Réforme des modalités de recrutement et de formation des futurs enseignants

Les membres du jury du CAPES d’espagnol ont eu connaissance d’un document de travail ministériel relatif à une nouvelle réforme du recrutement et de la formation des enseignants et la création des « ENSP » dites « Écoles Normales Supérieures du Professorat du XXIe siècle ». La création de ces Écoles est justifiée, selon ce document, par l’idée que « Le maintien de la formation à l’université doit s’accompagner d’une profonde transformation des INSPE dans les ENSP en termes de gouvernance, de ressources humaines et de pilotage” 

Ce projet, qui intervient moins de trois ans seulement après la mise en œuvre en septembre 2021 d’une précédente réforme déplaçant le concours du M1 au M2 et organisant de nouvelles épreuves (arrêté du 25/01/2021), prétend répondre aux difficultés de recrutement de jeunes professeurs.

Il place le concours en fin de Licence. Les lauréats seraient alors placés en stage d’observation et de pratique accompagnée dès le M1 sur 1,5 j par semaine (soit 37,5% du temps de formation) et en responsabilité sur 2,5 j par semaine (soit 50% du temps de formation).

Les membres du jury du CAPES d’espagnol s’émeuvent de la diminution drastique de la formation disciplinaire sur l’ensemble de la formation de Master qu’induit cette réforme (37,5% du temps de formation en M1 et 30% en M2). Ils déplorent l’incompatibilité de ces nouvelles modalités avec la mobilité Erasmus d’un semestre et ou d’une année universitaire pour les étudiants de Licence 3 d’autant que cette mobilité sera totalement impossible à réaliser en Master.

De plus, cette réforme menée sans concertation et dans la précipitation inquiète sur plusieurs autres points :

-le calendrier indiqué sur le document de travail (mise en œuvre dès septembre 2024 de modules de formation spécifiques pour les L3 et nouvelles maquettes en Master 1 et 2, pour une 1ère session du concours en 2025) non seulement est intenable mais de surcroît il affiche un total mépris d’une part envers les équipes qui ne cessent de s’adapter aux réformes successives et d’autre part envers les étudiants qui viennent de candidater via MonMaster à un M1 sans qu’on sache exactement quels en seront désormais les objectifs de formation et les étudiants de L2 qui s’engagent dans une Licence 3 l’année prochaine et vont découvrir que le concours est avancé sans en connaître les modalités (nature, contenu et calendrier des épreuves). Et ne parlons pas de ceux qui ont choisi de s’engager dans une mobilité Erasmus en L3 en 2024-2025 et ne pourront donc passer le concours !

-la gouvernance des ENSP est particulièrement inquiétante : ainsi, la nomination des directeurs par les MENJ et MESR, personnels choisis parmi les IGESR, laisse présager que les INSPE deviendront de simples prestataires de services accomplissant une commande venue d’en haut, perdant ainsi toute liberté pédagogique ; de même, le principe d’une part variable de la rémunération de ces directeurs en fonction de l’atteinte ou non des « objectifs » fixés par les MENJ et MESR relève d’une inquiétante conception néo-libérale de la gouvernance.

L’exercice du métier d’enseignant est de plus en plus complexe dans une société traversée par de multiples tensions qui se cristallisent au sein de l’école. La maîtrise des savoirs contribue à asseoir l’autorité d’un enseignant et la réduction des enseignements disciplinaires prévue par le document de travail s’avère, à cet égard, particulièrement dangereuse. Comment un jeune enseignant insécure dans la transmission des savoirs pourra-t-il interroger sa pratique et appréhender en même temps l’ensemble des enjeux de l’éducation dans toute leur complexité ? Comment prétendre attirer de jeunes étudiants vers ce métier alors que ce projet contribuera à le mettre en difficulté dans l’exercice de sa profession ?

Les membres du jury du CAPES d’espagnol réunis en plénière le 3 avril 2024