisation des rapports de genre.
La consommation de fiction sérielle grand public e
st associée à un public féminin, celui des grilles de programmation de l&rs
quo;après-midi et des histoires sentimentales. Constitutive de la dialectiq
ue innovation/répétition qui caractérise les industries culturelles, la sér
ialité a pu, à tort car un simple effort d’historicisation contredit
cette lecture, être appréhendée selon une axiologie des biens culturels qui
se traduit notamment par « des formes de hiérarchisations qui structurent
la réception critique des fictions sérialisées, qu’elles soient à dom
inante sérielle ou feuilletonnante » (Biscarrat, Lécossais, 2016 : 5). Cett
e hiérarchisation se traduit également par sa distribution genrée qui organ
ise à la fois les régimes de valeur associés au genre sériel, les horizons
d’attente et les pratiques. « Les productions culturelles sont genrée
s » (Sellier, 2010 : 3) et les productions dépréciées sont majoritairement
associées à un public féminin, à l’instar des soap operas pl
ébiscités par les téléspectatrices étatsuniennes (Brown, 2004) ou des c
ulebrones, terme dépréciatif qui renvoie aux feuilletons et teleno
velas aux audiences marquées au féminin. Or, loin d’être une « f
orme actualisée d’opium du peuple » (Hall, 2017 : 188), la culture po
pulaire est « l’un des lieux où la lutte pour ou contre la culture du
puissant est engagée […] C’est l’arène du consentement
et de la résistance » (Hall, 2017 : 196). L’étude des rapports entre
culture populaire et pouvoir constitue dès lors un terrain privilégié pour
observer l’agencement et/ou les réagencements des rapports de dominat
ion, parmi lesquels les rapports sociaux de sexe. Ainsi, à l’opposé d
’une conception immanentiste des corpus, ce numéro de Genre en sé
ries implique d’articuler l’étude des thèmes, des personna
ges, des discours avec les logiques de production et de réception sans lesq
uelles on ne saurait saisir le cadre idéologique sous-jacent. Les propositi
ons pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants qui tiennen
t ensemble les enjeux liés aux représentations, à la production et à la réc
eption.
Axe 1 : Industries
culturelles, place des femmes et féminisme : la réappropriation du féminis
me dans les industries culturelles
Si le plafond de verre dans les industries culturelles persi
ste selon des modalités spécifiques à ces industries, l’approche fémi
niste permet de saisir des logiques productrices d’inégalités socio-s
exuées. En effet, l’analyse féministe du travail numérique développée
par Kylie Jarrett (2016) montre que le modèle d’affaires de la « gra
tuité marchande » (Farchy, Méadel, Sire, 2015) implique une part de travail
de reproduction sociale non-rémunéré dont la
« gratuité » permet de diminuer les coûts de la force de travail
et augmenter considérablement les profits, comme l’a déjà montré Silv
ia Federici à propos du travail domestique en régime capitaliste (Federici,
2012 : 92).
Ce travail non rémunéré
accompagne la précarisation du travail créatif, analysée par Remedios Zafr
a (2018) comme une dépossession des valeurs et des motivations enthousiaste
s investies dans la création, ainsi qu’une dépossession de la maîtris
e de sa trajectoire tant professionnelle que personnelle, qui touche plus p
articulièrement les femmes. Celles-ci sont particulièrement représentées da
ns les tâches non rémunérées. À ce titre, comment les séries espagnoles son
t-elles produites dans ce contexte de précarisation à l’ère numérique
, et quels sont les effets en termes de rapports sociaux de sexe ? Comment
cette production affecte-t-elle le travail de scénarisation, de réalisation
, de diffusion, ainsi que les actrices et acteurs ? En quoi peut-on lier le
mode de production, la forme et le contenu des séries espagnoles contempor
aines ?
Axe 2 : Réception et usages de la fic
tion à l’aune du genre
L’étude des représent
ations et de la réception des biens culturels a ouvert la voie à l’an
alyse de la réappropriation du féminisme par la culture populaire. Angela M
cRobbie (1991, 2009), qui a initialement centré son propos sur le braconnag
e féministe que permettait la « culture jeune » a réévalué son propos dans
The Aftermath of Feminism. Elle considère dès lors que la culture
populaire diffuse un féminisme individualiste et libéral qui permet au capi
talisme de se réapproprier les idées féministes en les vidant de leur charg
e subversive. Cette tension entre appropriation et dépolitisation du fémini
sme traverse les représentations de plusieurs séries espagnoles à succès co
mme Las chicas del cable (Netflix, 2017-), et sans doute leurs réc
eptions. Les articles pourront explorer cette piste en étudiant séparément
ou ensemble les représentations du féminisme, les stéréotypes de genre et l
eur subversion, ainsi que leurs réceptions. La réception s’avère pré
cisément être l’aspect le moins développé, au-delà même de la product
ion hispanophone. Si les publics adolescents et jeunes adultes ont été étud
iés sous l’angle du genre et de l’âge, comme mentionné précédem
ment, ces travaux n’épuisent pas le sujet tant la diversité des publi
cs et des rapports sociaux auxquels s’articule le genre, demeure à ex
plorer. Les usages numériques, qui contribuent à brouiller les frontières e
ntre production et réception, constituent un champ d’investigation en
couragé dans cet appel à articles. Ces usages incluent certes les fan ficti
ons à partir des séries espagnoles, mais également les critiques profanes e
n ligne, les discussions sur des sites et groupes dédiés, etc. Dans un cont
exte de mobilisation féministe particulièrement forte en Espagne, il est d&
rsquo;autant plus pertinent de s’intéresser aux usages et réceptions
des séries espagnoles, que celles-ci mettent explicitement en question les
rapports de genre ou non. Comment les réseaux sociaux alimentent-ils ces ré
ceptions ? Peut-on dégager des communautés interprétatives (Radway, 1984) d
epuis le public d’une série spécifique, depuis un site ou un groupe r
éuni sur des bases culturelles ou politiques ?
Calendrier prévisionnel
- Date limite d’en
voi des propositions d’articles : 15 septembre 2019
- Notificat
ion d’acception ou de refus : 30 octobre 2019
- Envoi des artic
les complets : 30 janvier 2020
- Retours aux auteurs et autrices : 30
mars 2020
- Remise de l’article retravaillé : 30 juin 2020
- Publication en ligne : automne 2020
Les propositions d’articles d’une pa
ge maximum devront présenter précisément le cadre théorique, le corpus/terr
ain et la méthodologie. Elles seront assorties d’une courte notice bi
ographique.
Les propositions d&rsquo
;article devront être envoyées aux adresses suivantes :
Bibliographie
span>
AAVV (2007),
Tratamiento y
representación de las Mujeres en las teleseries emitidas por las cadenas d
e televisión de ámbito nacional, no99, Madrid, Instituto de la Mujer.<
/div>
BISCARRAT Laetitia (2019), « Idéolog
ie raciste et fiction télévisuelle. L’exemple des séries espagnoles <
em>Física o Química et Aída », Communication, vol.36
/2, (à paraître).
BISCARRAT Laetitia
et Sarah LECOSSAIS (2016), « Dynamique des études de genre appliquées aux
objets médiatiques. Introduction », Genre en séries, n° 3, p. 1-12
.
BROWN Mary Ellen (2004), « Women a
nd soap opera: Resistive readings », dans Cynthia CARTER et Linda STEINER (
dir.), Critical Readings: Media and Gender, Maidenhead, Open Unive
rsity Press, p. 287-306.
CASCAJOSA V
IRINO Concepción (2013), « Mujeres creadoras de televisión y cambio social.
El caso de Ana Diosdado », dans SANGRO Pedro et Juan F. PLAZA (2010),
La representación de la mujeres en el cine y la televisión contemporáneos
em>, Madrid, Laertes, p. 177-197.
CA
STILLO SÁNCHEZ Sebastián et Esteban GALÁN, (2016), « Narrativa transmedia y
percepción cognitiva en El Ministerio del Tiempo (TVE) », Rev
ista Latina de Comunicación Social, 71, p. 508-526.
COULOMB-GULLY Marlène (2012), « Les femmes politiques
au miroir des fictions télévisuelles. Commander in Chief et L&
rsquo;État de Grâce : une comparaison France/États-Unis », Modern
& Contemporary France, 20(1), p. 37-51.
DEL PINO Cristina (2006), « El
'brand placement' en seis
series españolas. De
Farmacia de guardia a
Periodistas :
un estudio empírico »,
Revista Latina de Comunicación Social, 61.<
/div>
DURAN-FROIX Stéfan (2009), La té
lévision espagnole, Paris, Ophrys.
FARCHY Joëlle, Cécile MEADEL et Guillaume SIRE (2015), La gratuité, à q
uel prix ? Circulation et échange culturels sur Internet, Paris, Presses de
s Mines, Coll. « Les Cahiers de l’EMNS ».
FEDELE Maddalena et Núria GARCÍA MUÑOZ (2010), « El consumo ado
lescente de la ficción seriada »,
Vivat Academia, 111, p. 47-64.
div>
FEDERICI Silvia (2012), Revolutio
n at Point Zero: Housework, Reproduction, and Feminist Struggle, Oakla
nd, PM Press.
FERNÁNDEZ GÓMEZ Erika
(2012), « La presencia de las grandes marcas en la ficción española el caso
de Coca-Cola en El Barco de Antena 3 », Redmarka : revista ac
adémica de marketing aplicado, p. 961-89.
GALÁN FAJARDO Elena (2007),
La imagen social de la mujer en
las series de ficción, Cáceres, Ediciones Universidad de Extremadura.<
/div>
GARCÍA DE CASTRO Mario (2002), L
a ficción televisiva popular: una evolución de las series de televisión en
España, Barcelona, Gedisa.
HALL
Stuart (2017), « Notes sur la déconstruction du ‘populaire’ »,
dans Maxime CERVULLE (dir.), Identités et cultures. Politiques des cul
tural studies, Paris, Éditions Amsterdam, p. 187- 197.
HOUDIARD Jennifer (2016), « Confusion des genres et
trouble dans les rôles : la série catalane
Infidels », dans Dominique GAY-SYLVESTRE (dir.), Il, E
lle : Entre Je(u), Limoges, PULIM.
HOUDIARD Jennifer (2017), « Adapter, c’est (parfois) trahir : fic
tion et stéréotypes de genre dans les séries inspirées de Diario de una
abuela de verano de Rosa Regàs et El mundo amarillo d&
rsquo;Albert Espinosa », TV/Series, 12.
JARRETT Kylie (2016), Feminism, Labor and Digital Media. T
he Digital Housewife, New York, Routledge.
LACALLE Charo (2012), « Género y edad en la recepción de la fic
ción televisiva », Comunicar. Revista científica iberoamericana de comu
nicación y educación, n°39, p. 111-118.
LACALLE Charo et Deborah CASTRO (2018), « Fandom televisivo y cons
trucción de identidad. Análisis de los comentarios de las fans españolas y
los community managers », Revista Latina de Comunicación Social, 7
3, p. 1-18.
LAURETIS DE, Teresa (200
7), Théorie queer et culture populaire. De Foucault à Cronenberg,
Paris, La Dispute.
MASANET María Jos
é, Pilar MEDINA BRAVO et Joan FERRÉS (2018), « Myths of Romantic Love and G
ender-based Violence in the Fan Forum of the Spanish Teen Series Los Pr
otegidos », Young, 26(4), p. 96-112.
MAYOR MAYOR Francesc, (2014), « Transmedia Storytelling desd
e la ficción televisiva serial española. El caso de Antena 3 », CIC. Cu
adernos de Información y Comunicación, 19, p. 69- 85.
MCROBBIE Angela (1991), Feminism and youth cul
ture: From ʻJackieʼ to ʻJust Seventeenʼ, Londres, Macmillan.
MCROBBIE Angela (2009), The aftermath of
feminism. Gender, Culture and Social Change,
Londres, Sage.
MELÉNDE
Z MALAVÉ Natalia et María Teresa VERA BALANZA (2003), « Educando a las nuev
as cenicientas valores y mitologías cotidianas en "
Betty, la fea"
», dans José Ignacio Aguaded Gómez (coord.)
Luces en el laberinto audio
visual, Huelva, Congreso Iberoamericano de Comunicación y Educación.
div>
MENÉNDEZ MENÉNDEZ María Isabel (2014)
, « Ponga una mujer en su vida : análisis desde la perspectiva de género de
las ficciones de TVE Mujeres y Con dos tacones (2005-200
6) », Area Abierta, 14(3), p. 61-80.
MONTERO Yolanda (20
06), Televisión, valores y adolescencia, Barcelona, Gedisa.
<
div>RADWAY Janice (1984), « Interpretive Communities and Variable Literacie
s: The Functions of Romance Reading »,
Daedalus, Vol. 113, N° 3, p
. 49-73.
RODRÍGUEZ FERRÁNDIZ Raúl, Félix ORTIZ GORDO et Virginia
SÁEZ NÚÑEZ (2014), « Contenidos transmedia de las teleseries españolas : cl
asificación, análisis y panorama en 2013 », Communication & Society, 27(4), p. 73- 94.
RUBIO HERNÁNDEZ María del Mar et Francisco J
avier LÓPEZ RODRÍGUEZ (2012), « El fan fiction de temática homoeró
tica inspirado por productos audiovisuales. Una aproximación desde la narra
tiva », Comunicación : revista Internacional de Comunicación Audiovisua
l, Publicidad y Estudios Culturales, 10, p. 1183-1198.
SANGR
O Pedro et Juan F. PLAZA (2010), La representación de la mujeres en el
cine y la televisión contemporáneos, Madrid, Laertes.
SCOLAR
I Carlos (2013), Narrativas transmedia : cuando todos los medi
os cuentan, Barcelona, Deusto.
SELLIER Geneviève (2010), « C
ultural studies, gender et études filmiques », dans Maxime CERVULLE et
al., Cultural studies : genèse, objets, traductions, Paris, É
ditions de la Bibliothèque publique d’information.
ZAFRA Re
medios (2018), El entusiasmo. Precariedad y trabajo creativo en la era
digital, Barcelone, Anagrama.
CONTACT:emailProtector.addCloakedMailto("ep_41d26d3d", 0);
DTSTAMP:20240329T151058Z
DTSTART;VALUE=DATE:20190909
DTEND;VALUE=DATE:20190916
SEQUENCE:0
TRANSP:OPAQUE
END:VEVENT
END:VCALENDAR